« Non mais allo quoi, tu t'appelles Serenity et tu fais du power metal ! » (une grande philosophe contemporaine).
Hé ouais. C'est pas parce que t'as un nom comme ça que tu fais forcément de l'ambiant ethnic neo prog world music. Non, Serenity, en provenance de la montagneuse Autriche, c'est quand même un peu plus que ça. Vu la réputation du combo, d'ailleurs, l'auditeur le plus exigeant est en droit d'attendre de la qualité. Pourtant, Death & Legacy, sans être un mauvais disque, marquait un tournant inquiétant vers des rivages symphoniques, où les acquis n'étaient pas toujours là. Quelques pistes sympathiques pour trop de longueurs, trop de manières, et pas assez de puissance, voilà qui résumait un disque en dessous des capacités réelles d'une telle formation. On pourrait même craindre une continuité de ce chemin peu folichon avec le départ du claviériste et membre fondateur Mario Hirzinger et l'intégration permanente d'une … chanteuse. Waip, cette formation « de mecs » qui se pointe désormais avec une donzelle dans ses rangs nous inquiète. Qu'est-ce qu'il se passe ? Z'ont de la fièvre, là ? L'air des montagnes est si mauvais ? Enfin bref, plusieurs poids se posent sur leurs épaules : rattraper une galette au goût amer (même si pas dégueulasse, hein) et convaincre avec miss Clémentine Delauney (ex-Whyzdom) en tant que voix supplémentaire, aux côtés du charismatique Georg Neuhauser.
Et puis là, on démarre War of Ages, avec « Wings of Madness ». Et c'est de la balle. Ça tue. C'est puissant, les riffs sont au premier plan, la guitare fait mouche et nous gratifie de quelques lignes bien réjouissantes, le chant de notre bon ami frontman est toujours aussi bon et, surtout, ça a une odeur de power metal des familles qu'il fait bon de retrouver. Non mais donc en fait, on oublie Death & Legacy pour se rapprocher davantage de l'excellent Fallen Sanctuary, c'est ça ? Ben ouais. Parce que cet opener musclé fait du bien par où il passe. Excellent de bout en bout, possédant un refrain entêtant et carrément accrocheur, le boulot effectué par Serenity se ressent instantanément. Et la damoiselle, là, dans tout ça ? Elle n'arrive qu'après le refrain, et sa présence manquerait presque. Parce qu'il n'y a pas à dire, elle a du talent, cette petite. Non vraiment. Un chant à la fois marqué par une certaine personnalité et une technique bien en place, offrant une réelle complémentarité au chant masculin, et, surtout, n'ayant pas peur de se poser sur une rythmique plus puissante. Pas question pour le sextette de ralentir le rythme, même avec une femme. Et tant mieux, car en plus de continuer dans une voie qui fait plaisir aux oreilles, cela prouve aussi que la jeune française a de la ressource et plus d'une corde à son arc.
« Je vous vois vous, et vous ! » - Brenda Montgomery
Et ce « Wings of Madness » n'est pas un exploit d'un instant. Il est simplement le début d'une série d'excellentes pistes qui se suivent sans se ressembler, le tout en gardant à la fois cohérence et solidité. Un reproche à leur adresser ? Annoncer la présence de Clémentine, tout en ne gardant qu'une intégration encore un peu trop discrète de la belle. Alors certes, elle chante quand même pas mal. Mais peut-être pas assez pour réellement se faire une idée de ce que la dualité des voix donnera par la suite (en sachant que la jeune femme devrait avoir plus de lignes de chant dans les prochaines œuvres). Néanmoins, ses apparitions sont satisfaisantes. Elle sait se faire convaincante dans « Age of Glory » et ce pont porté par son seul chant, sur les doublages vocaux de « The Matricide » (ainsi que sur sa propre partie chantée), à titre d'exemple seulement. Mais de temps en temps, elle est carrément sous les feux de la rampe, nous prouvant qu'elle est, elle aussi, un atout de taille pour le combo. Sa performance sur « Royal Pain » est de première qualité, classant la belle dans les chanteuses de première division, et le refrain s'en voit magnifié. Quant à la ballade, « For Freedom's Sake », voilà qu'elle se mue en une version plus grave de Sharon Den Adel, mais toujours dans l'intérêt de nos tympans, qui remercient les deux protagonistes. Car la star, ça reste Georg, qui chante quand même la grande majorité des parties vocales, et il faut bien avouer qu'il est plus à l'aise que sur l'opus précédent. S'il maîtrise toujours son chant, il fait cette fois-ci beaucoup moins de manières et paraît bien plus naturel. Et c'est tout naturellement qu'il s'impose, lui aussi, comme une voix de premier plan, grâce à un timbre possédant du caractère et nullement rebutant à l'écoute. Ces deux vocalistes, mesdames et messieurs, sont une clé de la grande réussite d'un Serenity inspiré et puissant, prêt à reprendre le trône du power metal.
Mais il ne suffit pas de jolies voix pour dominer un monde où la compétition est impitoyable. Non, faut aussi savoir composer. Inutile de dire que là aussi, c'est une sacré réussite et que ce retour en forme fait franchement du bien à entendre. Sans mentionner que War of Ages est certainement le meilleur opus de la formation autrichienne jusque là. Une force de Serenity provient des refrains. Et à ce jeu là, ils savent aligner les putains de point d'orgue. Genre « The Matricide », qui est un énorme coup de cœur. La ligne de chant est prenante, les voix sont envoûtantes, et la rythmique derrière suit le mouvement pour un ensemble qui ne sort plus de la tête. En voilà, du refrain qui cartonne et qui change de la mollassonne « Serenade of Flames » de l'album précédent ! Comment ne pas signaler la présence de « The Art of War », aussi épique qu'un Sabaton, et portant très bien son nom ? Georg fait un boulot de dingue, mais les autres musiciens ne sont pas en reste. Voilà un véritable hymne power metal comme on en fait plus assez (même si Gloryhammer, du même label, pourrait faire un bon rival). « Royal Pain » est grandement aidée par la présence d'une Clémentine impériale, tandis que « Legacy of Tudors » est un tube en puissance. Alors ouais d'accord, hein, les chœurs au début sont … étranges. Mais on s'en fout presque tellement la suite déboîte.
Mais Serenity a aussi composé une jolie mid-tempo qui s'appelle « Tannenberg ». Dans cet exercice là, ils savent également y faire, grâce à ce petit quelque chose qui rend le tout prenant. Ça passe par une ligne de chant, un riff, un solo, un refrain, des ingrédients qu'il n'est pas toujours aisé de mélanger (sinon, tous les disques seraient des tueries), mais ces six musiciens sont bons cuisiniers et concoctent des plats qui font envie. « Symphony for the Quiet » peut sembler moins percutante sur le coup, et il s'agit sans doute de la piste qui demande le plus d'efforts et de concentration pour rentrer dans son univers. Dépassant les 5 minutes, elle n'est ni spécialement puissante, ni exceptionnelle aux premiers abords. Et pourtant, à force d'insistance, il se passe un petit quelque chose. Puis il est pas si mal, ce refrain … car oui, War of Ages dispose tout de même d'une certaine durée de vie et ne se range pas au placard aussi vite !
Un véritable plaisir que de retrouver Serenity en pleine forme. War of Ages est un incontournable de l'année, et voir cette formation à nouveau sur le devant de la scène réjouit. Déjà qu'en live, c'est un plaisir, alors si maintenant ils pondent des opus comme ça … le groupe autrichien est un acteur plus que crédible de la scène power metal actuelle, et les allemands ou italiens ont de quoi s'inquiéter : il existe bien de futures références du style ailleurs en Europe ou dans le monde. Et Serenity est prêt à partir à sa conquête. Pourquoi ne pas les rejoindre ?