A Paris, le premier mai 2013, ce n’était pas que la Fête du travail, c’était aussi la fête du djent ! Kézaco ? Mais si, vous savez, ce nouveau courant métallique initié par les suèdois Meshuggah et qui a fait beaucoup (trop ?) d’émules autour de la planète.
Enormément de jeunes formations ont donc emprunté la voie tracée par Meshuggah, à grands coups de polyrythmie et de guitares sous-accordées. Sauf que ces deux artifices ne suffisent pas à faire un groupe, et a fortiori un bon groupe, même s’ils peuvent apporter un peu de fraîcheur aux compositions. Le défaut principal de cette scène est que beaucoup de groupes djent ont tendance à oublier ce « détail ».
Ce concert en tête d’affiche de Periphery, accompagnés des groupes TesseracT et Syqem était donc le parfait moyen de prendre la température de cette mouvement musical en ébullition.
Syqem :
Les teutons de Syqem ouvrent le bal des guitares à 8 cordes, pour promouvoir leur premier opus sorti en 2012. Si on pouvait se réjouir de la présence d’un groupe allemand, nationalité peut être sous-représentée parmi les groupes qui viennent jouer en France, leur musique a comme un goût fade. Les lignes de voix de Daniel Bernath sont peu élaborées et ne viennent pas apporter un accompagnement intéressant à l’instrumental. C’est bien dommage, car le set révèle quelques excellentes idées de guitare, notamment un effet tremolo qui rappelle les meilleures heures de Mathew Bellamy ou Tom Morello.
Mais ce sympathique vernis ne suffit par à être réellement convaincant, surtout quand on s’aperçoit que Syqem ne fait que reprendre mécaniquement tous les procédés du djent inventés par Meshuggah, sans arriver à la cheville du groove et du feeling de ces derniers. Les rythmiques ne sont pas incisives, et manquent de dynamique, ce qui est assez problématique pour un groupe qui veut expérimenter la mesure.
Si on ajoute à cela l’apport mélodique tout relatif des parties de guitare du chanteur, rien ne pousse à être réellement enthousiaste par rapport à la performance de Syqem. Les premiers rangs de l’assemblée semblent pourtant avoir apprécié. Peut être qu’avec un peu plus de maturité et de travail, le groupe arrivera à avoir une vraie personnalité et à entrer dans la cour des grands.
TesseracT :
Lorsque TesseracT commence son set, on s’aperçoit que leur chanteur va réussir le triste exploit de faire pire que celui de Syqem, à ceci près que Daniel Bernath jouait de la guitare en même temps, ce qui n’est pas le cas pour Ashe O'Hara. C’est bien simple, ce vocaliste n’est jamais juste dans les aigus. En plus de cela, les lignes de chant sont insipides, à tel point qu’on apprécie beaucoup plus les moments instrumentaux énervés du set, aux sonorités djent, vous vous en doutez. Ces moments sont hélas trop rares, et ressemblent encore une fois beaucoup à Meshuggah, sans être pour autant dénués d’intérêt, heureusement pour le groupe comme le public. Et lorsque TesseracT se fait planant et doux, on a encore la vague impression d’écouter un autre groupe, transfuge de Textures, mais sans la belle voix de Daniel De Jongh.
Entre deux chansons, le chanteur s’excuse pour sa mauvaise forme vocale, due à une infection de la gorge. Ce détail aurait effectivement pu l’excuser si son chant était réellement convaincant sur album. Chacun sera donc libre de se faire son propre avis. En cours de performance, on en vient à se dire que TesseracT est un de ces nombreux groupes composés d’instrumentistes talentueux, mais qui peine à se démarquer, du fait de son manque d’originalité dans les compositions, et de son chanteur qui est totalement absent scéniquement, avec une voix sans coffre ni saveur par-dessus le marché. Un ultime détail permet de se faire un avis sur Ashe O'Hara : à un moment du set, le chanteur débranche son micro par inadvertance, et la musique hypnotique, lancinante du groupe se trouve de ce fait nettement remise en valeur.
Le public, lui, n’en a cure, absorbé et conquis, et le montre sur la dernière chanson du set. Ironie du sort : lors du changement de plateau, une chanson de Meshuggah est jouée dans la sono du Nouveau Casino, et ne fait que confirmer à quel point les TesseracT ont peine à faire preuve d’une réelle originalité musicale par rapport à ces pères du djent, et sont loin d’être aussi convaincants, en dépit de leur approche plus mélodique du style.
Periphery :
Comme lors de leur concert en première partie de Between The Buried and Me, les Periphery entrent sur scène avec "Ragnarok", qui met le feu au Nouveau Casino d’entrée de jeu.
Un détail non négligeable a changé entre temps : Matt Halpern, cogneur du groupe, est de retour derrière les fûts, et martyrise sa batterie avec maestria. Jouer de la batterie a l’air si simple quand on le regarde marteler ses fûts d’un air presque nonchalant… Il est la moelle épinière de la rythmique du groupe, soutenu par 3 guitares et un son qui devient de plus en plus précis au fur et à mesure du set. Suivent de beaux tubes djent, dont la jouissive "Scarlett"…
Malgré ce début on ne peut plus impressionnant, on ne peut s’empêcher de frémir lorsque Spencer Sotello annonce que la chanson suivante sera "Jetpacks Was Yes", un morceau qui représente tout ce que le métal fait de pire. Mièvre et dépourvue d’inventivité, le seul mérite de la chanson aura été de confirmer que Spencer est très en voix ce soir, et a énormément progressé depuis le premier album. N’en déplaise à ses détracteurs, il délivre une très bonne performance, laissant entendre très peu de couacs.
Ce moment pour le moins plat du concert est parfaitement choisi par un fan qui, affublé d’un masque de Spiderman, tente de monter sur scène. Spencer l’invite cordialement, avant que l’araignée ne retourne dans la fosse en croudsurfant. Le "Périphéryque" se relance à toute berzingue avec "Luck as Constant", et enchaîne avec des morceaux qui sont habitués des setlists du groupe. Le concert atteint son apogée d’intensité lorsque le riff de "Icarus Lives" retentit, et retourne littéralement le Nouveau Casino.
Alors que c’est déjà l’heure du rappel, Matt Halpern effectue un très groovy solo de batterie, exécuté dans le noir. On peut y entendre un bel hommage à Deftones, qui pleure encore la mort de Chi Cheng, lorsque Matt joue le rythme d’intro de la chanson "Around The Fur". Puis c’est ce moment que Periphery choisit pour un instant de folie et d’audace, en reprenant les premières minutes de "Killing In The Name" de Rage Against The Machine. Le son des guitares bariton se marie très bien avec la chanson, et Spencer arrive à reproduire la haine du flow de Zach, bien joué !
Et c’est le moment de quitter Periphery avec un ultime morceau et le groupe a décidé d’achever le public avec le chef d’œuvre djent Racecar, qui restera probablement gravé dans les mémoires du public. Une interprétation excellente, mis à part quelques pains de Jake Bowen lorsque vient le moment de jouer l’ultime solo du morceau. Il serait cependant sévère de lui en vouloir pour ça, car rappelons que ce solo a été composé par Jeff Loomis, et qu’il doit être très difficile à exécuter.
En conclusion, Periphery a montré ce soir qu’ils méritent définitivement leur place dans la cour des grands. Assurant un show carré et très efficace, ils ont réussi, contrairement aux deux groupes qui les ont précédés ce soir-là, à prouver que l’on peut être djent sans être froid et dangereusement proche de la musique de Meshuggah. On attend maintenant qu’ils transforment l’essai avec un troisième album, et peut être un peu plus de risques pris dans leur setlist.
Setlist :
Ragnarok
Scarlet
Jetpacks Was Yes !
Luck as Constant
Have a Blast
Facepalm Mute
Make Total Destroy
Icarus Lives !
Encore :
Drum solo (w/ "Around The Fur" intro)
Killing in The Name (Rage Against The Machine)
Racecar
Photos : © 2013 Nidhal Marzouk / www.yog-photography.com
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