Gary Clark jr – Blak and Blu

Cet album de Gary Clark jr peut prêter à confusion : annoncé par sa maison de disques comme le premier album d’un nouveau Jimi Hendrix, il nous faut oublier ce discours promotionnel et prendre garde à ne pas tomber dans l’excès inverse en faisant un mauvais procès à l’artiste qui n’a, lui, rien fait de plus que signer un contrat avec une grosse boîte afin de profiter de la meilleure distribution possible. Le bonhomme n’est pas bien vieux, même pas 28 ans, mais a déjà 4 albums et plusieurs EP à son actif, très mal distribués en Europe. Il s’agit donc, sinon d’un premier album, en tous cas de la meilleure option pour découvrir ce qu’il propose. La comparaison avec Jimi Hendrix est facile (un guitariste black doué qui mélange blues et rock) et risque d’induire en erreur. Gary Clark jr n’est pas un génie et son album n’a rien de révolutionnaire. Pourtant, il serait dommage de s’arrêter à ce simple constat, car il n’en reste pas moins un excellent bluesman, un chanteur versatile capable d'évoluer dans bien des registres, un excellent guitariste, en bref un artiste complet doué d’un talent d’écriture certain.



 

Car s’il a rapidement été pressenti comme un des grands espoirs du blues, c’est surtout de par sa capacité à respecter certains codes tout en y apportant ses propres influences, au premier rang desquelles Gospel, Soul et Funk. A ce titre, « When my Train pulls in » est certes un pur blues, mais les arrangements sont là pour emporter le morceau dans une autre dimension. Cette patte bien particulière permet au chanteur de s’écarter de son style de prédilection pour dériver vers d’autres univers, comme sur la magnifique chanson-titre qui se dirige plus franchement vers la soul moderne. C’est là la grande force de Gary Clark jr : sa capacité à exceller dans de nombreux registres. Certes, cela nécessite une certaine ouverture d’esprit, mais dès lors que les à priori ont été remis au placard, difficile de ne pas succomber.



 

Capable de pondre des blues bien rugueux (« Numb », « Next door neighbor blues ») comme d’alléger son propos juste ce qu’il faut (les 10 minutes de « Third Stone from the sun/You love me like you say » et ses influences hindouïsantes, argh !), ou encore de donner dans le rock franc du collier (« Travis County », « Glitter ain’t gold »), c’est bien dans ses influences soul que le chanteur puise sa plus grande force. Difficile de résister aux sommets d’émotion que sont des titres comme « You saved me » ou « The life ». La ballade « Please come home » est une vraie démonstration : le chanteur y montre toute l’étendue de son talent avec une voix à tomber par terre. Du talent, il en a. Mais ça ne suffit pas toujours.
 


 

En effet, encore faut-il parvenir à l’exprimer. Et à ce niveau-là, on sent bien que le fait de se confronter aux méthodes des majors n’a pas été sans mal. Tout d’abord, l’album contient certes des nouveaux titres mais plusieurs étaient déjà présents sur des albums précédents. Ce n’est évidemment pas très gênant pour un premier contact, mais cela explique sans doute également un petit manque d’unité. Le titre d’ouverture notamment, s’il remplit fort bien son office, n’en détonne pas moins par rapport au reste de la galette. Ensuite, le travail en studio est globalement appréciable et enrichit magnifiquement certaines compos, mais s’avère un peu étouffant pour d’autres titres. N’oublions pas qu’il s’agit à la base d’un quatuor de rock à qui l’excès de production ne sied pas nécessairement. On attendra donc que notre homme ait pris ses aises avec son nouveau label et qu’il nous propose un « vrai » nouvel album qu’il pourra penser comme tel pour obtenir la tuerie que l’on est en droit d’espérer d’un tel talent. En attendant, et malgré ces quelques reproches, ce Blak and blu reste hautement recommandable, excellente introduction à l’univers d’un artiste qui, parti comme il est, va simposer sans forcer.

NOTE DE L'AUTEUR : 8 / 10



Partagez cet article sur vos réseaux sociaux :