Avant d'asséner aux parisiens la claque qu'ils méritaient avec le renfort de Loading Data et Mudweiser, Julien Bernard, chanteur/bassiste de 7 Weeks s'est entretenu avec la Grosse Radio sur leur nouvel album, Carnivora, sorti le 1er mars dernier sur Klonosphere/Season Of Mist. Un frontman lucide qui nous retrace le parcours d'une des formation les plus prometteuses de l'hexagone.
Alors comment se passe cette tournée ?
Très bien. On a commencé il y a un peu moins une semaine et il y a du monde, ça c’est vraiment cool. Par exemple, on était à Nancy un mardi soir et il y avait plus de 200 personnes malgré la neige, même chose ce soir il devrait y avoir du monde et c’est l’essentiel. Puis on connait bien les mecs de Mudweiser, je pense qu’après la tournée on aura fait plus de 50 dates ensemble, ce sont des amis et c’est vraiment le pied de jouer avec eux.
Et pour ce qui est de la partie européenne ?
Bah écoute de même, ça c’est très bien passé. C’était différent parce que là on est parti tout seul, on jouait avec des groupes locaux souvent mais on était tout seul sur la route. Il y avait relativement du monde, surtout dans le sud de l’Allemagne, l’Autriche ou la Suisse. Pour l’Allemagne de l’Est c’était plus difficile mais ça nous a permis aussi d’essayer les nouveaux morceaux sur scène et de les roder pour la suite.
C'était votre première en Europe?
On joue souvent en Belgique, mais pour les groupes de notre style c’est assez fréquent, et suite au Printemps de Bourges on avait fait un gros festival qui s’appelle le Rock For People en République Tchèque qui avait des grosses têtes d’affiches comme Placebo ou Arctic Monkeys.
Vous êtes désormais signés sur la Klonosphere. Peux-tu nous en dire plus sur cette collaboration ?
Ecoute que du bien puisque ça s’est passé très simplement, on a juste envoyé le nouvel album à Guillaume (ndlr Guillaume Bernard de Klone) et ça s’est vite concrétisé. En fait on connait un groupe à Limoges qui s’appelle Lizzard et qui sont signés sur la Klonosphère depuis six mois maintenant et qui nous ont suggéré d’envoyer notre skeud à Guillaume, ce à quoi on avait déjà pensé de toute façon, et il se trouve qu’il a apprécié. Ça s’est fait vraiment naturellement et ce sont des relations de confiance. En fait on a longtemps travaillé en indé donc là c’est presque une suite logique. On ne repose pas tout sur la Klonosphère parce que ça sert à rien, faut qu’on bosse de notre côté, par exemple nous nous occupons de trouver des concerts, mais c’est vachement appréciable d’être dans la Klonosphere car c’est gage de qualité et on jouit d’un beau réseau promo. Puis Guillaume est un mec bien avec qui on s’entend donc c’est tout bénef.
Votre nouvel album, Carnivora, est sorti début mars. Comment a-t-il été reçu par le public et la critique ?
Il a été très bien reçu. Alors au début on a eu deux ou trois webzines qui étaient un peu circonspects et trouvait cela trop « fourre-tout ». Mais cela mis à part, les retours sont très bons, ce mois-ci on est dans Rock Hard, on est dans Obscur, dans Guitar Part, on passe bien en radio, il y a pleins de chroniques et puis voilà y a du monde, ça reste le plus important. Qui plus est, cet album nous a ouvert les portes du Hellfest et ce n’est pas du copinage, il nous suivait depuis quelques années et on leur a toujours envoyé ce qu’on faisait. Après, ils sont venus nous voir deux fois en concert l’année dernière et je crois que cela leur a plus et ils nous ont programmé. Pour ce qui est des ventes, on n’a pas encore de retour parce que c’est encore trop tôt mais sur les stands on vend bien, c’est rassurant.
Carnivora a été en quelque sorte vendu comme la suite logique d’All Channels Off là où Dead Of Night devait n’être qu’une parenthèse. On sent cependant l’influence de Dead Of Night sur des compositions comme « Let me drown », rejoins-tu ce constat ?
En fait Dead Of Night n’est pas une parenthèse dans la discographie de 7 Weeks. Au départ on le pensait mais on l’a totalement intégré tout simplement parce qu’on s’est rendu compte que tout le monde avait aimé cet album. Du coup, si tout le monde aime Dead Of Night alors que c’est très différent de All Channels Off, on trouvait con de ne pas suivre ce qu’on avait apporté avec cet album. C’est pour ça que Carnivora est un peu un mix entre All Channels Off et Dead Of Night. A la base on est un groupe un peu stoner, un peu metal, et c’est ce qu’on trouve sur All Channels Off, après on a eu la chance de faire une musique de film ce qui nous a ouvert plein de porte car on n’avait pas de barrière stylistique. Puis All Channels Off a été enregistré en 2008, c’est normal de ne pas faire la même chose. On avait vraiment envie de laisser toutes les influences sortir. Puis surtout All Channels Off c’était une époque où il n’y avait que Jérémy et moi alors que maintenant on a été rejoint par Florian et Manu qui sont arrivés au moment de Dead Of Night et qui ont amené des choses plus ambiantes. Au départ on était plutôt un groupe très efficace avec un gros son, des chansons très courtes… alors que maintenant on fait des choses un peu plus planantes et étirés. Cela dit, ça ne nous empêche pas de faire des morceaux courts ! En fait on ne s’empêche plus rien, on ne se dit plus on n’a plus de barrière de style, on s’en fout et on fait ce qui nous plait.
Quand on a fait Dead Of Night, on a fait des ciné-concert mais on faisait aussi des concerts 7 Weeks. Et on a petit à petit incorporé certains morceaux du ciné concert dans les sets de 7 Weeks. On a incorporé notamment "Four Again" qui est single de Dead Of Night et qui reste une chanson mais on a aussi joué des titres comme "Andy part 1" qui est très minimaliste et planant. Au début on flippait vraiment parce que voilà, y a quatre notes guitares, deux notes de basse, c’est vraiment être à poil. Puis on s’est rendu compte que ça marchait, y avait un grand silence dans la salle et on a compris qu’on pouvait faire ça dans nos concerts, ça gênait pas les gens. Du coup, un titre comme "Let me drown" découle de ça. On s’est dit on va prendre le temps de laisser poser les ambiances et on le joue à la même place qu’"Andy part 1" donc ça offre une respiration de 7/8 min au milieu du set avec des trucs un planants, des sons d’orgue, de clavier, des guitares barrées, on aime bien faire ça.
Manu Costa vous a rejoint dernièrement au clavier. Devient-il un membre fixe de 7 Weeks et a-t-il participé à la composition de Carnivora ?
Au départ on avait intégré Manu dans le groupe uniquement pour les ciné-concerts. Du coup, il était avec nous pendant un an mais il se trouve que lorsqu’on partait plusieurs jours de suite, on enchainait les ciné-concerts avec des shows 7 Weeks classiques et donc on a proposé à Manu de jouer les morceaux de Dead Of Night avec du clavier et de venir avec nous sur scène pendant le set entier. Du coup quand on a tiré le bilan de Dead Of Night, on a bien sûr compris que Manu avait participé grandement à sa réussite et vu qu’on voulait garder cette émulsion créatrice avec Carnivora, on lui a proposé de participer à la composition. Il s’est vraiment investi, est venu à toutes les repet, même celles sans claviers et donc on a essayé de tenter des choses avec que du clavier et de tirer profit du passif de Manu dans la musique trip hop. On a fait des choses vachement électro mais ça ne marchait pas vraiment, on reste un groupe très organique, très rock après tout. Néanmoins, au final on a 6 morceaux sur 10 qui ont du clavier dont deux où il y en a très peu. Il fait maintenant partie intégrante du groupe et nous a vraiment permis de gagner en maturité.
Carnivora se présente comme une série de petites nouvelles isolées, sans fil conducteur. Quelle atmosphère voulais-tu créer avec tes textes ?
C’est assez sombre en général. En fait, comme tu le dis, au départ j’avais dix petites histoires, un peu comme un recueil de nouvelle avec différents récits à la première personne. Cependant ce qui est intéressant c’est que le graphiste qui a fait le digipack, a trouvé un lien entre tout ça. En fait il y a un dgipack en trois volet plus un livret et on trouve à l’intérieur toute une imagerie très roadmovie qui fait ressortir un côté un peu barré, un peu shamanique, comme si quelqu’un avait pris du peyotl et aurait traversé les Etats-Unis. On retrouve toute cette atmosphère pesante, désertique comme si il n’y avait plus personne et qui peut évoquer les ambiances des films de zombie ou des trucs post apocalyptique. Sinon les textes sont des histoires soit fantastiques, soit oniriques. En fait j’avais envie d’intégrer à chaque fois un personnage qui m’aiderait à interpréter les morceaux.
En fait tu reprends plus ou moins la méthode utilisée pour Dead Of Night ?
Bah sur Dead Of Night, quand je chantais, je faisais ce que j’estimais être les pensées du héros qui est un zombie et ne parle jamais. Je voulais retranscrire ses pensées et ça donne des choses assez tristes et mélancoliques et ça collait avec le film, j’ai gardé ça dans les nouveaux textes
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Ce qui m’a marqué également, et je ne suis pas le seul, c’est la qualité de la production, du son de Carnivora. Comment s’est passé l’enregistrement ?
Depuis All Channels Off on a bossé avec François Maigret qui est le gratteux de No One Is Innocent qu’on a rencontré pour All Channels Off et avec qui on a fait aussi Dead Of Night. Il était vraiment producteur du disque c’est lui qui a tout fait, les prises, le mix, vraiment tout. Là on a fait les prises et le mix mais le mix nous plaisait pas et on s’est dit qu’on devait peut être mettre un terme à cette collaboration parce que c’est bien de changer aussi. Alors on a essayé de faire un autre mix avec Pascal Mondat qui a notamment bossé sur le dernier Elderberries et le résultat était beaucoup plus dynamique, le mix de François était plus atmo et le rendu était moins punchy que d’habitude ce qui avait bien marché pour Dead Of Night mais marchait moins pour Carnivora. Par contre on est très satisfait au niveau des prises, François est un super réalisateur, il sait trouver des bidouillages, des bruits qui viennent de nulle part en plein milieux du morceau et ça c’est cool.
Les ciné-concerts, c’est fini ?
C’est fini pour l’instant, on en a fait pas mal l’an dernier mais là c’est en pause. Enfin là on a signé un contrat chez Melodine qui travaille dessus donc je pense que d’ici début 2014 il y aura à nouveau des ciné-concerts. De toute façon, on aime ça, cela fait six mois qu’on n’en a pas fait et ça nous. Mais là on est à fond dans la sortie de "Carnivora" donc ça nous encombrerait plus qu’autre chose vu le temps de préparation que cela requiert.
Des idées pour la suite ? Est-ce que tu continues à écrire en ce moment ?
Bah là on est en période de tournée... mais oui on écrit toujours, moi dès que j’ai deux trois idées je les enregistre chez moi et les met de côté. Je suis assez curieux de voir ce qui va être la prochaine étape mais on n’en est pas encore là. J’ai lu dans une chronique que Dead Of Night était une révolution, c’est vrai, et là on a juste une évolution, une synthèse des éléments du groupe. Il me tarde de voir ce qu’il y aura sur le prochain.
Du coup est-ce que tu vois Carnivora comme la future base du groupe ?
Disons que Carnivora est l’album du groupe qui ressemble le plus au groupe tel qu’il est actuellement. Le 1er EP et All Channels Off ont été composés et joués à 90% par moi par exemple, je faisais basse, guitare, chant, seul Jérémy s’occupait de la batterie mais sinon je faisais tout. Or là on a une formation beaucoup plus intéressante, par exemple Dead Of Night, ça c’est fait impulsivement, on n’avait pas beaucoup réfléchi contrairement à Carnivora où on a essayé de récolter les idées de tout le monde. C’est vraiment un super témoin de ce qu’est le groupe actuellement.
Quels morceaux se démarquent le plus de l’ensemble à ton avis ?
C’est très difficile. Sur un album comme Dead Of Night ou All Channels Off je peux te le dire sans problème mais…
Lâche-toi dans ce cas !
Bah sur Dead Of Night , "Andy pt1" et "Four Again" sont les morceaux les plus marquants de l’album. Ce n’est pas que je renie les autres mais ceux-là sont les plus marquants, ce sont ceux qu’on joue sur scène. Sur All Channels Off, c’est plutôt "Submarine", l’éponyme ou "Loaded" qui sont des morceaux très représentatifs. Là c’est très frais, faut avoir du recul là-dessus puis c’est vraiment varié. Je pense que "Carnivora" est un bon exemple de toutes les palettes que le groupe peut offrir. On a un basse/batterie assez groove et assez péchue, on a une guitare qui fait aussi bien de la rythmique que des choses très ambiante et un clavier synthétique mais aussi « organique », c’est-à-dire avec de l’orgue, ce genre de chose. Tous les éléments du 7 weeks actuels sont dans ce morceau-là. Et sinon ensuite, je pense qu’un morceau comme "Acid Rain" est représentatif de ce que le groupe peut envoyer sur scène.
Pour conclure, est-ce que tu pourrais nous offrir ton regard sur la scène stoner française ?
Nous quand on a commencé, c’était vraiment très confidentiel avec trois ou quatre groupes qui tenaient la route. Il y avait par exemple Loading Data, Zoé, Mudweiser, Glowsun qui existaient déjà à cette époque-là mais voilà, il devait y avoir une dizaine de groupes en France.
Dans notre cas, on a été catalogué stoner un peu par défaut, on se savait pas trop où nous mettre, mais déjà à l’époque je ne trouvais pas qu’on était un groupe de stoner et c’est encore plus vrai maintenant. En fait la scène stoner française est assez spéciale dans le sens où quand on a commencé elle ouvrait les bras à plein de groupes pas franchement stoner comme nous. Aujourd’hui on a souvent des organisateurs stoner qui nous disent « mais ce n’est pas du stoner ce que vous faites ». Bah oui, déjà on fait bien ce qu’on veut, puis on a l’impression qu’ils ont resserré les codes, que cela est devenu très compliqué, très carré. Nous on ne se sent plus affilié à ça et la scène stoner, il y a vraiment de super groupes mais aussi beaucoup de groupe qui utilisent cette étiquette seulement pour se rattacher à quelque chose.