La messe noire en pleine lumière
Quatre ans après un premier album qui a marqué bien des esprits, Ghost revient en force avec Infestissumam, un nouvel effort studio qui présente un groupe qui a su garder son identité forte tout en allant explorer de nouveaux horizons et exploiter de nouvelles influences. Une bien belle réussite pour un groupe qui a su prendre des risques et se donner les moyens d’accomplir ses ambitions.
Des chœurs d’église retentissent en guise de commencement d’une nouvelle messe noire avec cet étrange clergé venu du froid, Ghost. Dès les première mesures d’Infestissumam, les six hard rockeurs suédois annoncent la couleur : la production a été boostée, il n’est plus question du hard rock épuré d’Opus Euponymous. Ainsi, le son chaleureux qui fait le charme du groupe gagne en clarté et en consistance, la voix est soutenue par de discrets effets et surtout par ces fameux chœurs, présents dans chaque titre, que ce soit pour une intro ("Year Zero"), un refrain ("Depth Of Satan’s Eyes"), ou encore un final ("Monstrance Clock"), si bien qu’ils forment presque un septième membre de la macabre formation.
Si Ghost s’est donné les moyens de ses ambitions, il n’a pas profité du succès critique et populaire de son premier album pour se reposer sur ses lauriers. En effet, le groupe opère ici une mue fort intéressante. Ne craignant pas le rock progressif, le groupe pond "Guleh/Zombie Queen", morceaux à la structure étonnante. Des influences 60’s, notamment The Beatles, font leur apparition sur les délicieusement malsains "Jigolo Har Megiddo" et "Idolatrine". Enfin, le clavier, rélégué en soutien sur d’Opus Euponymous, gagne ici en importance et s’offre même quelques solos bien sentis, notamment sur "Monstrance Clock".
Cette mue n’a pourtant pas complètement éclipsé tout ce qui avait permis aux suédois de construire leur identité. Ainsi, la voix fragile de Papa Emeritus est toujours présente, cristalline et possédée. Le son vaporeux de la goule soliste est aussi bien présent, ainsi que son sens de la mélodie et ses riffs imposants ("Per Aspera Ad Inferi"). Cette manière de composer les titres sur Opus Euponymous, axée sur le décalage entre des couplets macabres et des refrains lumineux, reste aussi présente sur certains morceaux, comme "Secular Haze".
Ainsi, le groupe ne change pas du tout au tout, arrive à conserver le mystère autour de son album, mais varie les plaisirs en proposant une palette d’ambiance variée, allant du macabre ("Year Zero") au joyeux ("Idolatrine") en passant par la folie mesurée ("Monstrance Clock"), portée par des couplets fortement inspirés par Alice Cooper, période Welcome To My Nightmare. En cela, l’album se place en opposition avec Opus Euponymous, disque plutôt homogène dans sa composition. Si Infestissumam est plus varié et généralement réussi malgré les prises de risque, on regrettera un morceau bateau, "Body And Blood", qui, s’il est agréable, n’apporte pas grand-chose à l’ensemble.
Plus rock, mais moins immédiat, Infestissumam nécessitera plusieurs écoutes pour être apprécié dans son ensemble. Si certains tubes, comme "Year Zero", peuvent faire office de porte d’entrée, le disque se dévoile au fur et à mesure des écoutes. Plus grandiloquent, il contentera les amateurs de puissantes envolées, notamment sur "Depth Of Satan’s Eyes". Cette nouvelle messe noire des Suédois a de quoi contenter de nombreuses âmes aux oreilles vierges de ce hard rock délicieusement macabre.