Vous ne trouvez pas ça un peu ironique, vous, un groupe qui sort un nouvel opus du nom de Youngblood, mais dans lequel on ne retrouve que des hommages à des légendes du hard rock ? Question sang neuf, c'est pas ça. Mais trêve de plaisanteries, rentrons dans le vif du sujet et dans le froid polaire norvégien. Et qui parle de ce pays pense bien sûr au hard rock et à la formation Audrey Horne ! Quoi c'est pas vrai ? Pourtant, vous devriez, mécréants que vous êtes ! Quatuor ambitieux, leur brûlot éponyme avait déjà fait un certain effet parmi les membres de La Grosse Radio. Ce qui était entièrement mérité, vu la qualité de l'objet. Sauf que voilà. Un disque qui déchire, et puis la dégringolade, on connaît. Et puis la quatrième offrande, hein, voilà, c'est la suite des trois premiers et … et même si ça veut rien dire, on se méfie ! Si ça se trouve, Youngblood est une daube infâme qui nous prouve que l'inspiration, c'est terminé, et que de toute façon il y en a d'autres qui font mieux, qu'en Norvège on sait pas faire du hard rock et … oh c'est pas mal, ça. Et ça aussi dis-donc. Et ça … mais, est-ce ? Oui.
N'y allons pas par quatre chemins, ce brûlot est une réussite de A à Z. Mais pas le genre de petite réussite qui te marque quelques jours et qui s'oublie peu après. Non, mesdames et messieurs, le combo nordique nous offre ici une vraie petite pépite de hard rock bourrée de talent, d'émotion, et sûrement de quelques bières aussi. Mais ça, on s'en fout. Pourtant, à la base, ça ne semble trois fois rien. Et Audrey Horne ne réinvente pas la roue. Ils ne la redessineront jamais, par ailleurs. Et de toute façon, c'est pas leur ambition, ni leur prétention. Eux, ils sont là pour balancer dans les oreilles de leurs auditeurs un hard rock au feeling 70 / 80s qui, comme on peut s'en douter, aime s'en tenir aux références stylistiques et aux canons du genre. C'est à dire qu'entre Black Sabbath, Deep Purple, Led Zeppelin, difficile de dire combien de formations ont pu être des moteurs d'inspiration pour la composition de Youngblood. Premier souci qui rebutera les adeptes absolus de l'innovation, c'est qu'en fait il n'y en a pas. Donc amis de l'originalité, passez votre chemin. Sauf si entendre du déjà vu ne vous colle pas des boutons. Et on ne l'espère tant la qualité est présente à chaque accord, chaque riff, chaque petite ligne de chant toujours bien pensée et ficelée pour fonctionner, et pourtant, on ne peut dire que le disque manque de spontanéité ou sonne calculé. C'est même bien tout le contraire, et donc ce qui séduit immédiatement les petites oreilles fascinées.
Un tel sens du refrain a du mal à laisser indifférent. Enchaînant d'excellents morceaux à la pelle sans jamais vouloir s'arrêter, le groupe norvégien surprend dans sa capacité à recycler du vieux pour en faire du neuf, le tout en gardant authenticité et puissance. On peut même dire qu'ils amènent quelques sonorités légèrement plus modernes (le côté daté de la production n'est pas aussi roots qu'un Huntress tout de même, la fin de « Show and Tell »), mais qui ne sont pas vraiment des éléments perturbateurs. Simplement une marque de la volonté du groupe de réactualiser le hard rock, tout en conservant la fibre qui plaira aux nostalgiques. Preuve en est avec la piste d'ouverture qui évoque furieusement Thin Lizzy dans le jeu de guitare, et qui a le mérite de poser tout de suite les cartes sur la table : ce brûlot sera daté, mais jouissif ! Et quel dommage ce serait si nous avions le droit à un coup de poker pour n'entendre ensuite qu'une compilation indigeste de « le hard rock pour vos grands-mères ». Non, Audrey Horne ne bouffe pas de cette mie dégueulasse. Au contraire : les meilleurs atouts sont gardés pour la fin, histoire de prendre l'auditeur par surprise. Car si « Redemption Blues » est un (très) bon morceau, on ne peut que constater une évolution croissante en ce qui concerne la qualité au fil de l'album. Ce qui donne donc, en toute logique, un titre de conclusion qui surpasse tous les autres.
"Coucou. Tu veux venir avec nous dans la forêt ?"
Et c'est le cas. « The King is Dead » est une merveille bourrée d'émotions et de talent. Dans une approche beaucoup plus mid-tempo, variant ainsi le rythme de croisière, la piste se veut touchante, et réussit dans sa quête. Refrain envoûtant, tu en veux t'en auras ! Mais pas que ça : le solo est inspiré, puissant et n'en faisant pas de trop. Juste assez pour renforcer l'atmosphère qui se construit de bout en bout. Une ambiance forte, poignante, où les chœurs soutenant le chant de Toschie sont majestueux. Vu qu'il est toujours temps d'aborder la voix, force est de constater que sans ce frontman, la galette ne serait peut-être pas ce qu'elle est actuellement. Car en plus de délivrer une prestation impeccable de maîtrise, variée et agréable, le chanteur et son timbre tout à fait agréable est une partie de l'identité d'Audrey Horne. Et à défaut de posséder une personnalité qui lui est propre, le combo arrive largement à compenser ce point noir par la très bonne tenue instrumentale et bien sûr, vocale. Littéralement hypnotique sur « The Open Sea », celui-ci arrive à tirer vers le haut une piste qui touche déjà à l'excellent grâce à son jeu de guitare. Et ce n'est pas la musique qui est au service de la voix, mais bien l'inverse : Toschie n'est qu'une pièce du puzzle, non pas le roi sur l'échiquier. C'est donc, une fois de plus, un vrai plaisir d'entendre ce qui nous est proposé à ce niveau-là. Et encore, si on ne se résumait qu'à ça …
Bon, évidemment, il faut bien des aspects plus négatifs. Quelques uns, juste pour contenter les esprits sadiques. Malheureusement pour eux, ils seront déçus avec Youngblood. Bon, d'accord, « This Ends Here », en dépit de son côté plus heavy, se comprend un peu trop vite pour être mémorable. Il en va de même avec l'opener « Redemption Blues » qui, bien que de qualité, peut faire pâle figure face aux autres morceaux. Deux-trois petites longueurs viennent s'immiscer également, et après ? C'est tout. Pas de ventre mou, ce qui est souvent récurrent dans le hard rock : on peut même dire que la triplette « Cards With the Devil », « Pretty Little Sunshine » et « The Open Sea » est absolument excellente. Avec un véritable alignement de parties accrocheuses, un visage plus ambitieux qui montre le bout de son nez et des parties musicales plus portées sur l'ambiance, ce trio se classe parmi le haut du panier. Déjà que le bas, si on part de ce disque, est d'un niveau élevé, ici, Audrey Horne parvient à atteindre des sommets. « Straight Into Your Grave » mérite aussi une mention spéciale, tubesque et solide, s'incrustant dans les esprits dès les premières écoutes pour ne plus jamais en sortir.
Il y a des albums, comme ça, qui collent des frissons. Et non, même si la grippe est de saison, croyez-bien que la maladie se nomme Audrey Horne. Grâce à un Youngblood solide de bout en bout, puissant et ficelé comme il faut, le quatuor norvégien remplit le contrat, confirme les promesses et se classe parmi le haut du panier. Cerise sur le gâteau : on peut dire que, vu la laideur de la pochette, l'habit ne fait pas le moine. Fallait bien placer un proverbe quelque part et dans une conclusion, ça fait de l'impact. Un brûlot qui marquera de son sceau l'année 2013, qui s'annonce déjà trépidante.