C’est dans la salle parisienne du Trabendo que Klone a choisi de fêter en grande pompe la sortie de l’excellent Meanwhile. Appuyé par deux autres formations françaises officiant dans des styles variés, le groupe poitevin vient célébrer avec son public un moment important et chargé d’émotions, point culminant d’un parcours irréprochable depuis deux décennies. Retour sur cette belle soirée qui confirme la place de choix de Klone parmi les groupes incontournables de la scène rock / metal progressif.
Patrón
Avant les patrons de la soirée, c’est au tour du groupe Patrón de réchauffer le Trabendo en cette soirée hivernale. Cela tombe bien, la formation française menée par le frontman Lo (alias Patrón) propose un stoner rock dansant qui va entraîner le public du Trabendo dans son groove imparable. Au menu de la setlist du combo, rythmiques hypnotiques ("Jump in a Fire") et riffs irrésistibles des plus entraînants ("Who Do You Dance For"), teintés de sonorités bluesy.
Les refrains bien efficaces aux paroles parfois suggestives ("Room With A View", "Vega$") sont portés par le timbre de basse du guitariste / vocaliste qui, avec son allure de crooner du désert (rock), multiplie les déhanchés à la Elvis (ou Josh Homme, et d'ailleurs les clins d'œil à Queens of the Stone Age sont plutôt nombreux dans ses compositions, certains ex-membres du groupe américain ayant d'ailleurs collaboré avec Lo/Patrón sur son album). Les musiciens qui l’accompagnent ne sont pas en reste, assurant tous les trois les chœurs occasionnellement et signant une prestation pleine d’énergie, à commencer par le batteur qui semble monté sur ressorts. Solide entrée en matière pour Patrón qui nous avait déjà séduits lors de la sortie en 2020 de son album éponyme.
Setlist Patrón :
Room With a View
Jump in a Fire
Who Do You Dance For
Very Bad Boy
Next Stop
Vega$
The Old Dead Tree
Place à une ambiance plus sombre et poétique avec l’installation du décor de The Old Dead Tree, composé de branches d’arbres morts ornant les pieds de micro et d’éclairages disposés sur la scène. Des murmures d’anticipation planent dans la fosse du Trabendo, et pour cause : un voile de mystère entoure la formation parisienne culte, depuis sa dissolution en 2009 et de rares nouvelles compositions ces dix dernières années. Si le combo semblait, au grand dam de ses fans, tirer sa révérence définitivement avec l’EP The End sorti en 2019, l’actualité de l’arbre mort semble décidément bien différente, avec plusieurs dates de concert organisées depuis deux ans et un rendez-vous pris pour le Hellfest 2023.
Dès son arrivée, le quintette embarque la salle dans son univers singulier pour un voyage comme suspendu entre moments aériens et force écorchée. Les émotions sont à vif, les riffs lourds et les musiciens impeccables. The Old Dead Tree évoque le deuil et les regrets dans des compositions pleines de nuances où la voix de Manuel Munoz passe du chant clair au growl avec une facilité déconcertante ("Regarding Kate", "Out of Breath"). Avec ou sans sa guitare, le frontman dégage un charisme et une énergie palpable, et même si la prestation de TODT souffre de certains problèmes de son, les guitares et la basse prenant le pas sur les parties vocales, cela n’empêche pas le public de chanter bien fort, partageant la mélancolie et la force du moment et communiant du mieux possible avec le groupe.
Même si le combo propose ce soir deux morceaux de son tout récent EP d’adieu, "Sorry" et "The End … Again", ce sont surtout les deux albums Perpetual Motion (2005) et The Nameless Desire (2003) qui sont les plus représentés ce soir, avec notamment le superbe enchaînement final de "We Cry as One", "It Can’t Be !" et "The Bathroom Monologue", parfaite conclusion à ce moment hors du temps offert par le groupe à son public venu nombreux.
Setlist TODT :
Sorry
Out of Breath
Regarding Kate
Unrelenting
What Else Could We’ve Said ?
The End … Again
Even If
We Cry as One
It Can’t Be !
The Bathroom Monologue
Klone
Les aficionados de Klone le savent : un moment unique se prépare… le groupe, reconnu pour ses prestations scéniques impeccables, est très attendu ce soir, à en croire la fosse bondée du Trabendo. L’arrivée du groupe se fait en toute simplicité sur le morceau nuancé "Elusive", issu de l’album Meanwhile, sorti la veille. L’occasion pour le combo composé de Guillaume Bernard (guitare), Yann Ligner (chant), Aldrick Guadagnino (guitare), Morgan Berthet (batterie) et Enzo Alfano (basse) de planter une ambiance tout en intensité et en contrastes, entre univers aériens et outro lourde. Ce nouvel opus sera représenté par quatre titres dans la setlist, dont le superbe "Within Reach" et son crescendo exceptionnel.
Une chose est sûre, dès les premiers instants, le groupe sonne plus fort et plus juste que jamais. Impossible de ne pas voir la belle synergie qui unit les membres du groupe, alors même que Enzo Alfano et Morgan Berthet (Myrath) n’ont rejoint la formation plutôt récemment. La patte Klone est reconnaissable d’emblée, les riffs se font aériens et écrasants à la fois, et le chant intense et puissant lie les moments planants et les temps plus lourds.
Des attaques monstrueuses font se multiplier les headbangs du côté du public sur les passages les plus en force ("Rocket Smoke") ou sur les boucles hypnotiques de guitare et de basse ("Immersion"). Guillaume et Aldrick lancent des coups de pieds et montent sur les enceintes régulièrement, Enzo n’hésite pas à donner du headbang également et à inciter le public à réagir. Le tout est bien sûr porté par la prestation vocale impériale de Yann. Par son timbre unique, ses notes tenues et ses passages hallucinants du clair à la distorsion, ce dernier illumine chaque morceau. Toujours très habité, sondant le public de son regard perçant, il sort de sa posture grave et inspirée quelques instants le temps de remercier chaleureusement le public de sa présence.
Les moments atmosphériques tutoient des brusques explosions de puissance, et Klone emporte l’adhésion du public par des refrains mémorables, porteurs d’une beauté toute mélancolique, intenses et graves ("Night and Day", "Sealed", "Keystone"). La dernière partie du concert réserve encore quelques pépites, avec notamment la traditionnelle reprise ultra musclée de Björk "Army of Me". Sur cette véritable déflagration de puissance, le public est déchaîné et Enzo descend dans la fosse avec sa basse s’agiter au plus près des fans ravis. C’est enfin le magistral "Yonder" qui vient conclure le set. Cette montée en puissance épique permet une dernière fois au public de se plonger dans l’atmosphère si particulière des compositions de Klone.
Le groupe prouve une fois de plus sa toute-puissance scénique avec ce show magistral, impressionnant de justesse et de maîtrise. Conscient d’avoir vécu un moment privilégié, le public du Trabendo réserve une ovation au quintette, qui ne tardera pas à rejoindre la table de merch pour prolonger ce beau moment de partage et de proximité. Klone poursuit sa route au printemps 2023, pour le plus grand bonheur des fans, notamment en ouverture de la tournée européenne de Devin Townsend ce mois-ci ainsi qu’à Tours et Savigny-le-Temple en avril.
Setlist Klone
Elusive
Rocket Smoke
Night and Day
Sealed
Keystone
Gone Up In Flames
Within Reach
Bystander
Immersion
Army of Me (Björk)
Nebulous
Silver Gate
Yonder
Photos : Lil'Goth Live Picture. Toute reproduction interdite sans l'autorisation de la photographe.