Chaque mois, notre rédaction met à l’honneur quelques formations émergentes qui lui ont tapé dans l’œil (ou plutôt dans les oreilles). Nous espérons que cette mise en lumière permettra à des groupes passionnés et de qualité d’obtenir l’exposition qu’ils méritent, car ils sont la preuve de la richesse et la diversité de notre scène musicale. Bonnes découvertes !
Suncraft – Flat Earth Rider (stoner / heavy metal)
Si les Norvégiens sont connus entre autres pour les genres à base de dépression et de dégoût de la vie – du doom au black – ils excellent aussi quand il s’agit de faire des musiques tout aussi lourdes mais bien plus entraînantes. Le quatuor Suncraft (essentiellement composé de membres de Kloster, formation de stoner doom psychédélique) s’ingénie ainsi depuis 2017 à marier stoner, rock’n’roll et heavy metal. Après un EP et une poignée de singles, le premier LP Flat Earth Rider condense toutes ces influences dans un résultat extrêmement énergique, plein de fuzz et de groove. Le son sale et distordu des guitares (Vebjørn Rindal Krogstad et Sigurd Grøtan) s’allie idéalement à la voix éraillée du chanteur Rasmus Skage Jensen, également bassiste, et aux rythmiques tour à tour endiablées et pesantes. Tout en gardant une unité dans sa musique, le combo arrive en effet à alterner chansons rentre-dedans (« Flat Earth Rider » et « Space Buddha »), morceaux plus progressifs (« Lingo Hive Mind ») et titres plus lourds, qui se rapprochent plus du doom, la vitalité en plus (en gros, les trois derniers). En six titres, les Norvégiens imposent donc une identité sonore curieuse et intéressante, qui donne envie de suivre de près leur évolution.
Par Aude D
Noltem – Illusions In The Wake (black metal atmosphérique)
De la noirceur atmosphérique, telle pourrait être la définition synthétique de la musique de Noltem. Le combo états-unien a vu le jour en 2003, mais il était tombé en sommeil sans sortie officielle, avant de se réveiller en 2015 avec un premier EP, puis d’aboutir à un album complet fin 2021. Avec Illusions In The Wake, le projet de Max Johnson (guitariste, bassiste, claviériste) déploie sur six pistes de quarante minutes son black metal aux cris saturés perçants (John Kerr, également batteur) et aux guitares lourdes et plaintives.
Le groupe ne se contente pourtant pas d’un black traditionnel, mais explore une grande diversité de territoires, et sans jamais renier la violence de sa musique, il l’enrichit d’une infinité d’éléments complexes. L’ensemble est d’une grande musicalité, et tour à tour épique, rêveur, contemplatif, triste et froid. Les cavalcades de guitares laissent place à des plages méditatives puis des attaques agressives, le tout mené par une batterie protéiforme et une basse (Shalin Shah) très maîtrisée. De longues périodes instrumentales enivrantes occupent une grande partie de l’espace sonore, ponctuées de florissants soli de guitares. La richesse et le décalage de la musique de Noltem se traduit d’ailleurs parfaitement par la pochette de l’album, très colorée pour un album de black, jouant sur les contrastes des couleurs vives et de l’obscurité, et évoquant à la fois une tempête et une certaine quiétude, la désolation et l’énergie vitale.
Par Aude D
Kings and Liars – Transition Animals (hard rock)
Habitués des scènes internationales, les deux frères Charlie et Nick Bellmore (respectivement à la guitare et à la batterie) et leur compère Christopher Beaudette (basse) font leurs armes depuis des années aux côtés d’artistes prestigieux comme Dee Snider ou Jamey Jasta. Avec cet opus Transitions Animals, le trio se distingue par son dynamisme et sa couleur musicale plutôt originale. Avec huit titres courts, entre trois et quatre minutes, il n’y a rien de superflu, mais l’énergie et la qualité des compositions fait mouche à chaque fois. Car Kings and Liars démontre un véritable talent de composition, maîtrisant avec brio l’art de l’accroche avant tout.
Les Américains manient riffs irrésistibles, groove et jeux rythmiques, et les agrémentent d’un maximum d’harmonies dans les refrains, de quoi tailler de véritables hymnes rock parfaits pour le live ("Start the Ceremony", ou l’efficace single "Hang On For Dear Life"). Toutefois, le trio est loin de se contenter de décliner indéfiniment cette formule magique. Des incursions plus intimes, plus inspirées, donnent un nouveau souffle plus sensible à l’album, comme avec l’écorché "Conquering the Fear", titre dédié aux victimes d’agressions sexuelles, ou l’excellente reprise d’un morceau de R.E.M., "The One I Love", tout en harmonies et en puissance, dans l’esprit de groupes comme Stone Sour.
La formation se distingue dans le registre du hard rock solide, viril même, offrant des compositions riches et variées, extrêmement bien exécutées, puisant leur force avant tout dans les riffs de guitare. Transition Animals regorge bien de ces accords, tantôt lourds et rugueux au service de refrains entêtants, dans un style qui n’est pas sans rappeler Tremonti ("The Desperate One"), tantôt sales et grungy portés par des lignes de basse ravageuses dans l’incursion nostalgique très années 90 "We Are Alive". Mais ne serait-ce pas plutôt le chant qui ferait se démarquer le son du trio ? Les harmonies à deux ou à trois amènent une couleur mélodique à tous les morceaux, dans des registres pourtant bien différents, de la ballade tout en intensité ("Never Take Your Crown") à des cris furieux virant au growl dans le redoutable "Say". Avec cet album ultra efficace qui s’appuie sur le jeu maîtrisé des contrastes entre harmonies, mélodies et solides riffings, Kings and Liars signe une belle réalisation, entraînante et puissante, qui ne donne qu’une envie : pouvoir découvrir le combo sur scène !
Par JulieL