Requête ultime de fans rêvant de perfection, les membres d'Amorphis se sentirent revêtus d'une mission : faire de vieux morceaux cultes l'apogée de leur style actuellement salué de tous (ou presque), en y rajoutant cette touche moderne en plus du chant habité d'un Tomi Joutsen depuis considéré comme l'un des meilleurs chanteurs de sa génération.
Oui, ils l'avaient rêvé, et les finlandais l'ont fait. Ainsi sortent-ils le 17 septembre prochain chez Nuclear Blast un écrin unique : le réengeristrement complet de tubes issus des trois premiers opus du groupe composés sous l'ère où Tomi Koivusaari (aujourd'hui concentré sur son rôle de guitariste rythmique) et Pasi Koskinen (seulement sur Elegy) officiaient derrière le micro.
Entre magie et chaos, ce Magic & Mayhem - Tales from the Early Years offre ainsi la chance aux jeunes inconditionnels du combo venu du nord d'enfin découvrir les vieux classiques du groupe, eux qui pour certains s'étaient interdits d'écouter les premiers opus - trop crus ou sans leur idole Tomi Joutsen au chant.
The Karelian Isthmus mais surtout les remarquables Tales from the Thousand Lakes et Elegy se voient ainsi, production grandiose à l'appui, remis au goût du jour... ne serait-ce que l'espace de certains titres finement choisis car clairement piochés parmi les incontournables d'Amorphis. Si vous avez plus ou moins récemment assisté à un show live du groupe, vous connaissez déjà les morceaux présents sur cette galette, à deux ou trois exceptions près.
Commençons par celles-ci, puisque la transformation s'avère déjà majeure sur les plutôt extrêmes "Exile of the Sons of Uisliu" et "Sign from the North Side" issus de la toute première production datant de 1992. Une réussite sur des morceaux où la mélodie ne fait pourtant pas la différence, Tomi semblant s'approprier le "ton" de l'époque en faisant jouer de son timbre caverneux. Je passerai ici sur la reprise "Vulgar Necrolatry" du groupe Abhorrence (ancien combo de Koivusaari) pour avancer sur l'une des claques de cette compilation... "Light My Fire", vous connaissez ? The Doors, bien évidemment ! Or, si cette reprise - déjà entonnée sur une démo du groupe et en bonus track du second album - paraissait à l'époque maladroite, elle se voit ici totalement subjuguée par des arrangements "modernes" au son d'un clavier à la fois sorti du passé et idéalement mixé à la mode d'aujourd'hui (merci au virtuose Santeri Kallio). Le tout une nouvelle fois porté par un vocal divin.
Mais les véritables réussites ne font que se succéder de morceau en morceau, chaque relecture s'avérant pointue et réexaminée à la loupe par un groupe bien décidé à ne laisser aucun détail au hasard. "The Castaway" subira ainsi quelques changements notables, non pas dans la structure mais sur quelques rajouts judicieux ainsi qu'une tonalité quelque peu différente afin de donner la possibilité au meilleur chanteur finlandais du moment d'y mettre tout son coeur. Encore plus mélodiquement parlant, "On Rich and Poor" (et son solo phrygien d'inspiration Iron Maiden toujours aussi clinquant sur lequel Esa Holopainen donne libre court à tout son talent), "Drowned Maid" (où le sieur Joutsen met définitivement tout le monde d'accord de sa voix grave et inquiétante) et "Against Widows" (entre prouesses techniques et rythme d'enfer) remportent une palme d'or d'une accroche totale et irrésistible. "My Kantele", celle qui peut-être sera la plus attendue au tournant, n'en sera qu'encore plus magnifiée... même si sur ce point je ne peux me décider quelle version je préfère.
Il n'y a pour ainsi dire aucune déception. Même "Black Winter Day", en l'apparence assagie notamment au niveau de la mélodie et pas aussi scotchante à la première écoute, rentre parfaitement dans la tonalité globale du brûlot avec cette certaine mélancolie effarouchée lui octroyant une saveur particulière. Nul doute que ce subtil pouvoir de séduction glacial saura atteindre l'auditeur au plus profond de son âme. Un peu comme ce "Magic and Mayhem" ouvrant les hostilités tout en nous laissant bouche bée et béats de contemplation, la mâchoire frôlant ainsi le sol...
Perfection, c'est le mot. Les fans en rêvaient, oui... Voilà qui est désormais fait. Une question reste tout de même posée : que nous réserve Amorphis dans le futur ? Après un magnifique Skyforger (élu album de l'année 2009 par votre serviteur) et cette collection de perles rares ainsi rarifiées, sauront-ils nous éblouir avec un nouvel opus que nous espérons forcément pour l'année prochaine (ce qui constituerait une suite de carrière logique) ? La pression est grande, mais quelque chose nous dit que cette attente sera totalement comblée. Sur ce, je vous laisse sur quelques mots, reflétant la noire poésie que peut procurer ce best of aux allures de festin...
Ô Amorphis, perle des nordiques pays
Ton charme ancien ainsi rejaillit
Par la grâce et le chant de l'ami Tomi
Tes vieux succès s'en retrouvent embellis
Ô Amorphis, tes fans te remercient !
Note : 9/10