Ah le power metal et ses artistes qui partent chasser le dragon dans les plaines magiques où des fées offrent moult victuailles à ces braves … comme c'est mignon. Surtout quand ils sont italiens, avec un accent anglais approximatif et des paroles qui se ressemblent toutes mais qui font le petit charme de ce milieu restreint. Vous imaginez donc bien qu'il est difficile d'être différent des autres dans des conditions pareilles. C'est pour cela que dans le power, certaines formations tentent de dévier un peu de cette voie pour proposer une musique qui diffère un tantinet. Dans ceux-là, on retrouve le combo brésilien Vandroya. Chose assez rare pour être soulignée dans ce genre, le micro est tenu par une représentante de la gente féminine. Hé ouais. Mais après tout, pourquoi pas ? Quelques excellentes surprises comme Ancient Bards, Seven Kingdoms ou Pythia ne sont pas forcément des exceptions. Alors si le pays qui a fait naître Angra peut aussi apporter son lot de jeunes gens talentueux, pourquoi Vandroya ne serait pas forgé dans le même moule ? C'est ce qu'on espère dès les premières notes de la jolie intro « All Becomes One », d'un premier brûlot nommé simplement One.
Dès les premières notes, on sait où on est. Terrain connu, musique qui ne fait pas dans l'originalité, ça peut être décevant pour certains, rassurant pour d'autres. Mais il est plaisant de constater que le groupe n'est pas du genre à ralentir sa cadence uniquement à cause de la présence d'une jeune et jolie demoiselle au sein de la formation. En fait, Vandroya est un peu le genre à faire comprendre qu'ils ne feront pas de concession sur leur puissance globale et qu'ils sont prêts à s'affirmer comme marchant dans les traces d'un genre où les femmes sont assez rares. Sauf que ce quintet a la bonne idée, et le bon goût aussi, d'incorporer des éléments progressifs à leur musique, histoire de diversifier un peu des compositions qui aiment jouer sur la puissance et le dynamisme. Force est de constater que la maîtrise instrumentale dont les cinq compères font preuve leur permet aisément de balancer ces cassures rythmiques et ces changements de tempo sans perdre le fil conducteur. Ainsi, point de perte excessive au niveau mélodique : non, grâce à leur talent, ces brésiliens se permettent d'accoucher de pistes à la fois variées et véloces (l'exemple est flagrant sur « Within Shadows »), qui se payent carrément le luxe de pouvoir s'octroyer de plaisantes aérations, le tout porté par la voix de Daisa Munhoz.
Dans un monde où le power est généralement représenté par des hommes qui aiment les aigus, Daisa Munhoz vient s'imposer comme un véritable porte-étendard qui prouve que oui, les frontladies peuvent carrément rivaliser avec leurs homologues masculins. De la voix puissance, maîtrisée, qui n'en fait pas trop mais se permet d'aller explorer beaucoup de sphères, tu en veux ? Daisa est là pour toi. Rien que sa performance sur « No Oblivion for Eternity » est remarquable, tant sur le refrain qu'elle transcende que sur les passages plus calmes où la chanteuse est à fleur de peau, l'émotion devenant ainsi beaucoup plus intense. Cette jeune femme est surprenante par sa prestation qui est un point plus que positif pour Vandroya, qui voit-là son meilleur atout pour percer. Si leur musique n'est pas spécialement originale, bien qu'ayant la bonne idée de briser un bon nombre de clichés trop présents dans le style, cette frontwoman dispose d'un indéniable charisme. Même sur la ballade « Why Should We Say Goodbye ? », elle excelle. Passant vers un registre plus pop qu'à l'accoutumée, elle démontre des qualités non-négligeables. Car en plus, nous avons en notre présence une dame à la personnalité affirmée. Pas de Tarja, pas de Doro, juste un timbre naturel et loin des voix féminines communes à ce milieu. Hé oui, que voulez vous, parfois on a des groupes comme ça qui ont des femmes en leur rang et c'est pas seulement pour faire joli sur les photos promotionnelles …
Bon, d'accord, notre photo promo est quand même un peu clichée ...
Cette voix de grande qualité nous ferait presque oublier la production encore un peu trop faiblarde de One, qui bénéficie d'une batterie manquant clairement d'ampleur et sous-mixant un peu le chant, se rattrapant par sa puissance. Dommage, donc, que les sud-américains ne soient pas en mesure, pour un premier opus, de s'accorder un son de meilleure qualité. Non, rassurez-vous, n'y voyez pas une infâme bouillie sonore où tout sonne comme un gloubiboulga dégueulasse. Mais un peu plus de clarté ne serait pas du luxe. Ce qui ne nuit pas à la bonne tenue générale de compositions solidement ficelées, qui balancent tour à tour d'implacables riffs et des solos inspirés. Allez, il y a bien un titre un peu en-dessous des autres. Restant assez intéressant, « Anthem (For the Sun) » manque un peu d'accroche et ne réussit pas aussi bien que les autres à captiver. Pourtant, le cahier des charges est respecté : entre un bel orientalisme bien pensé dans la voix de Daisa et un refrain assez profond, il manque ce petit quelque chose qui fait la différence, et qu'on retrouve dans le reste du brûlot. One se démarque de moult sorties power, et les potentiels concurrents n'ont qu'à bien se tenir !
Même la ballade « Why Should We Say Goodbye ? » n'est pas mauvaise du tout. Oui, il y a du piano, ça fait larmoyant, les paroles sont niaises, tout pour être détestable. Et pourtant, la présence des guitares qui restent assez appuyée pour une mid-tempo, ainsi que le chant excellent de bout en bout, parviennent à nous faire passer un très bon moment. Qui plus est, ce morceau offre une petite pause détente entre deux riffs enflammés. « The Last Free Land » est un opener qui ne serait pas renié par les grands noms du milieu, là où « The World of Yours » détonne grâce à une mélodie explosive et imparable. Essayez donc de ne pas retenir le refrain ou de ne pas vous faire emporter par le lâché des dames à cordes. Mais si tout le disque est une franche réussite, deux titres remportent la palme de qualité. « No Oblivion for Eternity » est un astucieux mélange entre la puissance de la piste et les atmosphères qui se dégagent des protagonistes principaux (chant et guitare notamment), tout en conservant les racines progressives du combo. Qui plus est, Vandroya a même écrit ici un refrain catchy. Oui, ça arrive, et ça se reproduit même sur un « Solar Night » culminant aux 7 minutes, et au développement entraînant : une vraie fusion de power-prog. Les cassures sont là, ainsi que les variantes de la section rythmique, sans être ennuyeux ni inintéressant. S'il manque peut-être une montée en puissance plus poussée, il est difficile de ne pas se laisser captiver par l'aura qui se dégage du morceau.
C'est donc sur ce « Solar Night » que One se termine. Et qu'il ne vous quittera plus pendant un certain temps. Réussissant le pari de délivrer à la fois des compositions de très bonne qualité, un chant carrément génial et de sortir des clichés les plus communs du power, Vandroya s'impose presque comme une référence. Il ne manque que deux choses au quintet pour partir à la conquête du monde : une production plus affinée, et de la chance. Espérons que pour l'un, comme pour l'autre, ils réussiront à en bénéficier dans l'avenir. Après tout, ce serait entièrement mérité. Un incontournable de ce début d'année.