The Garlics est un groupe de pop rock des alentours de Montréal, et comme qui dirait une bande de jeunes qui semble bien sympathique. "En fait le nom (NDLR : garlic = ail) vient du fait que le bassiste qui jouait avec nous quand on a participé au concours «Exposure Live» au Club Soda de Montréal en 2009 avait une coupe de cheveux en forme de gousse d’ail. C’est resté depuis ce temps-là” explique la chanteuse lors d'une interview. Logiquement, le groupe appelle ses fans... “les gousses” ; voilà une petite touche d'humour culinaire bien trouvée !
Composé à l'origine de 4 membres, le groupe semble n'en garder que 3 officiels depuis le départ du bassiste (et pourtant co-fondateur) du groupe, William Gendron-Saulnier, courant 2011 : May L'Archevêque-Wells est donc au chant, Olivier Mimeault à la guitare, et Jean-Frédéric Lamothe à la batterie.
The Garlics s'est donc fait remarquer en 2009 lors de l'Exposure Music Festival, un gros festival annuel à Montreal ; la chanteuse avait à peine intégré le groupe depuis quelques semaines, mais cela n'a pas empêché The Garlics de terminer à la 2e place, devant une bonne soixantaine de concurrents.
The Garlics est leur premier album éponyme sorti en 2010 ; un sympathique petit mélange honnêtement mixé, avec une ambiance parfois un peu colorée façon pop rock seventies, mais manquant tout de même un peu d'espace. Leur premier clip, "Goodbye", sentait bien le groupe qui se cherche mais n'a pas l'intention de baisser les bras avant de s'être fait remarquer.
Après visiblement beaucoup de travail et de bonnes rencontres, un 4 titres et un EP, The Garlics sort en 2012 Welcome to sin city, un nouvel opus de 12 chansons composées par la chanteuse et le guitariste, et qui ne cache pas ses sources d'inspiration : le groupe écoute du Paramore. A fond les ballons. Et a visiblement décidé que faire du Paramore n'était pas réservé qu'à Paramore !
La production de l'album est très bonne pour un groupe de ce niveau, on la doit à un artiste et producteur de Montréal, John Nathaniel, que son jeune âge (à peine la trentaine) ne semble pas dispenser du talent des personnes qui ont de l'expérience et une bonne oreille ; John Nathaniel est d'ailleurs présent sur une chanson ("Start over"). Le son est puissant, hypercompressé, carré, les nombreux effets sont utilisés de manière intéressante, et tout à fait dans l'esprit Paramore.
Les textes parlent de leur vécu, du quotidien, bref de choses simples et accessibles. Soyons léger, parfois ça fait du bien aussi ! « Je veux écrire des chansons sur les bons et les moins bons moments qui touchent tout le monde », explique May. « Pas besoin de tomber dans la vulgarité, je trouve ça dépassé. On en vient à se questionner sur ce qui est vraiment original.» Voilà un point de vue que je partage.
L'album démarre sur "Burning Bridges", une chanson qui a tout du hit. Solide, bien construit, doté d'une patate contagieuse. Paramorien, osons le dire. Ça tombe bien, j'ai plusieurs albums de Paramore, que je considère comme une bonne référence. Mais revenons à nos moutons aillés ! "Burning bridges" démarre donc bien, et le groupe a réalisé son deuxième clip sur cette chanson. L'art du clip convaincant sans un solide appui commercial est terriblement délicat... il faut retenir l'attention des gens plus de 3 minutes ! The Garlics s'en sort correctement, même si le clip tourne un peu en rond et tombe dans le cliché habituel de la caméra qui focalise quasi en permanence sur la chanteuse.
"Mess with me" débute sur une intro qui me rappelle énormément "That's what you get" de... Paramore bien sûr. De bons effets de choeurs, on reste dans la lignée de la musique sympa et puissante à la fois.
"Bottom of the sea" offre de belles guitares, et des changements rythmiques très agréables ; il faudrait juste penser à ne pas abuser du « who ho ho », qui devient un peu l'ingrédient redondant.
L'album se déroule ensuite avec une efficacité qui devient de moins en moins surprenante au fil du temps, et des références évidentes à... qui vous savez. "Take me back in time" n'échappe pas au fil conducteur mais son refrain catchy l'élève un peu au dessus du reste.
L'album se termine par deux chansons en français, qui je dois le dire, ne m'ont pas convaincue. Voilà, j'ai du me mettre à dos à peu près 99% du jeune public québécois, heureusement qu'un océan nous sépare !
"Vivre pour cet instant" est une véritable chanson pop acidulée, donc à la base pas franchement ma tasse de thé, mais ma foi je ne leur en veux pas pour ça. La chanson a visiblement bien marché dans tout le Québec l'été dernier, pour ma part je suis partagée entre le plaisir d'entendre un groupe de cet acabit chanter en français, et la sensation d'une musique et d'un texte dont la simplicité ne me parle pas ; je suis peut-être trop ignorante des habitudes lexicales du français québécois, ou alors j'ai écouté trop de rock alternatif !
"Tout ce que t'es pour moi" est interprétée avec un autre jeune chanteur, Amasic. J'ai trouvé la rythmique électro assez peu plaisante dans son côté fashion stéréotypé, et vu l'usage léger mais récurrent du correcteur de tonalité sur l'album, je commençais à redouter l'arrivée de voix lourdement passées à l'autotune façon R'n'B des charts... elles ne pointeront pas leur nez, ouf ! The Garlics échappe au gouffre des électronicités tubesques affligeantes.
En bref, je n'écouterai pas l'album en commençant par la fin, mais cela ne remet pas en question le reste. C'est un bon album auquel je reprocherais simplement ceci : j'ai le sentiment mitigé de m'être fait happer par les références à Paramore et aux groupes équivalents, dont les codes sont très bien utilisés, mais de presque finir par le reprocher au groupe. On pourra aussi noter au passage un joli canapé rouge sur la couverture de l'album, serait-ce un clin d'oeil à All we know is falling desdits Paramore ?
La production est réussie, et les chansons sont dans l'ensemble très agréables quand on aime ce style (ce qui est mon cas). The Garlics réussit l'exercice ô combien difficile de s'inspirer d'un autre groupe déjà connu sans paraître ridicule quand il le fait, rien que pour cela je leur tire mon chapeau.
The Garlics semble aussi faire ses preuves en tant que combo bankable ; ils passent déjà sur plusieurs radios et affichent des chiffres en progrès constant quant à la fréquentation de leurs sites. D'après les quelques vidéos et photos live visibles, l'énergie sur scène est certainement présente, et on imagine la joie du public lors d'un festival ou d'une scène de rock émergent. The Garlics peut donc déjà se féliciter de son avancée lente mais sécurisée sur les marches parfois hautes de la reconnaissance musicale.
Il n'en reste pas moins qu'on se demande ce que les « petits frères et soeur » de Paramore vont bien pouvoir faire à l'avenir de tout cela. John Nathaniel est peut-être un concurrent que Fueled by Ramen devrait prendre au sérieux (ou un pote à eux !), mais il faut se méfier du clônage : la concurrence en matière de rock bien calibré est énormissime outre Atlantique, à tel point qu'on en arrive au paradoxe qu'une chanson rock qui sonne bien est parfois aussi surprenante que le goût d'un Babybel pour un amateur de fromages de caractères (je file la métaphore culinaire, permettez).
Et puis ce n'est pas parce-que VersaEmerge est parti faire du gros rock électo qui tâche qu'il faut se contenter des miettes. Paramore aussi va devoir se renouveler, mais le management du groupe est déjà assuré par une grosse machine de guerre en matière de communication, avec un public fidélisé dans de nombreux pays. The Garlics va devoir trouver le moyen de passer son adolescence musicale pour devenir – ou pas, là est la question – un groupe adulte qui fait la différence.
Quels sont les objectifs du groupe, en fait ? Le bassiste est parti construire son avenir ailleurs ; la chanteuse, pas stupide, affiche clairement la couleur en disant qu'elle ne plaquera pas tout sans réfléchir pour la musique (on retrouve d'ailleurs ce thème dans "Get a Job") : « Mettre des efforts pour faire de la musique, c’est aussi rester à l’école, c’est faire des compromis. Essayer de réussir partout plutôt que de lâcher l’école. Arrêter l’université pour me consacrer à la musique, je considérerais ça comme un abandon. C’est pour ça que j’ai pris la décision de continuer mes cours. Je pense que ça va aussi m’aider à me créer un réseau de contacts.»
Mais Welcome to sin city est tout de même un album qui mérite d'être remarqué, et The Garlics un «groupe qui n'en veut » et qui n'a pas peur de se donner du mal pour progresser. Quelle sera l'identité de The Garlics dans quelques années, ce qui les rendra différents des autres bons groupes ? Il faut des Paramore dans le monde, j'en veux... mais je ne veux pas que ça. J'ai eu plaisir à découvrir The Garlics, et j'aurai plaisir à ce qu'ils me surprennent à l'avenir !
Les photos sont issues du site de The Garlics.
Les citations sont extraites de l'interview sur Boucle Magazine.