Je t’M... moi non plus
Ah, Myrkur... Ou une des dernières controverses qui agite la scène black metal depuis la sortie de son premier EP l’année dernière. A quel jeu joue Myrkur, alias Amalie Bruun ? Fait-elle seulement du black metal ? Est-elle une opportuniste narcissique qui mise sur son physique avantageux pour gagner de la popularité ? A-t-elle un réel talent de composition, pas vraiment mis en valeur dans son autre groupe Ex Cops ? Voilà une partie des interrogations qui viennent alimenter le débat. Et ce premier album, sobrement intitulé M, y répond des plus clairement.
La distribution avait de quoi laisser rêveur. En plus d’Amalie Bruun, l’album comprend dans ses rangs Garm d’Ulver himself à la production, à savoir un des acteurs les plus respectés de la scène black metal norvégienne. Le simple fait qu’il ait accepté de se consacrer au projet devrait mettre la puce à l’oreille de tout aficionado du genre, tout en restant vigilant : un bon producteur n’est JAMAIS synonyme d’un bon album à coup sûr, même si en l’occurrence, Ulver est proche du sans faute sur album en vingt ans de carrière. Mais ce n’est pas tout, le personnel de M comprend aussi Teloch (Mayhem, Igorrr) à la guitare, Øyvind Myrvoll (Dødheimsgard) à la batterie, mais aussi Christopher Amott (ex-Arch Enemy, Armageddon). On peut d’ailleurs légitimement se demander ce que vient faire ce dernier ici, sachant qu’il se contente de jouer sur « Mordet » et même pas un solo !
Assez tourné autour du pot, et concentrons nous sur ce qui nous intéresse vraiment : la musique. Commençons avec un postulat, net et précis : il faudrait être soit de très mauvaise foi, soit très amoureux, pour dire que cet album apporte quoi que ce soit de novateur au black metal, en tout cas au niveau instrumental. Plus précisément, M est un complet retour en arrière sur ce point, renvoyant clairement aux années de balbutiements tourmentées de la naissance du genre. C’est dans les premiers Bathory, Burzum ou encore Mayhem qu’on trouve l’essence musicale qui a donné naissance à cet album. La production, les riffs, l’ambiance, tout ici est un pastiche de black metal old school, un éloge d’une demi-heure à cette musique écrit par Amalie Brunn. Et il est sacrément bien orchestré.
Bien évidemment, il est difficile de ne pas pointer Ulver, tant l’influence des trois premiers albums se ressent à l’écoute de M, et tout particulièrement l’approche vocale polyphonique de Bergtatt et Kveldssanger. Encore une fois, on comprend pourquoi Garm est derrière la console. Et on peut s’en réjouir, car l’album a un son très convaincant, avec un necro sound teinté d’une pointe de modernité, lui permettant de n’être pas complètement tourné vers le passé. Pour revenir sur le chant, et on parle ici du chant clair, c’est la vraie valeur ajoutée de l’album, qui transcende les compositions et fait de ce qui aurait été un banal album de black metal, un album aux mélodies envoûtantes et addictives. Le growl est lui aussi plutôt efficace, avec un côté très sauvage, ce qui donne une belle dualité quand il fait face aux chœurs éthérés d’Amalie, qui évoquent aussi les chants mélancoliques de la bande originale de Metal Gear Solid.
M, une réussite ou une arnaque ? En définitive, la réponse sera donnée par les auditeurs. Mais en regardant les rares performances du groupe en concert, on a du mal à déceler une supercherie. Il faut d’ailleurs noter qu’Amalie fait appel à un chœur de jeunes filles pour reproduire les parties vocales, plutôt que d’utiliser des samples. A l’heure où leur utilisation en concert se standardise dans le monde du metal, ce sens du détail donne un élément de réponse supplémentaire. Encore une fois, M n’invente rien, mais il a le mérite de faire voyager, l’apanage des albums qui valent qu’on s’y attarde.
Chronique par Tfaaon (Facebook)
