« The sea is everything »
C’est par ces mots que débute le deuxième album des Parisiens d’Atlantis Chronicles. De quoi planter immédiatement le décor (à la sauce steampunk) puisque le concept développé par le groupe au sujet des pérégrinations d’Otis Barton, un océanographe du vingtième siècle, sert de cadre au death metal moderne technique du groupe. Si l’ambition affichée par Atlantis Chronicles à travers cette dimension conceptuelle est bien là, il est toujours risqué pour un groupe, qui plus est aussi jeune, de se lancer dans un tel exercice. Mais à l’écoute des titres de Barton’s Odyssey, il faut bien reconnaître que les Parisiens se sont donnés les moyens de leurs ambitions et proposent un death metal aux relents de djent et de deathcore, tout en dosant savamment l’ensemble pour en faire une œuvre cohérente et habilement menée.
Tout au long des dix titres de l’album, Jérôme Blazquez et Alex Houngbo, les deux guitaristes font preuves d’une maîtrise technique irréprochable. Alternant sweeping (« Modern Sailer’s Countless Stories »), tapping (« I, Atlas ») et rythmiques djent (« Upwelling Part 1) sans sourciller, ils sont les grands gagnants de l’œuvre, n’oubliant jamais la mélodie au profit de la technique (« The Odysseus »). Certains plans rappellent également ceux des opus récents de Gorod par leur musicalité, en intégrant toutefois une dimension épique qui colle parfaitement à l’ambiance développée dans l’album (« Within the Massive Stream »). De même, les musiciens ne roulent pas en permanence pied au plancher, sachant calmer le propos lorsque cela est nécessaire, à travers de courts passages en son clair (« Light and Motions » ou encore « Upwelling Part II » au cours duquel la basse slappée est particulièrement mise en avant).
Les œuvres conceptuelles font généralement l’objet d’un aspect narratif poussé. Outre la présence d’un narrateur ponctuel, c’est la diversité du chant qui est au centre de l’album. Antoine Bibent, le vocaliste, s’il passe la majeure partie de l’album en proposant un chant hurlé typé deathcore, est en effet complété par des variations mélodiques en chant clair de ses camarades guitaristes (« Upwelling Part 1 », « 50°S 100°W », « Modern Sailer’s Countless Stories ») bien amenées.
Au rang des reproches toutefois, le son de batterie triggué à l’extrême risque de déstabiliser les auditeurs moins familiers avec le death moderne ou le djent. Si ce choix résulte d’une direction artistique totalement assumée, il retire une part d’humanité aux parties rythmiques, proposant un jeu trop mécanique pouvant fatiguer l’auditeur sur la durée. Cela est d’autant plus dommage qu’étant donné le niveau de batterie de Sydney Taieb, il est frustrant de se dire que le résultat sonne de façon aussi numérique.
En dehors de cet aspect, toutefois non négligeable, Atlantis Chronicles livre ici une œuvre ambitieuse, sans se rendre prisonnier du concept. Malgré les nombreux styles abordés au cours des 40 minutes de l’album, les Parisiens parviennent à maintenir l’auditeur en haleine sur la durée, sans lasser un instant. Nul doute qu’une œuvre comme celle-ci ne peut que prendre toute sa mesure sur scène, alimentée par un jeu de lumière adéquat. Il nous tarde donc de découvrir Barton’s Odyssey en version live. En attendant, il nous reste cet opus pour nous replonger à l’envie dans l’univers aux profondeurs abyssales d’Atlantis Chronicles.
Note : 8,5/10
Photos promotionnelles : DR