Angellore – Errances

Le doom metal. Un style si précieux au romantisme de l'être rebelle que peut parfois être l'amateur de musique dite "forte", ou au-delà de bêtes clichés le simple témoignage d'une noirceur poétique qui se pare de contours fragiles et qui permet une introspection parfaite sur ses moments de doutes, de peine, d'opression. Lorsque cette musique singulière se pare de reflets mélodiques, les anges passent et viennent souvent nous conter de belles histoires à la lueur d'une bougie au scintillement pâle mais à l'espoir jamais éteint.

Ceci est l'histoire d'Angellore, l'histoire d'un duo devenu trio et groupe à part entière, voire plus que cela encore. Avec d'un côté l'âme folk et enfantine d'un Walran nostalgique et forestier, et de l'autre le rêveur gothique Rosarius à l'âme poétique. Ajoutez à cela un batteur sans concession, un certain Ronnie martelant ses fûts sans relâche du début à la fin, et vous obtenez une association rare de trois personnalités à la fois différentes et compatibles sur le côté sombre et majestueux d'une musique destinée aux songes les plus profonds. Le résultat tient dans un premier album sobrement intitulé Errances, à paraitre dans quelques jours chez Dreamcell11.

Dès les premières notes d'un "Dans les Vallées Eternelles" totalement imparable, on comprend pourquoi le groupe s'est entiché du style "majestic sorrowful metal". La magie est très vite en marche. Entre subtilité naïve mais touchante dans la mélodie et grande maîtrise de composition, le cocktail Angellore explose à nos oreilles dans une dualité aussi complexe qu'indissociable, deux âmes aux reflets mélancoliques qui ont su épouser les contours d'une musicalité à toute épreuve et parfaitement entourées... jusque dans ce violon si troublant, mené par une artiste invitée du nom de Cathy Arquez que l'on retrouve à d'autres moments sur ce disque pour une utilisation intelligente de cet instrument, toujours avec parcimonie et en harmonie avec les synthés éthérés du groupe.

Angellore 2012

Cette magie ne quittera dès lors plus vos oreilles, jusqu'à cette excellente conclusion intitulée "Shades of Sorrow" qui ne pouvait pas mieux parachever l'opus. Sa première partie d'introduction, renversante de beauté un peu à la "The Siren of the Woods" de Therion, cèdera vite sa place à un metal qui emboite le pas sans concession pour aboutir sur ce qui sera peut-être le plus beau solo de l'opus précédé de claviers gothiques style "metal sympho" presque inattendus mais drôlement bien intégrés. Le groupe optera d'ailleurs pour un final au piano, parfaitement justifé puisque marquant les dernières notes de l'album sur une lancinante mélancolie. Une autre "fin piano" s'était faite auparavant entendre sur le délicat "Tears of Snow" qui, des (nombreux) rejetons de la démo Elégies aux âmes perdues, est celui qui a probablement le plus maturé avec le temps. Les aspects légèrement folk à la Empyrium (passages minutieux qui rappellent que le groupe est aussi là pour transmettre cette émotion  bucolique chère à Walran) ont peut-être certes été un poil mis en retrait par la production studio (menée par Florent Krist) qui fait la part belle aux grosses guitares, à la batterie et aux atmosphères plus gothiques, mais l'ambiance reste prenante jusqu'à cette outro que certains pourraient juger certes en rupture mais qui repose l'auditeur comme pour le préparer à la tornade suivante.

Car par la suite, deux gros tubes viennent encadrer deux morceaux moins facile d'accès et moins directs, comme pour souligner qu'en son coeur Angellore est là pour jouer avec nos sentiments évitant ainsi de sombrer dans une monotonie ambiante. Parlons de ce passage central qui voit un interlude poétique, presque éponyme puisqu'intitulé "Errance", faire suite à un "Weeping Ghost" un poil plus complexe dans sa structure car très changeant dans son rythme et dans son atmosphère entre acoustique folkisante et approche death doom plus classique. Celle-ci a le mérite de mettre en avant le côté plus torturé d'Angellore et hantera les esprits un long moment après son écoute... ainsi le délicat passage suivant se voit parfaitement amené, comme une sorte de conclusion grandeur nature avant un dernier chapitre purement jouissif. "Errance" serait ainsi presque digne d'un Saturnus des grands jours, aux reflets Betray-Ed de son compositeur Walran et ses samples très "nature", pour un écrin de nostalgie sans pareil.

Vient alors l'excellentissime "...Where Roses Never Die...", qui fait presque écho au "I Am the Agony" dont nous parlerons juste derrière mais dans un style très différent, presque diamétralement opposé. Deux gros hits pour deux visions très différentes de la musique Angellorienne. "Roses", c'est un peu la splendeur gothique de l'album, le bébé de Rosarius qui expose là toutes ses influences du genre avec une grande élégance (à l'image de son projet coldwave gothique Abyssanctum qui ruisselle sur cette composition). Un morceau complet, peut-être le plus mûr de cet opus, à la progression inoubliable et au charme romantique indéniable. L'inverse de "I Am the Agony" donc qui s'emballe sans attendre via l'une des plus belles intros de l'album portée par cette basse bien mise en avant et ses nappes de strings aériens, dénotant totalement avec le passage très extrême du couplet qui constitue très certainement l'instant le plus violent de l'album en mode doom death sans concession où Walran et Ronnie se donnent sans complexe, l'un d'un chant bien gras et l'autre sur une cadence infernale. Belle dualité, la marque de fabrique du groupe vous l'aurez compris, sublimée par ce refrain où Rosarius emporte l'auditoire de sa voix claire légère qui va encore au-delà de "...Where Roses Never Die..." de part son envolée sur une touche metal inaltérable. The beauty and the beast? En quelque sorte.

Vous l'aurez compris, ce voyage est une pure merveille pour les amateurs du genre, à mettre entre toutes les oreilles des fans de Saturnus, My Dying Bride, Draconian, Shape of Despair ou encore While Heaven Wept pour ne citer que ceux-là. Des imperfections subsistent encore sur certaines structures (plus dans les transitions dirions-nous) ou une naïveté globale qui, même si elle a son charme, en laissera quelques uns sur le carreau. Mais peu importe, car pour un premier album nous ne sommes pas loin du profond chef d'oeuvre, et si nous n'utilisons pas encore ce terme c'est que nous savons pertinnemment au fond de nous que le second a toutes les cartes en main pour l'être et ce haut-la-main. Mine de rien, les groupes comme Angellore sont plutôt rares ou oubliés aujourd'hui dans le metal moderne, surtout en France où Ataraxie et Ixion viennent peut-être de se trouver un rival des plus délectables. A suivre de près et ne pas oublier, jamais, d'autant plus qu'après une longue attente Errances sera disponible en CD début février. Il était temps.

Note : 8.5/10
 

NOTE DE L'AUTEUR : 8 / 10



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