Arme de distraction massive...
Que je vous explique pourquoi je commençais à en avoir ma claque du heavy de l'école allemande... C'est qu'au bout d'un moment, pour un style qui se faisait fièrement accoler l'étiquette de "power", voire de "true metal" ou que sais-je encore, je ne comprenais plus pourquoi on en arrivait à se retrouver avec des productions aussi insipides, molles du genou et, pire que tout, dont les compos et les mélodies finissaient par devenir vraiment trop 'chochottes' et guillerettes, à en faire passer le "Carry on" de Manowar pour un monstre de virilité affirmée (c'est dire...), sans que personne ne trouve rien à y redire!
Comme le genre ne cessait en plus de faire des émules sans jamais franchement se renouveler, c'est par paquets de treize à la douzaine que l'on retrouvait nos "fières" hordes de heavy métal germain (à peu près autant que des groupes de death par chez nous...), pour le plus grand plaisir d'un public de festivals ou même de simples 'gigs' locaux (le genre faisant partie intégrante de la culture là-bas, voilà qui fait rêver!), à défaut d'une plus conséquente pointe de succès médiatique ou commercial en dehors de leurs frontières, pour toutes ces formations ainsi noyées dans la masse.
Prenons Paragon, par exemple. Le groupe existe quand même depuis 1990, mais n'avait pourtant pas fait parler de lui plus que cela dans nos contrées, si ce n'est à l'occasion de leur collaboration remarquée avec l'emblématique Piet Sielck (Iron Savior et officieusement un des tout premiers ex-Helloween!), devenu alors leur producteur attitré, soit à partir de Steelbound en 2001. Malgré cela, à mesure de sorties certes carrées, solides (de l'allemand, quoi...) et un poil plus 'énervées' que la moyenne, mais tout de même bien anecdotiques au milieu d'un panier de crabes sans pinces d'or, et surtout qui commençaient dernièrement à virer au faiblard - à l'image du policé et poussif Screenslaves de 2008, le dernier opus en date jusqu'à aujourd'hui pour lequel Sielck avait, il est vrai, déserté ... - , le groupe ne semblait pas se défaire d'influences qu'il ne parvenait pas non plus à réellement dépasser. Le digne concurrent d'un Rage - soit la continuité à la fois dans le renouvellement et dans le respect de la tradition - n'était de fait pas encore prêt de pointer le bout de sa chope...
Ne faisons pas durer le suspense plus longtemps et ne perdons pas non plus de temps à essayer de jouer (je vous laisserai faire le test plus tard...) au jeu des 7 erreurs entre cette dernière pochette d'album et toutes les précédentes - ce serait aussi fastidieux que d'essayer de chercher des nouveaux mots chez Manowar (encore eux, mais ils cherchent, hein, aussi...) ! Enfournons donc cette galette farouche et racée, puisque disons-le tout de suite, s'il n' a pas encore fait sa révolution ou sa déclaration d'indépendance, le groupe s'est quand même bien ressaisi aujourd'hui !
On aurait tendance à dire, tant il est vrai que Monsieur Piet Sielck a la fâcheuse manie de toujours mettre son grain de sel et de 'vampiriser' les groupes avec lesquels il travaille, que Paragon est devenu au fil des années une simple copie d'Iron Savior (en plus 'mastoc' tout de même) ... Pourtant, au moment d'aborder ce Force of Destruction, sorti le mois dernier chez Napalm Records, ce n'est pas vraiment le premier nom qui nous viendrait à l'esprit : le côté à la fois TRES très 'heavy' de la musique allié à la voix rocailleuse - et pourtant toujours prompte à nous emmener dans des refrains guerriers 'hymniques' et rassembleurs - du chanteur Andreas Babuschkin nous évoqueraient plutôt l'alliance d'un Accept et d'un Grave Digger !
Il faut dire que la production de cet album est tout simplement énorme, bien plus que tout ce qu'il nous a été donné d'entendre chez le groupe de leur producteur, sans vouloir trop balancer! Exit la batterie au son plus naturel du précédent opus, retour au "bombastique", et si les guitares ont toujours été bien ciselées et tranchantes chez Paragon, on peut dire qu'elles n'ont en outre jamais aussi bien sonné qu'aujourd'hui. Les refrains sont également à mon sens bien plus en phase désormais avec l'agressivité du style du groupe et avec cette nouvelle prod' des plus massives, bénéficiant enfin du relief et de l'ampleur nécessaire pour que ça fonctionne sans aucune baisse de régime !
Pas étonnant qu'on en vienne pour le coup à penser à d'autres groupes de tête de peloton dans le genre, parmi lesquels Gamma Ray ("Gods of Thunder", un pur hymne!), les vieux Hammerfall (les rythmiques galopantes de "Secrecy"), voire Manowar sur les couplets de ce "Dynasty" ou ce "Rising from the Black" qui évoquerait les moments les plus virils de nos Conans les Barbares (attention, contrairement aux apparences aucune contrepèterie n'aurait eu l'idée saugrenue de se cacher par là, voyons...), tels "Black Wind, Fire and Steel" et autres "House of Death". De manière générale, on retrouve également une certaine saveur et nervosité dans les mélodies de guitare ("Iron Will" notamment...) nous remémorant agréablement le Helloween "qui pique" (soit la première et la toute dernière mouture en date). Mais également des références plus inattendues comme ce "Blood & Iron", pur et brillant titre de doom épique plein de lyrisme qui n'aurait pas dépareillé sur un album de la dernière incarnation discographique (RIP) de Candlemass, avec cette lourdeur caractéristique d'un Black Sabbath période Dio, et sur lequel outre l'envahissant Sielck aux choeurs on retrouve justement l'intervention vocale d'un Kai Hansen (qu'on ne présente plus, j'espère!), décidément toujours très à l'aise pour se frotter à des textes et à des registres plus sombres (on se rappelle l'album No World Order de Gamma Ray et ses connotations ésotériques, sa collaboration avec Heavenwood et même les paroles des tout premiers Helloween dont notre bonhomme, alors très féru de Venom, était à l'origine!) ...
Pourtant, force est de constater que ce bien-nommé Force of Destruction aurait tout à fait pu se passer de ces 'guests' de prestige, tant Babuschkin s'en sort déjà comme un chef, dans un registre comme nous l'avons dit très rocailleux, mais empruntant parfois des tics vocaux ou des intonations propres aux hurleurs s'étant succédés dans Judas Priest ("Ripper" Owens sur les chœurs de "Tornado" -qui nous évoqueraient également le Dio de "Die Young"...- et le Halford de la "résurrection" -celui d'antan c'est plutôt chez Primal Fear qu'on ira le chercher!- sur les couplets de "Blades of Hell" et de "Dynasty"), dans une version tirant au pharmaceutique "un-chat-dans-la-gorge-vite-mes-cachetons" pour le coup ...
Au final, le plus grand regret que l'on peut éprouver au regard de ce brûlot en tout point irréprochable du point de vue de son exécution, ce serait d'alterner des titres imparables car très bien sentis niveau écriture et d'autres au contraire par trop téléphonés.... On ne peut par exemple que rouler des yeux ronds comme des soucoupes à l'entame du galopant refrain de "Bulletstorm" (déjà en écoute sur nos ondes), ou encore celui du très convenu "Rising from the Black" : combien de fois avons-nous déjà entendu pareils chorus guillerets faussement 'guerriers' dans des centaines d'autres groupes du genre, parfois dans un phrasé à l'identique et à la note près ?? Les arpèges de "Demon's Lair" ne sont, eux, pas sans rappeler ceux du "Watching Over Me" d'Iced Earth, et le titre continue d'ailleurs dans un registre power-ballade recueillie en mid-tempo très prisé du gang de Jon Schaffer (qui a dit "When the Eagle Cries"??!...), même si le traitement des claviers ici en fait un morceau tout de même bien à part et prenant, avec une tonalité un peu "retro" qui nous replongerait presque dans les glorieuses 80's (cette batterie et ces solos qui résonnent...), à en mettre la main au briquet plutôt qu'au portable, si vous voulez ! Et au final, on préfèrera encore une fois retrouver les Paragon dans des interventions de chœurs virils façon Iced Earth ou Blind Guardian que dans des mélodies trop 'happy' qui donnent effectivement raison aux mauvaises langues les taxant déjà d'éternels clones d'Iron Savior !
Reste donc que si nos Teutons ne sont toujours pas devenus des parangons d'originalité, ce Force of Destruction incarne aujourd'hui bien à propos toute la quintessence et l'efficacité du métal germain sous toutes ses formes : finalement assez varié, toujours aussi captivant et accrocheur à chaque écoute (en dépit de son manque de surprises), il est un peu l'album qui les résume tous et il saura ainsi trouver une bonne place sur l'étagère aux côtés du Stalingrad d'Accept (et pas trop loin du Alexandros de Sacred Blood...) au rayon des sorties marquantes de cette année en matière de heavy séculaire.
LeBoucherSlave
7,5/10