Entretien avec Ross Jennings du groupe Haken

Il y a quelques jours, juste avant un concert à Oslo, nous avons eu l'opportunité de parler avec Ross Jennings, le chanteur de Haken. Nous avons évoqué leur nouvel album Fauna, sorti le 3 mars 2023, ainsi que leur tournée européenne avec Between the Buried and Me et Cryptodira.

Haken, Ross Jennings, Fauna, Between the Buried and Me

La Grosse radio: Bonjour Ross, en observant ton arrière plan, on se rend compte que tu es dans le tour bus ...

 

Ross Jennings: Exactement, on joue ce soir au Rockefeller à Oslo, il neige d'ailleurs mais on est prêt !

Vous approchez de la fin de votre tournée européenne. Comment ça se passe ?

 

On va bientôt rentrer chez nous. Enfin, techniquement, on est passé pas très loin de chez nous puisqu'on a joué à Londres, il n'y a pas longtemps. C'était vraiment génial car on jouait dans une salle qui nous tenait vraiment à coeur : le Sheperd's Bush Empire. Je me rappelle avoir vu pas mal de concerts quand j'étais jeune. Donc on ne voulait pas se planter. Mais c'était un rêve qu'on a réalisé. Pour revenir à la tournée de façon générale, ça se passe vraiment bien. Le public est au rendez-vous, on joue avec Between the Buried and Me qui est un de nos groupes de prog préférés et on passe pas mal de temps avec eux.

En parlant de public au rendez-vous, votre dernier album Fauna qui n'est sorti que depuis quinze jours, est bien accueilli sur scène. 

 

Oui c'est hallucinant car il faut se rappeler que, lorsqu'on a commencé la tournée, l'album n'était pas sorti. On s'est donc dit qu'on allait se concentrer sur les singles déjà sortis. Mais ne vous inquiétez pas, nous allons revenir en Europe pour faire des dates plus dédiées à cet album. Il faut se rendre compte que la tournée actuelle est le fruit de trois tournées annulées à cause du covid. Nous devions théoriquement promouvoir l'album Virus sorti pendant la pandémie. On s'est donc dit qu'il fallait vraiment se focaliser sur Virus. Mais pour en revenir à Fauna, oui, les gens connaissent les paroles, cela prouve que les chansons sont vraiment "catchy".

Comme tu le dis, Virus n'a pas pu "exister" en live et il s'est passé trois ans entre la sortie de l'album et cette tournée. C'était dur pour vous de vous y remettre et de jouer ces chansons ?

 

J'ai un rôle un peu plus simple que le reste du groupe comparé aux guitaristes par exemple, qui ont passé une bonne partie de l'année à travailler des morceaux comme "Messiah Complex" qui sont vraiment techniques. Ca leur a pris un certain temps mais ça a payé car les chansons tirées de Virus passent super bien en live. Il faut dire qu'elles ont été taillées pour la scène : ce sont des morceaux plus heavy.

En 2020, vous sortez Virus qui est un album assez puissant et là vous dévoilez Fauna, un album peut-être plus pop. Est-ce que vous voyez la différence sur scène, au niveau de l'énergie que les deux albums dégagent et leur effet sur le public ?

 

Il y a une vraie différence. Déjà parce que le public a eu trois ans pour digérer Virus mais aussi parce que notre public est souvent constitué de "gamins qui font des mosh pits" donc ils sont plus réceptifs à des compositions heavy.

Pour revenir à cette future tournée plus focalisée sur Fauna dont tu parlais plus tôt, c'est quelque chose d'ancré dans le marbre ou une vague idée ?

 

Non, c'est plus une idée qu'on a eu. On va d'abord partir aux Etats-Unis pour vraiment promouvoir l'album. De plus, on fête cette année les 10 ans de The Mountain donc ça va être difficile pour nous de composer la setlist. Mais on y pense beaucoup à ce deuxième leg européen.

Trois ans donc sans tourner, ça n'a pas été trop difficile pour toi de chanter dans un environnement live à nouveau. Tu avais un entraînement spécifique ?

 

Certes on n'a pas pu tourner pendant la pandémie mais j'ai continué à m'entraîner en studio en composant mon album solo notamment. Et puis l'année dernière nous avons tourné avec Symphony X aux Etats-Unis et lors de la Cruise to the Edge. Néanmoins, cette tournée européenne représentait un challenge car c'était la première fois qu'on faisait des concerts plus longs et tous les jours. Mais franchement, ça se passe super bien et je trouve que ma voix est de plus en plus solide et je n'ai pas encore eu de problèmes.

Fauna sonne vraiment différent comparé notamment à Vector et Virus. Ce qui semble normal car ces deux derniers sont comme un couple. Et si on prend toute la discographie du groupe, on peut voir que chaque album est différent avec une atmosphère propre à chacun. Est-ce que, lorsque vous démarrez un album, vous avez une certaine idée, est-ce que ça dépend de ce que vous écoutez ?

 

C'est vraiment difficile d'y répondre. En fait, quand on compose, on prend ce qui nous passe par la tête. Ca peut partir d'un riff ou d'un motif rythmique.  On ne définit jamais les choses, sauf pour Vector et Virus où on s'est mis d'accord pour que ce soient des albums puissants et qu'on accentue le côté "metal". Mais en général, ce n'est qu'après quelques mois qu'on se rend compte de l'atmosphère générale. Quand on a composé The Mountain on a compris qu'on partait plus du côté des années 70. Même chose pour les années 80 avec Affinity. Pour Fauna, on s'est dit : "voyons ce que chacun propose et on fera avec". Mais je ne pense pas que notre dernier album se concentre sur un aspect. Je trouve qu'il représente bien des facettes du groupe.

Vous avez déjà exploré pas mal de styles musicaux. Est-ce que vous avez d'autres genres à aborder dans vos têtes ?

 

Question difficile : en fin de compte, cela dépend peut-être de ce que nous écoutons au moment de composer un album. Mais franchement, on a fait tellement de choses différentes que rien ne me vient à l'esprit. Mais ne vous inquiétez pas, on continuera à vous proposer des surprises.

D'ailleurs, tu écoutes quoi en ce moment ?

 

Ouh là, des tonnes de trucs. J'ai pris un peu de retard en ce qui concerne les sorties récentes alors j'en profite pour me rattraper : en ce moment, j'écoute le dernier album de Periphery, du Klone et du Katatonia. Ca c'est pour les artistes qui sont proches de notre style. Mais sinon, dans le tour bus, on met de la drum and bass indienne, du Sting ou du Bruce Springsteen. En fait, on se concentre sur "la musique" en elle-même et on s'en fout assez des effets de mode.

Pete est de retour aux claviers. Alors certes vous avez déjà tourné avec lui en 2007 et l'année dernière avec Symphony X mais comment ça se passe sur cette tournée ?

 

C'est fantastique. Pete est un membre fondateur qui a quitté le groupe en 2008 pour poursuivre une carrière universitaire dans la physique. Mais on est resté amis : il venait nous voir à chaque concert à Londres, il a même fait des apparitions sur Vector et Virus. En plus il joue avec Rich dans la groupe Nova Collective, aux côtés de Dan Briggs, de Between the Buried and Me. On a toujours été au courant de ce qu'il faisait musicalement et c'était naturel pour nous qu'il revienne, tant sur le plan musical que personnel. En plus il a contribué énormément pour Fauna.

Tiens d'ailleurs en parlant de Nova Collective, puisque Dan, Rich et Pete tournent ensemble, est-ce que tu les vois interagir, échanger des idées pour un prochain album ?

 

On passe beaucoup de temps ensemble. Je les ai vus se parler mais je n'en sais pas plus.

C'est marrant car, il n'y a pas longtemps, je lisais une interview de Dan Briggs dans laquelle il disait que, lorsque vous aviez fait une tournée ensemble en 2014, Haken était dans son coin à travailler comme des fous pour composer le futur album qui deviendrait Affinity. Vous êtes dans le même état d'esprit sur cette tournée.

 

Non pas du tout, on se focalise énormément sur le show et puis nous n'avons pas beaucoup de journées "off". Et si nous en avons, on passe notre temps dans le tour bus. Et puis lors de la dernière tournée, nous avions deux bus différents alors que là, on est tous dans le même.

Autre coincidence, j'ai regardé il n'y a pas longtemps Blade Runner et j'ai été surpris de voir que vous aviez inséré des références à ce film dans votre chanson "The Alphabet of Me". Qui en a eu l'idée ?

 

En fait, au départ, on discutait du fait d'inclure les animaux dans le concept général de l'album. On est parti un peu dans tous les sens en se disant qu'on pouvait insérer des références à la pop culture ou des caractéristiques animalières. Je crois que c'est Charlie qui a introduit cette idée de prendre des animaux comme symboles. Une phrase du genre "ouais un peu comme ce qu'ils font dans Blade Runner. Et quand j'ai écrit les paroles de "The Alphabet of Me", j'y ai pensé et mis quelques citations. Mais cette chanson ne parle pas que de licornes et de serpents.

Puisqu'on parle du processus créatif, quelle est la différence entre composer des chansons pour Haken ou pour ton album solo ?

 

La grosse différence c'est que pour mon projet solo, je démarre en grattant des accords de guitare et je compose une mélodie. Alors que pour Haken, il y a bien plus de strates qui forment ensuite un énorme puzzle qui se termine par la confection des paroles. Par contre en solo, c'est plus instinctif, ça vient plus du coeur et de l'âme, c'est peut-être aussi plus simple.

Dernière question concernant tes projets, qu'en est-il de l'excellent groupe créé avec Neal Morse et Nick D'Virgilio ?

 

On sortira un deuxième album mais pour l'instant on est dans la phase d'enregistrement. En tout cas, ce project c'est vraiment un line-up de rêve.

 

 

 

Un grand merci à Ross Jennings pour sa disponibilité et à Valérie de jmtconsulting pour l'opportunité.
L'album Fauna est déjà sorti sur le label Inside Out Music.
Le groupe sera de retour en France au Motocultor Festival.



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