Sortie le 15 mars 2013 chez Altsphere Productions...
Nul besoin d'aller demander leur avis aux amateurs de galinettes cendrées pour savoir qu'en définitive, il n'y existe que deux sortes de 'doom' : le bon et le mauvais. Car peu importe au final les "codes" d'écriture propres à chaque sous-école (funeral, épique, romantique, drone et j'en passe), la magie opère ou elle n'opère pas...
Bon, vous voulez quand même qu'on aille leur demander, c'est ça ??!...
« Le bon 'doom', c'est quand t'as un mec, tu sais, il cogne sur ses fûts, il te les écrase on va dire, une frappe d'au moins trois tonnes même sur la moindre petite cymbale... Et pis t'as une guitare genre claustrophobique, tu vois, qui vient t'étouffer, là, comme ça, elle te prend comme à la gorge et elle te coupe le sifflet ! T'as la basse, t'as la basse... à chaque ligne, t'as l'impression qu'elle signe ton arrêt de mort, tu vois??... Et pis t'as un mec au chant, il est habité, non il est carrément possédé même ! Et à chaque parole, tu ressens vraiment tout le poids de l'affliction et de la damnation, tu sais... Et en même temps, ça reste quand même solennel, ces choses-là!... (NdlR : on se croirait presque en interview avec 'Dousseur de Vivre', là!)
Et alors le mauvais 'doom', le mauvais 'doom', alors là ça n'a rien à voir, tu vois, c'est... Tu as un mec, bon... tu vois, il cogne sur ses fûts, hein... une frappe d'au moins trois tonnes, RIEN que sur une cymbale, d'accord... Bon, et alors t'as la guitare qui vrombit, bien grassouillette, étouffante et tout, bon... T'as la basse, t'as la basse, là, elle est menaçante, ok, hein et pis t'as un autre mec, tu vois, bon qui est... genre possédé, mais ça a rien à voir ! Enfin, tu peux pas confondre quoi, ça prend ou ça prend pas, c'est le bon 'doom' et le mauvais 'doom', quoi!!... »
J'espère avoir bien clarifié pour vous la question et de là où je voulais en venir... Ne me remerciez pas, c'est tout naturel. Bref, ça tient parfois à pas grand chose, n'empêche que c'est sans conteste à la première catégorie qu'appartiennent les Français de Surtr (prononcez « seûrteûr », ça vous évitera en plus de glavioter partout...), et que ce second opus Pulvis et Umbra ("la poussière et l'ombre") en est non pas simplement la preuve mais la confirmation dont on avait besoin.
Car si le précédent World of Doom (2011) avait déjà marqué les esprits de certains connaisseurs (les groupes de doom dit 'traditionnel' n'étant pas légion par chez nous, il faut bien le dire), il s'inscrivait toutefois dans une droite ligne déjà écrite et rendue de façon nettement plus convaincante par des Reverend Bizarre, Cathedral et autres Saint Vitus. On attendait donc cette fois nos Lorrains au tournant afin de s'assurer qu'ils avaient bien la "fibre" sacrée... Et force est de constater que ces derniers ont su habilement négocier le virage du deuxième album (le groupe n'existe que depuis 2009), en conservant leurs caractéristiques de base mais en les travaillant davantage et en les élargissant. Ce faisant, ils parviennent à imprimer enfin leur propre « marque de fabrique », ainsi qu'à faire le pont entre plusieurs de nos styles de 'doom' de prédilection (et pas que d'ailleurs!), en se diversifiant juste ce qu'il faut pour ne pas lasser et enfin pleinement convaincre.
Dès le premier titre "Rise Again", on sent bien que le groupe a donné les coups de ciseaux qu'il fallait (la durée moyenne des titres tourne d'ailleurs désormais entre 5'30 et 6 minutes...) : structures plus aérées, facette mélodique plus abordable, souffle épique omniprésent et à la moindre occasion des refrains simples mais qui s'impriment directement dans le crâne ! Attention, cela reste du 'doom', et cette entame quasi-funeral du morceau sur une rythmique ronflante et un riff lancinant ne trompent pas, tout comme ce chant monotone et désenchanté d'un Jeff Maurer en nette progression depuis le précédent essai, qui sonne un peu ici comme un jumeau du grand 'boute-en-train' (!) Jonas de Katatonia mais avec le lyrisme de 'doomster' d'un Albert Witchfinder (Reverend Bizarre)...
Lorsque le titre s'emporte (encore une fois, cela reste quand même du 'doom'!), on remarque aussi que les influences Black Sabbath (le patrimoine de base, faut pas déconner...) sont désormais moins flagrantes (surtout si on compare à 95% de leurs confrères!), et on penserait même davantage au Metallica post-Black Album quand le groupe s'amusait alors à s'approcher de la lourdeur de leurs aînés Britanniques (rappelez-vous notamment "2x4"...). Le côté grassouillet mais tranchant des riffs tendrait d'ailleurs à confirmer cette impression, tout comme ce type de production, plutôt approprié pour le style mais qui pourrait en faire tiquer plus d'un (à l'instar de chez 'qui-on-sait'...).
On soulignait en préambule à cette chro les difficultés de l'Art à rendre une pesanteur morne convaincante, et là encore il faut souligner que le bassiste et le guitariste/chanteur semblent réellement porter à eux seuls tout le poids du monde sur leurs épaules ! Mais s'il y en a un qui ferait particulièrement figure de maudit pestiféré, c'est bien le batteur Régis Beck : car outre le rapprochement avec le jeu instinctif d'un Lars Ulrich (on est partagés entre l'attrait de cet aspect 'live' chaleureux et quand même le regret de ne pas l'entendre jouer au 'click' par endroits...), c'est surtout le rendu cartonneux de ses fûts (aïe, ces toms et cette caisse claire!...) qui pourrait donner à penser que c'est Fenriz de Darkthrone en personne qui serait venu lui régler sa batterie!... Et l'écoute de ce Pulvis et Umbra peut parfois en devenir fastidieuse, puisqu'on aurait fréquemment envie de l'interrompre pour aller filer un coup de main au valeureux frappeur, et l'aider à retendre ou resserrer un peu ses peaux !
Mais l'oreille s'habitue en définitive et l'album continue à s'écouter agréablement malgré tout, aidé en cela par ce vent épique qui vient donc bourdonner à nos oreilles. « A l'aventure, compagnons! »... Ainsi, l'intro d'un "Three Winters of War" (qui à grands renforts de percussions et de tambours de guerre nous renvoie à Summoning pendant quelques secondes...) voire celle d'un "The Call" nous évoqueraient le souffle 'pagan' du Himinbjorg de la période 'Ravens...' avant de partir, pour la première dans un pur hymne Nordique façon Primordial et en fières déclamations guerrières dignes de Grand Magus pour la seconde ! Sur le tout planent incontestablement l'âme et l'ombre d'un Bathory, ou même celles d'un Isengard vocalement parlant (décidément, jamais bien loin ce Fenriz?!?...). Mais c'est indéniablement sur le terrain des arrangements que l'emprise de Quorthon se fait le plus sentir, de bruits de bataille en nappes majestueuses et autres, le tout se révélant un pur régal pour nos oreilles.
C'est vrai que jusque-là nous n'avions pas encore évoqué les claviers et autres arrangements additionnels du 'guest' officiel Clément Osmont qui ne sont pour ainsi dire jamais envahissants, puisqu'ils n'interviennent que dans les moments les plus opportuns. Ils en sont d'autant plus redoutables et donnent enfin à des compos par ailleurs plus rugueuses une dimension « atmosphérique » ("Rebellion" et son refrain solennel impeccable, "I Am The Cross" et "Fred Karno's Army" avec leurs sonorités suaves - et même quelque peu « horrifiques »... cf la petite touche un peu à la 'Ed Wood' sur cette deuxième!... - que l'on croirait parfois empruntées à Type O Negative ou au romantisme de My Dying Bride...), que les Lorrains n'avaient alors fait qu'effleurer sur le précédent album. Même lorsque les intonations se font plus 70's ou parfois carrément "psyché" (break de "Rise Again"), l'ensemble reste suffisamment mixé en retrait pour ne pas venir empiéter (comme dans du hard/stoner "revival" type le Spiritual Beggars des derniers albums pour ne citer qu'eux) et voler ainsi la vedette aux massives 4 et 6-cordes... Des guitares-reines donc, qui par ailleurs savent aussi se faire plus traditionnellement 'heavy' que purement "doomeuses", à l'instar de la basse de Julien Kuhn qui sait se faire galopante comme celle d'un Steve Harris même en 'mid-tempo', ainsi que certaines envolées de leads ("Rebellion") qui rappelleraient tout autant la verve de la Vierge de Fer mais passée à la moulinette Metallica encore une fois (cf les effets sur les soli, 'wah-wah' en tête...).
Mais Surtr sait quand même aussi revenir à ses fondamentaux du premier album, en les peaufinant encore jusqu'à accoucher d'un 'doom' moins caverneux et plus majestueux que naguère, se révélant toujours aussi sombre et inquiétant toutefois, un peu à la manière du Candlemass dernière époque sur "I Am The Cross", même si l'ombre plus lointaine d'un Messiah Marcolin jadis peut également parfois planer, le temps notamment d'un "The Call". On appréciera aussi les alternances vocales désormais prégnantes et tout à fait réussies, marquant dorénavant des incartades gutturales 'doom-death' bienvenues et des envolées d'exaltation blackeuses encore trop rares peut-être, le tout venant suppléer à merveille en tout cas la voix claire plus lyrique façon 'doom traditionnel', certes encore perfectible par endroits mais bien mieux en place et à sa place qu'il n'y a pas si longtemps encore !
Alors, certes, on aurait peut-être préféré aussi une production un peu moins 'carton-pâte' (je ne reviendrai pas sur le cas de la batterie, surtout lors de ses accélérations...), selon si l'on serait en fait davantage dans la nouvelle mouvance du 'doom' moderne (les derniers Candlemass notamment) et moins dans le traditionnel adage « less is more » qui servait parfois à définir le genre... On se serait sûrement délecté aussi d'un traitement plus ample des vocaux et de guitares tout de même un peu plus denses, même si on aurait peut-être perdu pour le coup ce côté "misérable" de notre chère et miteuse (mais jamais calamiteuse) « musique des tréfonds de la crypte »...
N'empêche que ce sont justement tous ces petits "défauts" - ou plutôt « marques de fabrique » comme je vous le disais - qui confèrent à ce Pulvis et Umbra tout son charme épuré et son authenticité toute incarnée (je ne vous avais pas parlé d'un certain Darkthrone un peu plus haut, tiens?!...). Quand en prime vient s'ajouter à cela cette pureté 'pagan' et épique (sans les flonflons surfaits et inutiles), qui nous rappelle tout un pan d'une certaine scène "nordique" des froides mais brûlantes années 90 de bonne mémoire (n'oublions pas que le nom Surtr renvoie à la figure mythologique scandinave Surt, le géant de feu), il n'y a plus d'hésitations possibles : ne doutons point de Surtr et allons de ce pas encourager nos nouveaux Candlemass 'Vikings' !
Damnés soient-ils, et n'hésitez pas non plus à aller les retrouver en juin sur les planches du Hellfest !! Mais avant cela il y aura aussi leur date à Metz avec Children of Doom (et non pas Bodom, qu'est-ce qu'ils viendraient f***** là, d'ailleurs??!!...) et Father Merrin (concert à même pas 8 euros la place, allez donc zieuter le lien plus bas)... « DOOÔÔOOM OVER THE WOOOOOOOOORLD !!!!! »....
LeBoucherSlave
7,5/10