Serait-ce Panzerballett le responsable du décès de Dave Brubeck?
Voilà une réponse que nous n'obtiendrons hélas jamais, à moins de faire une séance de spiritisme avec toute la rédaction afin de poser directement la question par nous-même au principal concerné. Mais en attendant, une autre question me taraude: pourquoi donc personne n’a eu le soin de me mettre au courant de l’existence de ce groupe alors qu’il n’en est pas à ses débuts?!
Car si nous ne pouvons qualifier avec exactitude le genre auquel se rapporte la musique de ce combo, nous ne pouvons qu’apprécier ce mélange savoureux de jazz fusion-métal-funk-ska extrêmement groovy que nous offre le quintette allemand.
Dans ce cinquième opus, sorti fin 2012 chez Gentle Art of Music, le groupe reprend une recette apparemment déjà bien rodée, à savoir placer des reprises de standards jazz revisités avec finesse et arrangés à la sauce Panzerballett entre deux compositions originales du groupe. En somme rien de très étonnant lorsque l’on sait que les membres du quintette sont tous issus du milieu Jazz où la pratique de la reprise des standards est plus que récurrente pour ne pas dire institutionnalisée.
Ce qui compte en revanche est la façon dont cela est fait. Car si pour certains ces tortionnaires du jazz «maltraitent» les standards, ce qui, si nous prenons le sens premier du terme est loin d’être faux, il faut remarquer qu’ils le font avec brio. Pour ce faire les musiciens commencent par littéralement déconstruire les morceaux concernés, usant de leur remarquables compétences musicales acquises dans les divers conservatoires où ces gens là ont fait leurs études, pour ensuite reconstruire sur les bases de ces standards décomposés de nouvelles oeuvres, tout en tachant de maintenir soigneusement l’équilibre entre le reconnaissable et l'étonnant. Et cela marche à merveille!
Ainsi au fil de Tank Goodness nous retrouvons «Giant Steps» de John Coltrane, «Some skunk funk» de Randy Brecker (qui par ailleurs à lui-même contribué à la relecture de sa partition), et pour finir le célèbrissime «Take Five» de The Dave Brubeck Quartet, qui revisité à la sauce Panzerballett donne un résultat aussi génial que barré.
Mis à part les standards de jazz, l’album comporte évidemment des compositions originales dont le «The Ikea Trauma», un morceau un peu fou-fou qui semble être tout droit sorti d’un album de Freak Kitchen, pas étonnant, puisque leur chanteur, Mattias Eklundh vient y prêter sa voix; mais aussi une auto-reprise d’un morceau issu de l’album éponyme Zehrfunk, ainsi qu’une excellente reprise de «(I've Had) The Time of My Life» issu du film Dirty Dancing. À vrai dire on aurait presque l’impression que c’est une reprise faite par un Meshuggah d’humeur blagueuse, ce qui contribue à en faire la meilleure reprise métal qu’il m’est arrivé d’entendre à ce jour.
Côté influences, Meshuggah se ressent évidemment tout au long de l’album aussi bien par les rythmiques syncopées et asymétriques que par le son lourd de la guitare dans les passages concernés, mais aussi par moments un côté Dream Theater en plus jazz dans certains soli de guitare.
Pour finir, nous apprécierons la parfaite maitrise de ces musiciens aussi bien du point de vue de l’arrangement que de la technique et de l’improvisation, ainsi qu’une production discrète mais néanmoins parfaite.
Avec Tank Goodness, Panzerballett nous donne bien là une preuve, que éclectisme des styles au sein d’un album ne rime pas forcement avec absence de style, et que lorsque la chose est bien ficelée, comme c’est le cas dans le présent album, des amateurs de styles très différents y trouveront leur compte.
Tracklist:
01 Some Skunk Funk (Feat. Randy Brecker) 05:57
02 Mustafari Like Di Carnival 07:11
03 Giant Steps 05:05
04 Zehrfunk 06:37
05 (I've Had) the Time of My Life 06:06 (Feat. Conny Kreitmeier & Ron Van Lankeren)
06 Vulgar Display of Sauerkraut 05:24
07 The Ikea Trauma (Feat. Mattias ''ia'' Eklundh) 04:12
08 Take Five 07:07
