Vous connaissez la blague du fan de Kreator qui hurle « thrash dans ton froc ! » et qui se retrouve du jour au lendemain à devoir chroniquer du metal progressif à chant féminin ? Non ? Ben moi non plus, mes bons amis. Ceci dit, si cette promo avait été la propriété de Vyuuse, peut-être qu'on aurait la réponse à notre question. Mais peu importe, aujourd'hui, ce n'est pas mon brave collègue qui nous intéresse. Mais ça reste dans la famille LGR. L'objet de l'attention est de la charmante petite bourgade nommée Paris, et se compose de quatre tête : un bassiste, un batteur, un guitariste et une demoiselle qui a pour charge de faire les cafés, jouer du piano et, occasionnellement, avoir un micro devant sa bouche, histoire de faire sortir de son gosier quelques notes pour agrémenter la musique de ses compères. Et devinez quoi ? Il arrive même que ces choses-là parviennent, de temps en temps, à sortir des albums. C'est vrai, je vous jure ! Immanent fait ainsi son entrée en scène avec leur toute première livraison studio, du nom d'In Acedia. Petite mention sur la pochette, qui est simplement magnifique. L'habit ne fait pas le moine, ne va pas juger un livre à sa couverture, c'est bien le contenu qui nous intéresse.
Bien sûr, nous nous retrouvons avec du prog, ce qui sous-entend très souvent des compositions assez longues, complexes et touffues. Dans le cas ici présent, ce cliché se vérifie par la longueur des quatre pistes qui forment ce brûlot. Atteignant bien souvent les huit minutes, il est parfois difficile de combler les quelques vides qui pourraient s'instaurer si jamais un quelconque manque d'inspiration venait à pointer le bout de son nez. Fort heureusement, le quatuor français ne mange pas de ce pain-là et trouve toujours de joyeuses idées pour délivrer une musique à la fois technique et alambiquée, tout en gardant de la cohérence et de l'accroche sur sa longueur. Exercice difficile, challenge accepted, le combo n'a peur de rien. Et tant mieux. Car vous voyez, dans un genre où on peut se taper des promos plates et sans saveur, Immanent met un point d'honneur à ne pas se concentrer que sur sa seule virtuosité. Le petit plus, c'est les ambiances instaurées en majorité par deux acteurs principaux : le piano, littéralement envoûtant sur « Dreams I Hoped Were Gone », et la voix, mixée d'une façon assez particulière. Jamais trop en avant pour lui faire garder cette teinte éthérée et fantomatique (notamment sur « Seclusion »). De cette alliance naquit des morceaux à l'aura assez mélancolique, de part l'instrument à cordes frappées, mais également et surtout par les teintes adoptées par le chant d'Anastasiya, cherchant très régulièrement vers des graves maîtrisés.
Immanent vous emmènera vers le septième ciel
« Mais c'est parfait alors ! ». Malheureusement, mes bons amis, comme vous le savez si bien, la perfection n'existe (presque) pas. Et chez Immanent, on ne peut parler d'opus entièrement concluant sur toute sa longueur. Mais avant de critiquer, commençons par mettre les choses à plat : le hic ne provient en aucun cas des titres eux-mêmes, qui nous révèlent tout le talent du groupe. Bien qu'on puisse ressentir quelques rares longueurs (la fin de « Seclusion », notamment, peine à arriver), le tout est ficelé de telle manière qu'In Acedia dispose d'une aura prenante. Le premier point noir nous provient d'une production qui ne se révèle pas toujours optimale, défaut d'autant plus flagrant sur une batterie qui manque légèrement d'ampleur et de puissance, échouant parfois à accomplir sa destinée de batterie. Second coupable de la non-entière réussite : le chant, ou plutôt son registre le plus aigu. La voix d'Anastasiya est réellement convaincante, pour ne pas dire superbe dans les graves. Dans ce registre, la belle donne une prestation qui, non seulement, a le mérite de se démarquer de ses nombreuses consœurs mais qui se paye le luxe de faire preuve de justesse et de varier, tout en gardant de l'émotion. Ça impose le respect. Mais quand la jeune femme tente certaines montées, on sent qu'elle est moins confiance, et cela laisse un impact, faisant ainsi de « Seclusion » le titre le moins plaisant, Nastia allant un peu trop souvent chercher dans ces sphères. La frontwoman reste ainsi juste, mais un peu borderline et timide. Avec plus de confiance, nul doute que ces petits problèmes seront dissipés vite fait, bien fait.
In Acedia a plus d'un tour dans son sac. Et c'est sur sa fin qu'il se dévoile le plus, gagnant en accroche et en plaisir au fil des écoutes. Ce genre de disque qui se révèle au fur et à mesure. « The Day We Renounced Them » et « The Demon of Acedia » sont les deux pistes les plus intéressantes à de nombreux niveaux : musicalement variées, aux partitions qui ne jouent ni dans la simplicité et l'efficacité à tout prix, ni dans la difficulté histoire de démontrer et prouver qu'on sait jouer des trucs de dingue, elles possèdent ce petit truc attachant. L'une comme l'autre se plaisent à mettre un point d'honneur sur la création d'ambiances, histoire de laisser un souvenir de l'écoute. Et ça fonctionne, avouons-le : la dualité entre puissance et douceur sur « The Demon of Acedia » est très bien rendue, notamment grâce à la lourdeur des guitares (qui gagneraient, ceci dit, à être mixées un peu plus en avant grâce à une production de meilleure qualité), mais aussi grâce au ton adopté par Anastasiya, parfois inquiétant, parfois dans la force, mais souvent habité, hanté. Le titre est ainsi plus vivant et mature, et démontre la bonne volonté dont fait preuve Immanent. Le combo sait où il va, rare chez une formation aussi jeune, et pourtant … si l’œuvre n'est pas spécialement originale, le quatuor peut se targuer d'avoir un univers déjà très personnel, et d'être assez excellent dans le développement d'atmosphères.
Ainsi, cette galette possède déjà un goût prononcé. Traversant des phases d'angoisse, de tristesse ou de calme avec les incartades du piano, In Acedia est un opus assez déroutant aux premières écoutes, qui gagne en profondeur et en charme au fur et à mesure. Si quelques petits problèmes subsistent encore, il n'en reste pas moins ici un disque de qualité. Dommage que l'impression globale soit celle d'un brûlot trop court tant le potentiel y est présent, et que la suite se fait attendre avec impatience. En travaillant sur les facettes moins réussies, en accentuant les bons côtés, Immanent peut devenir un fer de lance du metal progressif hexagonal. Et ce moment-là sera à marquer d'une pierre blanche.
Note finale : 7,5/10