"Notre boulot c’est comme une drogue !"
C’est la fin du festival, cette très belle édition du Fall of Summer qui s’est déroulée dans la base nautique de Torcy. Il est tard, l’entretien devait avoir lieu avant qu’ils ne montent sur scène mais à été reporté à plus tard, après leur très belle prestation. Bobby Liebling (chant) et Victor Griffin (guitare) m’attendent paisiblement dans leur loge. Bobby a l’air fatigué mais c’est aussi sa façon d’être. Ils sont avachis sur leur canapé lorque je tente d’établir un rapprochement afin d’évaluer si les musiciens sont comme nous sur Terre où si ils sont en gravitation onirique dans une quelconque stratosphère enfumée.
Lionel / Born 666 : Alors, vous en avez pensé quoi de votre show de ce soir au Fall of Summer ?
Bobby Liebling (murmurant) : j’ai trouvé cela intéressant, passionnant…
Victor Griffin : j’ai adoré, très sympa, un très bon moment.
Lionel : Mieux qu’il y a deux ans au Hellfest…
Bobby : Oh oui ce soir c’était excellent, bien mieux qu’au Hellfest c’était chiant…
Victor : (interrompant Bobby) non je crois que tu confonds au Hellfest c’était aussi très bon, un excellent show tu dois confondre avec un autre concert…
Bobby : Tu es sûr, ce n’était pas en France ?
(Ils n’arrivent visiblement pas à se mettre d’accord et Bobby a l’air perdu dans le brouillard de ses pensées). Mais rappelle-toi !
Lionel : C’était il y a deux ans…
Victor : Oui tout à fait je m’en souviens, c’était excellent aussi…
Bobby : …je ne vois plus…
Victor : …mais si, il y avait aussi Mötley Crüe, Ozzy,…
Lionel : Oui absolument !
Bobby : Non je ne crois pas que notre show était bon…
Victor : (Calmement et patiemment)…non Bobby tu confonds, ce show assez mauvais, c’était en Espagne.
Bobby : Tu es sérieux ?
Victor : Oui, bien sûr que je suis sérieux…
Bobby : Mais non c’était en France…
Lionel : (Rire et essayant de changer de conversation) Que pensez vous du fait qu’à vos concerts il y ait des jeunes kids qui étaient loin d’être nés au début de Pentagram ?
Bobby : J’en suis fier, j’en suis très fier…et j’apprécie le fait que des jeunes viennent et comprennent notre musique…tous les groupes ont des identités propres…et que ses personnes apprécient nos vieux trucs. (Il parle très bas d’une manière assez spéciale qui rend la compréhension de ses propos relativement difficile)
Lionel : Donc ce n’est pas trop difficile de vivre en tant que légende encore vivante après ces nombreuses années ...
Bobby : (Rire) oh une légende,…
Lionel : Si ! Les gens vous considèrent ainsi…
Bobby : Peut-être maintenant, mais…
Victor : … Oui c’est cool, on sait qu’on recouvre de nombreuses générations.
Bobby : Oui au moins deux, trois,…
Victor : Hier c’était un autre gig mais ce soir on voyait qu’il y avait de nombreux jeunes dans l’audience avec leurs parents,… (Bobby parle en même temps que Victor rendant l’entretien difficilement compréhensible).
Bobby : Grands-parents, parents, enfants…
Victor : Oui bon c’est vrai qu’il n’y a plus de groupe possédant le statut d’icône. Des gamins qui ont appris à découvrir des groupes des années 70’s se rende comptent compte à ce moment là qu’on fait de la bonne musique.
Bobby : C’est de la bonne musique, des bons titres avec des voix, pas des "Rhoooooooo" ou des "Whaaaoauuuahhh" (c’est alors que Bobby fait de nombreuses grimaces pour appuyer ses propos) comme maintenant. (Rire général) Ou des "ïïïïïï-ïïï-ïïï" des "houuuuuuuu" ou des "hihinhihinonhhinnn"…
Lionel : Bobby quand tu es sur scène tu es très expressif, très théâtral, c’est naturel ?
Bobby : Quand je suis sur scène je sais que je suis ridicule, j’aime ça (il parle de plus en plus bas ce qui rend ses propos totalement inaudibles), c’est ce que je ressens en chantant, je sens la puissance, je deviens dingue, en vieillissant tu ressens plus la douleur aussi, je pourrais tuer quelqu’un,… mais quand tu es sur scène, sache-le, tu dois être le meilleur et c’est ce que j’essaye de faire depuis 40 ans, essayer d’être le meilleur, Non ? Ce sont des étincelles de vie ! Tu as envie d’exploser !
Mais bon je fais ce que je sens et les gens me le rendent, et cela nous fait du bien de le ressentir ainsi, c’est un échange… et dans ce moment on se rejoint tous sur la même longueur d’onde.
(J’ai tendance à l’interrompre car je pense à chaque fois que sa phrase est terminée…)
Lionel : Vous allez sortir un nouvel album ?
Victor : Oui on rentre en studio le 6 Décembre. Donc si tout ce passe bien il sortira au printemps 2015.
Lionel : C’était difficile de travailler à nouveau, de trouver de nouvelles idées ?
Bobby : Non…
Victor : …Non pas vraiment, on fait ce qu’on a toujours su faire, tu sais.
Lionel : Maintenant vous êtes considérés comme les parrains du doom metal mais il y a 40 ans vous ne saviez pas obligatoirement ce que cette musique allait devenir…
Victor : C’était simplement du hard rock.
Bobby : Du rock n’ roll, ash ock…
Victor : Oui ce que tu veux, mais du hard rock quand même,…
Lionel : Quels sont les jeunes groupes que vous appréciez et qui jouent votre genre de musique ?
Bobby : Bon on sait qu’on a influencé un paquet de groupes, mais les groupes des années 80 craignent, ceux des années 90 craignent aussi, …
Victor : Non tu sais mec, on ne suit pas vraiment ce qu’il se passe,…
(J’essaye d’énumérer une liste de groupe mais je fais choux blanc…)
Bobby : On n’a pas un grand spectre d’écoute musicale comme on avait quand on était plus jeune.
Lionel : Que pouvez-vous nous dire sur votre prochain album ?
Bobby : C’est du vieux, fait de vieux trucs, des idées fraiches mais faites à l’ancienne (il parle presque comme Maître Yoda dans Star Wars ce qui rend la traduction assez difficile).
Lionel : Vous avez écrit principalement à deux ?
Victor : On a seulement a peu près terminé deux titres, mais Bobby a des vieux morceaux qui ne sont jamais sorti et sur lesquels on travaille. On bosse sur les titres que Bobby veut mettre à jour et qu’il ressort des années 70 mais avec un son d’actualité. Un son comme on peut entendre maintenant.
Lionel : Donc on peut s’attendre à vous retrouver sur les routes l’année prochaine ?
Bobby : Oui on sera à nouveau en tournée.
Victor : Bon on peut dire qu’on est déjà sur les routes.
Bobby : Oui on est toujours sur les routes…
On est des nomades du Rock n’ Roll toute l’année.
Victor : On pourrait déjà être des retraités… (Rire), mais bon, se retrouver sur scène face à des mecs de 60 ans ou de 15 ans c’est cool, on aime ça. Tu sais on fait ce qu’on aime faire depuis 40 ans.
Et puis ce qui est bien c’est qu’on fait toujours la même chose depuis nos 20 ans et franchement on n’imaginait pas toujours le faire…on a de la chance de le faire encore en 2014.
Lionel : Vous avez eu des retours positifs concernant la sortie du film documentaire sorti en 2012 ?
Bobby : Last Days Here ? C’est une histoire difficile la mienne, les problèmes de drogues, un truc de dingue, un mec un peu dingue et je suis toujours là.
Lionel : Après toutes ces années dans le monde dur rock n’ roll quelles sont les choses les plus difficiles à vivre ?
Victor : Le côté chiant d’être en tournée, être entre deux shows, le temps qu’on passe pour préparer le show…
Bobby : les aéroports,…le repos, tu dors deux heures et puis tu repars,…
Victor : Oui le repos. Et c’est toujours la même chose. Et les hôtels, attendre en backstage. Il y a beaucoup trop d’attente en tournée. Et pourtant quand on rentre à la maison, au bout de deux semaines on n’a qu’une envie c’est de repartir et de faire à nouveau des shows. Je ne sais pas quoi faire quand je me retrouve seul.
Bobby : Bon c’est au bout de 6 semaines que l’on commence à revenir dans la vie de tous les jours mais à un moment la fièvre des tournées commence à revenir… Notre boulot c’est comme une drogue, on est en manque de scène et on veut retourner sur les routes pour faire de la musique…