Moi je ne sais pas si c’est pareil pour vous mais un album, une musique, c’est un moment, une année, un parfum, une jeune fille, un instant magique et inoubliable qui reste à jamais gravé dans notre mémoire.
Et pour illustrer cette nouvelle rubrique de La Grosse Radio, je vais d’abord parler d’un album culte live, celui de Motörhead : le No sleep ‘til Hammersmith. Contrairement à ce que pourrait laisser croire le titre, l'album n'a jamais été enregistré à l'Hammersmith Odeon de Londres mais bien à Leeds et Newcastle fin mars 1981 car ils ne s’étaient pas encore rendus à Londres. Logique.
No Sleep 'til Hammersmith est donc sorti en 1981 et c’est le premier album en public du groupe Motörhead. Il s'agit du seul album live officiel avec le trio Kilmister-Clarke-Taylor qui fit les beaux jours et la légende du groupe. La réédition de l'album en 1996 par Castle Records contient trois pistes en public supplémentaires.
En ce qui me concerne, il s'agit à l'époque d'une révélation. Je connaissais bien sûr le groupe mais pas encore cet album et puis, il faut se remettre dans le contexte, pas encore de presse Metal pour nous aider dans nos choix (je ne vous parle même pas d’Internet…)… « Enfer Magazine » n’arrive qu’en Avril 1983, pas encore de « Hard Rock Magazine » ni de « Hard Force »,…bref…le désert des Tartares. Pour s’informer c’était plus que compliqué, On avait « Best » ou « Rock ‘n Folk » quand ils le voulaient bien.
Bref, c’est l’été et je suis en vacances avec mes parents en Corse… c’est normal c’est le pays de mes ancêtres (Forza Corsica !) et puis je suis un ado, j’aime le « Hard » (non pas les films) ; le vrai hard quoi (pas trop d’arbre généalogique du Metal à cette époque) et pourtant... Je suis sur une plage vers Porto-Vecchio, à Palombaggia exactement. Il y a même un grand ado qui porte un T-shirt de Def Leppard « High & Dry »… je suis trop jaloux.
Après de merveilleux moments sur la plage en train de regarder de jeunes femmes en train de bronzer nues, les jambes légèrement écartées (car en Corse les nudistes étaient partout en ce début d’années 80’)… je reste allongé sur le ventre (par nécessité), le nez et les yeux droit rivés vers un monde encore inconnu… Ouch, moi contemplant ce merveilleux paysage, il ne fallait pas après me demander de me lever trop rapidement… je devais d’abord me concentrer afin de pouvoir me relever et courir rafraichir certaine partie de mon corps dans une eau à 26 °C…
En fin de journée pour me changer les idées, je décide de passer chez le libraire pour acheter Rock ‘n Folk… (Bon pour cette chronique, je trouve justement que j’écris comme les mecs de R ‘n F : je tourne autour du pot, je traine, je fais patienter avant d’attaquer le sujet)…
Imaginez la couverture de ce fameux mensuel du mois d’Août 1981 qui ne coutait que 9 Francs (soit moins de 1,5 €) ! Angus Young en plein solo la bouche ouverte sur un fond noir et en titre AC/DC, Motörhead, Deep Purple, Van Halen et j’en passe… le Hard de A à Z. Bon alors que faire ? Je l’achète bien sûr !
Je tourne les pages et je tombe sur la chronique de Jean Sylvain Cabot dont ce disque était le premier analysé avec comme titre « Motörhead… comme un Volcan… »
C’est vrai quoi, un magazine appelé Rock et puis plus loin Folk qui allait dire du bien d’un groupe de Hard (c’était rare) appelé Motörhead ; cela ne pouvait être qu’explosif, jouissif et trop puissant. Bon moi j’en suis où ? Ah oui Motörhead… alors je lis la chronique… l’album, la puissance (pour l’époque on disait que c’était « le live le plus violent de tout les temps » et puis la photo de Lemmy et de Fast Eddie en Perfecto en train de porter « Philthy Animal » pour illustrer la chronique : il était difficile de pouvoir y résister…
Je lis la chro, j’en suis dingue mais à cette époque a part des disques de Tino Rossi sur l'Île de Beauté il n’y avait pas grand-chose à se mettre sous la dent. Pour me procurer le fameux sésame, il me fallait rentrer chez moi… mais après les vacances et savoir patienter en lisant et relisant le fameux écrit.
A peine rentrer à Paris, je me précipite chez mon disquaire préféré (California Music) afin de tenir le 33 tours dans mes mains : les photos délirantes de la tournée à l’intérieur où l’on pouvait voir les photos de Lemmy, de Fast Eddie, du « Animal », des nanas de Girlschool et des roadies en train de faire les pitres ; et la pochette avec le bombardier légèrement penché au dessus de la scène… monstrueux !
Après l’achat, il fallait rentrer dare-dare chez soi et poser la face A sur la « chaîne » des parents et poser délicatement le diamant sur les sillons afin d’entendre la déflagration impossible à l’époque d' « Ace of Spade » qui vous fera penser qu’il n’y a qu’un but dans la vie : « Ecouter du Metal - point barre !! ».
Je connaissais « Intensities in 10 Cities » de Ted Nugent sorti la même année mais là j’avoue j’étais perdu. Trop fort, trop puissant !!!
A l’époque, l’album est sorti chez Bronze dont le logo illustrait la marche du singe jusqu’à l’homme de nos jours autour du trou central du disque (en passant par l’homme préhistorique). L’album est rentré à la première place des charts anglais, alors cela méritait de s’y intéresser.
Le son est compact tout comme le public que l’on ressent proche de nous. Ça sent la sueur aigre, les dessous de bras, le tabac (on pouvait fumer dans les salles), les cris des die-hards, les pogos. Et c’est du brut, du « true » comme on dirait maintenant avec un « Ace of Spades » qui vous prend aux tripes. C’est prenant et on à beau connaître la ritournelle, c’est toujours aussi jouissif d’entendre Lemmy éructer :
« If you like to gamble, I tell you I'm your man
You win some, lose some, it's - all - the same to me “
La basse gronde, la guitare dégage une impression de risque, de danger encore impossible à l’époque…
« Stay Clean » et son roulement de batterie suivi de « Metropolis » au groove ravageur avec les solos de Fast Eddie qui nous font frémir.
Ensuite « The Hammer » suivi de « Iron Horse » et la voix au ton mélancolique de Lemmy qui vous fait hérisser l’échine.
Le rythme s’accélère a nouveau avec « No Class » pour vous perdre à jamais... Et puis « Overkill » nous écrase pas sa puissance et par sa maitrise. C’est simple mais terriblement efficace. Son intro toujours aussi puissante où l’on sent Phil Taylor debout sur sa grosse caisse pour y insuffler une puissance phénoménale.
Mais ce qui restera pour toujours dans les tables d’acier forgé du Metal, c’est le cri sauvage et aigu de Lemmy sur « We are (The Road Crew) » qu’il dédie aux roadies et là on se dit « respect ». Ce sont des mecs qui savent jouer, respecter leur public sans oublier les mecs qui bossent pour eux jours et nuits sur des tournées interminables (il suffit de voir le DVD « Lemmy » pour s’en rendre compte avec le moment où les roadies reprennant le fameux titre).
« Capricorn », « Bomber » et son hymne surpuissant, puis « Motörhead » qui terminent pour nous achever, car c’est bien pour cela qu’on aime les voir en concert. Veni, Vidi et ils nous on Vici !! Car le métier de Lemmy et de ces potes depuis tant d’année c’est bien ce qu’il a écrit dans Bomber :
« Because, you know we do it right,
A mission every night,
It's a Bomber »
Alors la vie est aussi simple que les paroles de Lemmy à l’entame d’un concert: « We are Motörhead and we play Rock ‘n Roll »… ou la version que je préfère « We are Motörhead and we gonna kick your ass »…
Lionel / Born 666
PS: "Je n’ai rien à offrir que du sang, du labeur, des larmes et de la sueur."
(Paroles prononcées par Churchill, le 13 mai 1940, devant la Chambre des Communes.)
Setlist :
Ace of Spades – 3'01
Stay Clean – 2'50
Metropolis – 3'31
The Hammer – 3'05
Iron Horse/Born to Lose – 3'58
No Class – 2'34
Overkill – 5'13
(We Are) the Road Crew – 3'31
Capricorn – 4'40
Bomber – 3'24
Motörhead – 4'47
Titres supplémentaires de la réédition de 1996 :
Over the Top – 3'04
Capricorn (Alternate Version) - 4'54
Train Kept A-Rollin' – 2'44