Orchid – The Mouths of Madness

Sortie le 26 avril 2013 chez Nuclear Blast


A l'heure où des légions entières de métalleux à travers le monde commencent à faire des croix sur leurs calendriers (quoi de plus approprié, d'ailleurs?...) pour décompter les jours les séparant de la sortie de 13, l'album du retour pour le Black Sabbath originel (minus Bill Ward...) - rien de moins tout de même que les premiers nouveaux morceaux collégialement écrits par Osbourne, Iommi et Butler depuis les 2 titres inédits du 'live' Reunion de 1998, et je ne parle même pas de Never Say Die !... - , de l'autre côté de l'Atlantique pendant ce temps, les rejetons Américains d'Orchid n'auront quant à eux pas attendu aussi longtemps avant de refaire parler d'eux.

Après un EP, Heretic, qui nous avait laissés à la fois sur notre faim et plus affamés que jamais, les hard/doomeux ont plus qu'accéléré le rythme de croisière : déjà en assurant de nombreuses dates y compris par chez nous en compagnie notamment de Witchcraft (la tournée est d'ailleurs encore en cours, je vous renvoie au bas de cette chro...) et surtout car l'EP suivant, Wizard of War, précédait de quelques mois la sortie de ce nouvel album The Mouths of Madness ! Et pas n'importe quel album, puisqu'il s'agissait de donner enfin un digne successeur à l'encensé Capricorn, celui qui avait véritablement posé les bases du groupe en 2011. Qu'en est-il donc aujourd'hui, avec cette fois ces 56 bonnes minutes de nouveau matériel tout frais??... (de l'EP les 'boys' n'ont retenu que l'efficace morceau-titre, très "Symptom of the Universe"-like dans son impact, dont il aurait été il est vrai bien dommage de se priver ici!)

Orchid, the mouths of madness, nouvel album 2013 promo band pic

Le moins que l'on puisse dire c'est que la musique des Orchid n'a pas foncièrement changé. Il s'agit donc toujours d'un doom 'bluesy' et retro-70's, avec quelques touches psyché mais globalement toujours moins 'fumé', 'stoned' ou même « boueux » chaque fois que des congénères comme Saint Vitus ou Pentagram. La descendance d'avec Sabbath serait donc aujourd'hui d'autant plus directe, tant on pense à l'ère Sabbath Bloody Sabbath pour les morceaux les plus sophistiqués (l'éponyme "Mouths of Madness" notamment) et plus fréquemment encore aux quatre premiers albums de l'institution Britannique dans les moments les plus dépouillés...

A tel point que les mauvais esprits n'ont pas tardé à le leur reprocher, accusant le combo de plagiat (tandis que d'autres voix, notamment des médias spécialisés et de figures éminentes de la scène métal, prenaient leur défense en les qualifiant au contraire de « groupe de doom le plus important et le meilleur de ces cinq dernières années », un peu comme la 'next big thing' à venir, pour paraphraser nos homologues Anglo-Saxons...). Il est malheureusement difficile de donner tort à quelconque partie : si l'esprit de ce disque est en effet en tout point fidèle à l'âme des 70's, avec ce son - un peu trop étouffé par les basse, cependant - qu'on croirait tout droit issu d'un vinyl remasterisé (support qu'en hommes de goût les Orchid continuent d'ailleurs à chérir pour leurs productions...), avouons qu'il faudrait être sourd, amnésique ou de bien mauvaise foi pour ne pas reconnaître les emprunts fréquents et parfois trop flagrants à l'oeuvre de Sabbath!

Ainsi, "Marching Dogs of War" (qui de l'aveu-même des membres du groupe est déjà un morceau très ancien, bon...), la deuxième piste de cette galette, tape en plein dans du "Fairies Wear Boots" meets "War Pigs" meets "Children of the Grave" ! Mais c'est surtout le "Silent One" qui suit qui nous fait grincer des dents, car les Ricains nous refont cette fois le coup de la relecture du "Into the Void" (avec des bouts de "Lord of this World" aussi, le tout venant se greffer sur une mélodie proche du "South of Heaven" de Slayer en version ralentie...), telle qu'ils nous avaient déjà fait le coup sur Heretic pour le break de "Saviours of the Blind" ! Pour être à peu près exhaustifs, relevons enfin "Leaving it all Behind", qui dès l'intro a de grosses consonances "After Forever" (le morceau, pas le groupe!), ou encore "Loving Hand of God" qui alterne les réminiscences "Hand of Doom" et "War Pigs"...
Alors, certes, le groupe ne prend pas toujours non plus le risque de tout reproduire à la note près (comme dans d'autres registres un Kai Hansen de Gamma Ray ne s'en prive parfois pas...), mais ne s'enquiquine pas pour autant à changer la tonalité de l'ensemble (l'auditeur inspiré pourra donc recycler ses vieilles paroles Sabbathiennes et s'amuser lui aussi à singer Ozzy sur les playbacks instrumentaux, voilà qui est interactif et ludique au moins !...). Et surtout, ce genre de petits rafistolages-'alibis' nous rappelle ce que le leader/vocaliste Theo Mindell et le guitariste Mark Thomas Baker avaient déclaré à ce propos à nos confrères de Temple of Perdition : « Si l'un de nous pense qu'une certaine partie ressemble trop à quelque chose d'autre, alors on la modifie jusqu'à ce que chacun se sente à l'aise avec ».

Theo, Mark, par pitié, c'est nous qui en devenons mal à l'aise alors n'essayez plus de nous faire de petites cachoteries : quitte à assumer cette fois jusqu'à bout, on préférerait - et digérerait certainement mieux - de vraies covers à ces échantillons de riffs repris et déguisés afin de sauver les apparences...

orchid, the mouths of madness, new album 2013, live pic


Il faut en fait attendre "Nomad" pour retrouver un morceau véritablement marquant qui éveille enfin tant l'attention que l'intérêt. Oh, pas qu'il s'agisse là du meilleur morceau de bravoure jamais pondu par le groupe (manque cruellement à l'appel une pièce-maîtresse telle que le "Falling Away" d'Heretic, pour ne citer que lui...), mais cette intro arpégée et dramatique relevée de leads 'blues', qu'on retrouve d'ailleurs en final et qui n'aurait pas franchement dépareillé sur le dernier Angel Witch ou sur un vieux Uriah Heep période Return to Fantasy, sauve à elle seule l'ensemble du disque (!), tant on a enfin l'impression, même sur le reste du titre d'ailleurs, d'être face à quelque chose de quelque peu différent, qui se démarque un brin de la ligne 'Sabbathienne' (même si celle-ci n'est jamais bien loin pour autant... "Wheels of Confusion", les gens??) et cette fois d'authentiquement incarné !

"Moutains of Steel", un autre des morceaux-fleuves de cet album, nous maintient en l'état (malgré ce coup-ci des clins d'oeil au "A National Acrobat" de .... non, je ne vais pas quand même pas citer Black Sabbath toutes les 2 lignes!!...), et à mesure que l'on se plonge dans l'oeuvre d'Orchid on comprend que le véritable intérêt de ce The Mouths of Madness ne réside finalement pas dans la trame des morceaux proprement dite (guère révolutionnaire, sans surprise et parfois même lassante car trop prévisible), mais plutôt dans la manière dont le groupe vient y apporter des aérations, et les incartades surprenantes qui surgissent çà et là.

Ce qui est d'ailleurs d'autant plus rageant, c'est que débarrassé de ces trop grosses et gênantes révérences (ces solos "doublés", racés mais sans aucune personnalité pourtant...), Orchid sait se faire réellement intéressant et novateur. En témoigne le pont sur ce même morceau qui voit l'apparition d'un piano type «musique d'ascenseur» sur fond d'arpèges planants! Ou encore cette basse 'wah-wah' (assez similaire certes à celle de Butler sur "The Sign of the Southern Cross", nous semble-t-il, bon...) et ce final ténébreux et 'Lovecraftien' du "Silent One" précité. Sans oublier pour finir cet original effet «harmonica» à la guitare sur le pont de "Marching Dogs of War" (enfin, si l'on oublie un instant l'utilisation de l'instrument lui-même sur le classique "The Wizard" du premier album des Sab'...), lequel, si l'on s'y arrête cinq minutes, possède tout de même un 'swing' bien marqué, parole, plus que jamais on n'a pu en retrouver chez les quatre prolos d'Aston, plus proche pour le coup d'un "Black Night" de Deep Purple dans sa propension à donner envie de claquer des doigts! (caractéristique qui faisait un peu défaut au jeu plus "percussif" d'un Bill Ward, il faut bien l'admettre...)

Il est donc quand même assez paradoxal de constater que le plus convaincant des disciples de Sabbath (fermez les yeux pendant l'écoute, ou même pas d'ailleurs : visionnez simplement une de leurs prestations sur Youtube en vous focalisant sur la gestuelle de Theo Mindell !) le soit réellement bien davantage dans son éxécution quand il se défait au maximum de ses modèles...

Que ce soit lorsqu'il réveille les influences Blue Öyster Cult (qu'on avait déjà décelées précédemment, notamment sur le "Falling Away" d'Heretic...) au cours de la deuxième moitié de "Leaving it all Behind".

Que ce soit au détours de passages intimistes plus dépouillés et véritablement poignants (car plus authentiquement interprétés et non plus singés...) au sein du par ailleurs bien 'swinguant' lui aussi "See You on the Other Side".

Que ce soit enfin lorsqu'il adopte des approches plus foncièrement «hard» de 'bikers' qu'on leur avait déjà connu naguère, avec une désinvolture qui, amenée un peu plus à son aboutissement, serait à même de réveiller le T.Rex ou les Iguanes qui sommeillent peut-être en eux... Malheureusement, ce disque manque encore trop souvent de folie, un comble au vu de son titre !

Ajoutez à cela un son rond et 'vintage' certes, mais qui manque tout de même un peu de patate (notamment les guitares qui gagneraient à être plus mordantes), et vous obtiendrez enfin un album dont l'enrobage et les multiples additifs viennent en relever quelque peu la teneur (et la saveur de compos par ailleurs des plus classiques), et vous comprendrez alors que le mètre-étalon Capricorn, aussi "assidu" et dévotionnel soit-il lui aussi, était quand même plus aventureux et personnel, et restera certainement encore longtemps un monument inégalable. S'il n'y a de fait aucune faute de goût au tableau de ce The Mouths of Madness (le contraire eût été quand même étonnant, vu les références des bonhommes!), on ne retrouve guère hélas pour autant de coups d'éclat, de génie ni même, et c'est bien là le plus grave, l'aura ou la magie d'antan...

LeBoucherSlave

6,5/10

 

NOTE DE L'AUTEUR : 6 / 10



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