Vendredi 18 août, Carhaix
En ce deuxième jour de Motocultor où la pluie l'a emporté sur le soleil, la programmation se révèle éclectique et riche en découvertes. Si elle amorce un coup d'accélérateur dans la brutalité, la plus grosse tête d'affiche du festival (en temps de set au moins) annonce la journée la plus typée folk de cette édition.
Après une première journée majoritairement placée sous l'étendard du rock, le vendredi s'annonce plus éclectique. On retrouvera la majorité des groupes folk et apparentés de l'édition, mais aussi des sets très nerveux. Il est temps de monter d'un cran au niveau intensité et pousser à fond les potards des amplis. Et mieux vaut le faire dès les premiers concerts de la journée car de nombreux festivaliers vont longtemps rester bloqués à l’entrée du site. En effet, les problèmes de logistique déjà bien présents la veille ne sont pas du tout résolus, c'est même tout le contraire ! Avec les nombreuses réclamations de festivaliers, gageons que le Motocultor prendra les mesures nécessaires pour améliorer ce point avant la fin de l’édition.
Nettement plus fraîche que la veille, la journée du vendredi est aussi la seule où de la pluie est annoncée. Tombant régulièrement en petite quantité l'après-midi avant d'évoluer finalement vers des averses en soirée, la pluie reste correcte cette journée. On est loin de certaines éditions précédentes, où le site de St-Nolff s'était retrouvé inondé avec une boue tenace.
Nos concerts du vendredi 18 août :
Gorod – Psychonaut – Déluge – Gggolddd - Arka’n Asrafokor – Hypno5e – Humanity’s Last Breath – Terror – Vio-lence – Haken – Napalm Death – Epica – Wardruna – Katatonia – Ic3peak – Brieg Guerveno
Gorod
Dave Mustage, 12h45
Par rapport au premier jour, la différence d'affluence se fait énormément sentir à l'entrée du site. Si le premier jour l’attente semblait déjà longue pour beaucoup de festivaliers, bloqués devant l’entrée un moment, c’est une toute autre paire de manches en ce vendredi. De longues, très longues files d'attente traversant même la route jusqu’au parking, annoncent aux festivaliers matinaux un très probable loupé des premiers concerts. Et en effet, Gorod qui ouvre cette seconde journée joue devant une foule anormalement clairsemée. Clairement, on est loin de la tente bondée du Hellfest plus tôt cette année.
Pour autant, le combo n’a que quarante minutes pour exécuter son set, c’est peu. Alors il ne tergiverse pas et balance direct : blast beats, double pédale, growls brutaux et guitares en shred ou en arpèges ; tout ce qui fait le son tech death des Bordelais est présent, ravissant les amateurs. Sur la Dave Mustage, le son est à l’instar de la musique, très imposant, tant brutal dans les rythmiques que clair dans les solos de guitare. La différence d'intensité semble très flagrante par rapport à la veille, et Gorod joue tellement fort qu’on entend bien le groupe pratiquement partout sur le site. Même si une grande partie du public reste pour l’heure bloquée aux portes du festival, Gorod parvient à attirer une bonne proportion des festivaliers chanceux ayant réussi l’épreuve du portail, la foule devant la Dave Mustage se densifiant un peu avant la fin du set.
La courte setlist associe les titres du dernier album - The Orb sorti cette année -, “The Orb” et “We Are The Sun God” aux plus anciens, du super nerveux “Bekhten’s Curse” au classique de fin de show, “Disavow Your God”. Sans fioritures, le combo a bien réveillé le Motocultor pour ce second jour qui s'annonce déjà couvert et pluvieux.
Psychonaut
Massey Ferguscène, 13h35
Si la tente n’est pas complètement pleine à l’arrivée du trio belge Psychonaut sur scène, c'est pour les mêmes raisons que Gorod juste avant : de nombreux festivaliers sont toujours bloqués dans l’interminable file d’attente à l’entrée du site du Motocultor. Le chapiteau se remplit toutefois bien vite, et on voit régulièrement de petits groupes de personnes arriver en courant pour ne pas tout rater. C’est que le spectacle vaut le détour : en pleine ascension, la formation de prog / post metal signée chez Pelagic (ça ne s’invente pas) a sorti en trois ans deux albums remarquables et fait l’unanimité sur scène. Le son sous la Massey est excellent, et on profite pleinement des compositions massives, mettant en avant des riffs pachydermiques et la complémentarité du chant de Thomas Michiels (basse) et du scream de Stefan de Graef (guitare).
Florilège de longs morceaux issus des opus Unfold the God Man (2020) et Violate Consensus Reality (sorti cette année), la setlist équilibrée comporte des moments de grâce comme ces montées en puissance phénoménales sur “Halls of Amenti” et “Violate Consensus Reality”, la plus efficace “All Your Gods Have Gone” ou la pépite psychédélique un peu folle “All I Saw as a Huge Monkey”.
Le batteur Harm Peters, magistral dans les nuances et la puissance, complète parfaitement les riffs fous et le groove appuyé de Thomas et Stefan. Les passages atmosphériques tutoient les rythmiques alambiquées mais tellement efficaces sur “The Fall of Consciousness”, et du côté du public on entend même plusieurs personnes chanter les riffs de guitare.
Les headbangs se multiplient à la fois sur scène et dans la fosse, et la communion semble complète, d’autant plus quand les sympathiques Belges (Flamands) font l’effort de parler français pour s’adresser au public. Virtuosité, puissance, sérénité et bienveillance inondent la Massey, et le parterre bien rempli (en fin de concert) réserve au trio une ovation méritée. Ceux qui ont trouvé ces 45 minutes beaucoup trop courtes - ou ceux qui ont raté tout ou partie du set - pourront retrouver Psychonaut très rapidement en France, à Lille en septembre, puis à Nantes, Paris et Pacé en octobre !
Setlist Psychonaut :
Halls of Amenti
All Your Gods Have Gone
Violate Consensus Reality
All I Saw As a Huge Monkey
The Fall of Consciousness
Déluge
Supositor Stage, 15h10
C’est sur une entrée orageuse que Déluge apparaît sur la Supositor Stage. Et si vous couplez le sample à cette météo quelque peu houleuse, vous obtenez un concert qui s’annonce d’ores et déjà mystique. La prestation du groupe de post hardcore originaire de Metz se fait attendre autant que la pluie, qui ne se montrera qu’en toute fin de set.
On déplore l’absence de backdrop et une qualité sonore pas au rendez-vous, tout du moins au début, ce qui donne l’impression d’avoir plus affaire à une soupe sonore qu’à une véritable prestation. Malgré tout, Maxime Febvet (voix), Frédéric Franczak (basse, choeurs) et Richard de Mello (guitare) assurent, font preuve d'énergie et haranguent régulièrement la foule venue nombreuse assister à la prestation du groupe dont le son s’améliore heureusement vers la fin du set.
Gggolddd
Dave Mustage, 15h55
On avait vu le combo de dark rock néerlandais en première partie d’Alcest en décembre 2022 dans une configuration à six musiciens, mais c’est aujourd’hui sous la forme d’un quatuor que la bande prend position (très) tôt dans l’après-midi sur la (très) grande scène. Bien trop grande, diront certains, et bien trop tôt, c’est certain, le set personnel et introspectif de Gggolddd méritant plutôt une place sous un chapiteau en soirée, ce qui aurait mis en valeur les compositions délicates et les arrangements plutôt minimalistes / électro de la formation du jour.
La prestation de Milena Eva est poignante, son chant pur et ses mouvements chorégraphiés retranscrivant parfaitement le propos difficile du dernier album This Shame Should Not Be Mine, son traumatisme suite à une agression sexuelle et la difficulté de la reconstruction. Oui, mais voilà … un peu perdue sur la scène haute, entourée de trois musiciens – dont Jaka Bolič, de profil, ayant troqué sa guitare aujourd’hui contre des percussions électroniques – la vocaliste peine à entrer en contact avec le public, plus particulièrement avec ceux qui ne sont pas familiers avec la musique du groupe.
Inutile de dire que du côté de la fosse l’expérience aurait pu être plus agréable sans les commentaires sexistes déplacés de certains intellectuels du public qui auraient peut-être dû se renseigner sur les paroles. Pour découvrir l’univers fascinant de Gggolddd dans des conditions probablement meilleures, il ne faudra pas attendre longtemps : le groupe ouvrira pour Cult of Luna en octobre prochain à Reims, Rennes et Saint Etienne.
Setlist Gggolddd :
Beat by Beat
Strawberry Supper
Spring
I Won’t Let You Down
He Is Not
I Let My Hair Grow
Old Habits
Notes on How to Trust
Arka'n Asrafokor
Bruce Dickinscène, 15h55
Le Motocultor approfondit le principe de la programmation thématique chaque jour sur la Bruce Dickinscène. En ce vendredi, place au folk metal. L’idée est de montrer la diversité du genre, dans la scène hexagonale (concert assez classique mais prenant de Hrafngrimir) mais aussi ailleurs, avec notamment une performance habitée de l’Italienne Lili Refrain, entre tradition et electro.
Si on limite souvent le folk metal à des traditions musicales européennes, des Celtes aux Vikings, le genre peut tout aussi bien incorporer des musiques venues de tout le globe. Et cette année, le festival breton frappe fort, avec la venue d’une formation togolaise, Arka’n Asrafokor.
Le quintette ouest africain formé en 2010 a sorti son premier album, Zã Keli, en 2019, et a déjà fait une petite tournée française en 2022. Est-ce sa réputation qui le précède ou simplement le temps pluvieux ? La tente est quasiment pleine quand le combo entre en scène. Visuellement, les musiciens captent tout de suite l’attention, affichant des looks qui conjuguent modernité et tradition : du crâne rasé aux longs dreads, de vêtements aux motifs africains à des styles très urbains, le tout rehaussé de peintures corporelles.
Musicalement, ça explose dès le début : le groupe joue un metal aux gros accents groove et thrash, voire légèrement death, influencé par les années 80 et 90. Les rythmiques surpuissantes (Francis à la basse, Richard à la batterie) et les riffs acérés ont de quoi réveiller les morts, et la rage dégagée de quoi les renvoyer dans leurs tombes. Cela se marie à merveille avec des rythmiques et percussions africaines, et certaines mélodies portées par les lignes de guitare plutôt inspirées de l’ouest du continent. Le chant suit le même principe : le chanteur principal Elom scande ses growls avec hargne, tandis que le guitariste Rock et le percussionniste Mass assurent du chant clair contemporain et traditionnel, le tout admirablement exécuté en éwé (langue du Togo) et en anglais.
L’ensemble, dévastateur, déborde d’énergie de part en part, des passages les plus agressifs à ceux plus mélodieux, metal et musique traditionnelle se fondant souvent dans un même mouvement. Le public ne s’y trompe pas : il exulte dès le début, multipliant les headbangs sur les parties plus bagarreuses, et les danses échevelées sur les parties plus festives.
Le groupe semble ravi de cet accueil et évoque les thématiques de ses chansons, certaines très guerrières, d’autres plus tournées vers la spiritualité, la nature, la nécessité de changer les comportements humains et leur rapport à la Terre. Le seul reproche à faire à ce concert est qu’il est beaucoup trop court. Arka’n Asrafokor a droit à une véritable ovation finale, et le public de scander à l’unisson « Une autre ». Une demande de rappel pour un groupe assez méconnu, c’est peu courant, et pourtant tout à fait justifié pour ce combo, qui pourrait bien être LA révélation de l’édition 2023 du Motocultor.
Hypno5e
Massey Ferguscène, 16h45
Après plusieurs moments de présence relative, la pluie se fait maintenant très présente, poussant une grosse partie des festivaliers à venir s'abriter sous les tentes. Celle de la Dickinscène était bien remplie pour Arka'n Asrafokor, il en va de même pour Hypno5e sous la Massey. Le combo parisien est ici pour défendre son dernier opus, Sheol, que nous avions beaucoup apprécié. C’est d’ailleurs directement avec “Sheol Pt II - Lands Of The Haze” qu’Hypno5e attaque le set, histoire de rentrer directement dans le dur.
Les guitares et la batterie délivrent un mur du son riche en disto, se plaçant sur une rythmique presque breakdown par moments : le groupe de post parisien sait clairement faire preuve d’intensité dans son jeu. Mais il se montre aussi bien plus nuancé, quand cette énergie laisse place à des passages beaucoup plus doux et mélodiques. On pense à “Maintained Relevance Of Destruction”, où seule une guitare légère accompagne le chant d’Emmanuel. Hypno5e démontre l’extrême largeur de son panel de dynamique, et la différence d'intensité entre ces différentes parties du set est telle qu’il devient régulièrement possible d’entendre Humanity's Last Breath sur la Supositor à proximité, jouant cependant un metal beaucoup plus nerveux et particulièrement lourd en basses. Un classique en festival, dont pâtiront d’autres groupes.
À ce petit désagrément près, on assiste à un show maîtrisé de bout en bout. Vocalement aussi, l’alternance voix saturée / voix claire, mais aussi anglais / français, au gré des compositions et des ambiances participe à cette large dynamique. De son côté, le son est globalement bon jusqu'au dernier titre, où de gros craquements se font entendre. On se rappelle rapidement que les averses font rage à l’extérieur de la tente, mais heureusement la sono survit et Hypno5e peut jouer “Acid Mist Tomorrow”, pour terminer un set dense et très propre.
Setlist Hypno5e:
Sheol Part II - Lands Of The Haze
Maintained Relevance Of Destruction
On The Dry Lake
Slow Steams Of Darkness
Acid Mist Tomorrow
Humanity's Last Breath
Supositor Stage, 16h45
Avec Humanity’s Last Breath, place au metal progressif “thall” sur la Supositor Stage. Et si aucun tremblement de terre n’a été détecté cette fois-ci en Bretagne, l’intensité des subwoofers des Suédois, ces haut-parleurs destinés aux graves, aura au moins eu le mérite de créer un véritable séisme en notre fort intérieur. Comme à l’accoutumée, la performance du groupe peut être qualifiée de poétique tant on a l’impression de faire face à un triptyque.
Les guitaristes, Calle Thomér et Buster Odeholm sont soigneusement positionnés sur les deux extrémités. L’un étant gaucher, l’autre droitier, les manches de guitare sont donc ouverts vers l’extérieur. Au centre trône Filip Danielsson (voix) affublé de son long manteau, qui nous délivre de très beaux gutturaux profonds. Le public est également réceptif et au rendez-vous puisqu’un circle pit s’ouvre naturellement ainsi qu’un wall of death sur la fin du set. La seule remarque négative concerne la qualité du son qui, à nouveau, laisse à désirer. La faute certainement à un équipement entièrement numérique où la voix se noie bien trop dans l’ensemble des instruments.
Terror
Massey Ferguscène, 18h30
Autre tremblement de terre attendu, la venue de Terror sous la Massey Ferguscène. Groupe ô combien pivot et reconnu dans le hardcore américain qu’on ne présente plus, sa venue était très attendue, comme en témoigne un chapiteau archi blindé où là foule est prête à en découdre. Et c’est d’entrée que Scott Vogel (voix) demande comme à son habitude au public de venir pour des stage diving et de jouer des coudes.
La foule ne se fait pas prier et un pit géant s’ouvre déjà. Il faut dire que la setlist, bien que déjà connue, reste très efficace. Avec des titres comme “Spit My Rage”, “Always the Hard Way” et l’indétrônable “Keeper of the Faith”, le public a de quoi se défouler et se faire entendre. En parlant de se faire entendre, on apprécie grandement la qualité sonore d’une prestation raccourcie de quinze minutes, mais là aussi il fallait s’y attendre, c’est le hardcore.
Setlist Terror :
Pain Into Power
Overcome
Spit My Rage
Stick Tight
Strike You Down
Always the Hard Way
Boundless Contempt
Your Enemies Are Mine
One With the Underdogs
Return to Strength
Life and Death
Can't Help but Hate
Keep Your Mouth Shut
Keepers of the Faith
Vio-lence
Supositor Stage, 18h30
Vio-Lence est un vieux groupe de thrash de San Francisco, connu notamment pour avoir réuni Robb Flynn et Phil Demmel avant Machine Head. Formé en 1985 mais séparé dès 1994 (l’année du premier Machine Head, coïncidence évidemment), le combo s’est reformé il y a quatre ans, sans Robb mais avec un noyau dur stable constitué de Phil et Sean Killian au chant. Sauf… que Phil ne joue pas avec Vio-Lence pour cette tournée, étant déjà occupé avec d’autres groupes. Ajoutant à cette absence le départ depuis le début de la reformation des bassistes et batteurs historiques, le groupe apparaît diminué pour l'une de ses toutes premières (sinon sa première) date sur nos terres. Pas de chance, comme régulièrement sur la Supositor depuis le début du festival, le son est infâme dès l'ouverture sur “I Profit”. À part la batterie qui semble correctement mixée, tout semble bien trop en retrait. Les guitares de Miles Dimitri Baker et Ira Black ne s’extirpent pas du fond rythmique et la voix est carrément inaudible.
Si les conditions sonores laissent clairement à désirer (elles s’amélioreront plus tard dans le set, restant malgré tout décevantes), l’ouverture du deuxième album Opressing The Masses embrase déjà le public. Un gros départ en mosh s'effectue, qui ne s'arrêtera vraiment qu'à la fin du concert, évoluant par moment vers un circle pit faisant toute la largeur de la scène. Attendu, vu la formule thrash très rentre-dedans des Californiens, qui ne lésinent pas sur les avalanches de riffs. Logique vu la setlist choisie, avec cinq brûlots du premier album, Eternal Nightmare et trois du second. Dommage, Vio-Lence oublie largement le dernier album Let The World Burn, fraîchement sorti depuis la reformation, n’en jouant que le titre “Upon Their Cross” juste avant le final sur “World In A World”.
Si le contrat est rempli sur le plan du nombre de calories dépensées à la minute, on reste quand même sur notre faim. Entre un son exécrable - en particulier au début du set - qui rend difficile l’appréciation des lignes de chant de Sean, et des compositions nerveuses mais trop répétitives, on finit par se surprendre à attendre la fin du concert. La satisfaction d’avoir pu voir un aussi vieux nom (et encore, sans Phil, il manquait un élément central du groupe), se double d'une piqûre de rappel que le thrash à l’ancienne peut devenir très redondant.
Setlist Vio-Lence:
I Profit
Calling In The Coroner
Officer Nice
Kill On Command
Eternal Nightmare
Serial Killer
Phobophobia
Upon Their Cross
World In A World
Haken
Massey Ferguscène, 20h25
C’est sous une tente étonnamment relativement vide que vient se produire le combo anglais Haken pourtant connu pour toujours apporter de très belles choses sur scènes. Et c’est vêtus aux couleurs de leur dernier album que les musiciens font leur entrée avec leurs très belles chemises hawaïennes. D’entrée ils se font remarquer avec une belle prestance scénique et des sonorités recherchées et maîtrisées de metal progressif moderne et mélodique, le tout accompagné par un light show très apprécié et qui fonctionne très bien malgré la lumière du jour encore persistante.
Avec une setlist relativement équilibrée, qui montre à quel point le groupe explore des directions différentes sur chaque album, mais qui manque notamment de titres fédérateurs comme “The Cockroach King” ou “Falling Back to Earth”, Haken nous propose tout de même de très belles choses et on apprécie sans mal les solos de Richard Henshall et toute la justesse lyrique de Ross Jennings. Et c’est après seulement six petits titres que les Anglais nous quittent alors que l’on aurait aimé en avoir un peu plus !
Setlist
Taurus
Sempiternal Beings
Invasion
Prosthetic
Pareidolia
The Architect
Epica
Dave Mustage, 21h15
Certes, il pleut, mais cela ne va pas décourager les fans de metal symphonique de voir l’un des groupes de référence du genre depuis plus de deux décennies déjà. Avec d’impressionnants éléments de décor, podiums, roues métalliques, sans oublier les deux serpents cracheurs de feu (!) et un light show élaboré, Epica propose du grand spectacle autant pour les yeux que pour les oreilles. Musicalement, le set s’équilibre entre des morceaux récents issus d’Omega (2022) et des classiques efficaces de plus de quinze ans comme “The Obsessive Devotion”, l’occasion d’un défilé de slammeurs impressionnant, ou encore “Consign to Oblivion” sur lequel se lance un wall of death.
Simone Simons est très en voix et les growls de Mark Jansen sont profonds et bien audibles. Personne sur scène ne s’économise, les riffs résonnent bien fort, la connivence entre les membres du groupe évidente, et les headbangs coordonnés sont du plus bel effet. Mention spéciale pour le claviériste Coen Janssen, très mobile, bondissant et souriant, et évidemment pour la prestation de la vocaliste, qui tient la note alors même que des flammes s’approchent dangereusement de son visage. C’est que la pyro est omniprésente, sous formes de flammes verticales, horizontales, et un final aux feux de bengale.
Alors oui, certains déplacements peuvent sembler millimétrés, le set en lui-même très (trop?) rodé, et la performance ne brille pas par son originalité, mais l’effet est entraînant et convaincant, bien plus que lors de la dernière prestation du groupe en mai dernier sur l’anneau trop grand de la scène de Metallica au Stade de France. Ce soir, Epica a tenu la scène et fait le job, en soignant sa mise en scène et avec un son fort et un show bien calé. De quoi faire oublier la pluie au public très nombreux de la Dave Mustage, réchauffé par la débauche de pyro !
Setlist Epica :
Abyss of Time – Countdown to Singularity
The Essence of Silence
Unleashed
The Final Lullaby
The Obsessive Devotion
The Skeleton Key
Code of Life
Beyond the Matrix
Consign to Oblivion
Napalm Death
Supositor Stage, 22h20
Sous une pluie fine mais incessante – certains diront typiquement bretonne – une foule compacte accueille les légendes britanniques du grindcore sur la Supositor Stage. Première surprise, le bassiste Shane Embury est absent ce soir, mais son remplaçant s’en sort de façon plus qu’honorable dès le lancement du set, survolté et crasseux comme on pouvait l’attendre. John Cooke fait hurler sa guitare tout en communiquant avec le public, agitant régulièrement ses dreadlocks. La machine Dany Herrera à la batterie donne le tempo des mouvements de foule qui ne cesseront qu’une fois le set terminé.
Le spectacle vient surtout des mouvements erratiques du vocaliste Barney Greenway, complètement habité, mais redoutant un peu la chute (comme en mars dernier) et pestant contre l’aquaplanning sur la scène trempée. Toujours aussi enflammé pendant et entre les titres, le frontman délivre un discours anar des familles, avec des prises de parole pro-avortement, pro-réfugiés, anti-homophobie, et bien sûr, de l’antifascisme dans toute sa splendeur au moment de présenter l’ultime morceau du set, la reprise des Dead Kennedys “Nazi Punks Fuck Off”. CQFD.
La part belle est donnée au très bon dernier opus Throes of Joy in the Jaws of Defeatism avec six titres dont l’éponyme, l’explosive “Fuck the Factoid”, ou le plus punk/groovy “Contagion”, qui évoque les traitements inhumains réservé aux réfugiés et migrants. Mais les classiques de plus de 30 ans (“Scum”, “Suffer the Children”, “Dead”) sont bien présents et ravissent le public qui s’en donne à cœur joie sous la pluie, à grands coups de circle pits, pogos et autres slams endiablés. LE tube de Scum, “You Suffer” sera d’ailleurs joué une deuxième fois, pour ceux qui l’auraient raté la première. Malgré les conditions météo peu favorables et la qualité sonore de la Supositor Stage à revoir, Napalm Death a été à la hauteur de sa réputation en délivrant un set redoutable, engagé et fiévreux.
Setlist Napalm Death :
Narcissus
Backlash Just Because
Fuck the Factoid
Contagion
Lucid Fairytale
Everyday Pox
Invigorating Clutch
Scum
Amoral
Suffer the Children
Mass Appeal Madness
You Suffer
Smash a Single Digit
Deceiver
Dead
Nazi Punks Fuck Off (reprise des Dead Kennedys)
Wardruna
Dave Mustage, 23h15
S'il y avait bien un concert très attendu ce vendredi, c'est bien celui de Wardruna, l'une des têtes d’affiche du Motocultor. En effet, assister à la performance du groupe le plus emblématique de la musique neo-folk scandinave ne laisse jamais indifférent. Dans l'obscurité la plus totale de la nuit, la scénographie du groupe d’Einar Selvik est d'emblée mise en avant avec des toiles blanches placées sur le côté et dans l’arrière-scène. Ce qui permet durant la totalité du set de mettre en valeur les ombres des musiciens et de leurs instruments traditionnels. Les différents et nombreux artistes sur scène, musiciens ou choristes (comme la talentueuse Lindy Fay Hella), se font toujours discrets, ce qui confère à la musique nordique un aspect authentique et traditionnel. D’ailleurs Einar ne prendra la parole qu’à la fin du set pour remercier le public et introduire la dernière chanson, "Snake Pit Poetry".
Aussi, il faut noter que la musique nordique proposée est vraiment modernisée, que ce soit par le jeu de scène ou par les nombreux instruments traditionnels (au moins une bonne dizaine, des vielles aux trompes nordiques en passant par les flûtes en corne et le jouhikko, lyre finlandaise à archet) qui sont accompagnés de percussions et de très légers motifs électroniques. Mentionnons également les éclairages proposés qui permettent une réelle immersion : chaque morceau est accompagné d’une couleur et d’une ambiance différente, d’une lumière solaire, du bruit de la pluie, d'une ambiance glaciale, d’un rouge mystérieux, jusqu'à l'impression de voir débarquer des drakkars lors d'un raid viking.
Finalement, on peut dire que Wardruna a délivré une prestation tout à fait mémorable et cela malgré des conditions de festival moins propices à l'écoute de la musique néo-folk des Scandinaves. Si vous avez la possibilité de les voir jouer au moins une fois, l'expérience vaut vraiment le détour, pour peu que vous aimiez ce genre de musique.
Katatonia
Massey Ferguscène, 00h40
Il est tard et la fatigue commence à se faire ressentir, mais le public est nombreux sous le chapiteau pour le combo suédois Katatonia. Les soundchecks prennent du retard, de la fébrilité se fait ressentir du côté des techniciens : le set ne s’annonce pas sous les meilleurs auspices, ce qui se confirme sur le morceau d’ouverture “Austerity” (issu de l’excellent Sky Void of Stars sorti en février dernier), avec une batterie trop forte et la guitare peu audible. LA guitare … ? Oui, Roger Öjersson est bien seul à la six-cordes ce soir. Anders Nyström est absent, sans remplaçant cette fois-ci (pour la date du Trianon en février c’était l’ex-Entombed Nico Elgstrand qui s’était chargé de la tâche). En formation resserrée autour du chanteur Jonas Renkse, seul membre fondateur présent, Katatonia propose un set court (sur un créneau de cinquante petites minutes) mais concentré, pour une expérience en demi-teinte.
D’un côté, les problèmes techniques se multiplient : le vocaliste semble gêné par son retour, et fera plusieurs signes aux ingés son. Une panne de micro prive le public de tout le premier couplet de "Birds", puis un changement de guitare non planifié crée un temps mort juste avant “Forsaker” – heureusement, Jonas commente ces mésaventures avec dérision, et Niklas Sandin (basse) et Daniel Moilanen (batterie) improvisent un interlude rythmique. Toutefois, ces ennuis n’empêchent pas le groupe de délivrer un set convainquant et de développer son univers unique.
Car tous les ingrédients d’un bon concert de Katatonia sont là : de l’obscurité et de la fumée (au grand dam des photographes), le visage de Jonas à peine visible sous ses cheveux, une prestation intense de ce dernier, de très belles harmonies assurées par le vocaliste et le polyvalent Roger Öjersson, une setlist cohérente où les nouveaux titres fonctionnent bien avec les « tubes » issus de The Great Cold Distance (“My Twin”, “July”), et un son qui s’améliore grandement, donnant la part belle au chant (plus audible qu’en salle à Paris cette année), un jeu millimétré à la batterie, de la mélancolie à revendre pendant les morceaux, et pourtant une complicité évidente entre les membres du groupe et quelques interventions détendues de la part de Jonas. Une prestation honorable, en somme, mais qui nous laisse quelque peu sur notre faim.
Setlist Katatonia :
Austerity
Colossal Shade
Lethean
Birds
The Winter of Our Passing
Forsaker
Opaline
My Twin
Old Heart Falls
July
Ic3peak
Dave Mustage, 1h35
S’il y a bien un groupe qui suscite la curiosité cette année au Motocultor, c'est bien Ic3peak. Duo russe de musique alternative se tournant vers la noise / harsh noise et la trap, le public n’est pas aussi nombreux qu’on n’aurait pu l’imaginer lorsque les premières notes du set résonnent. Et elles ont dû en réveiller plus d’un par l’intensité des subs et infrabasses associées. Dès lors, les festivaliers venus voir le concert se scindent en deux groupes : les fans et les sceptiques. Le premier groupe restera du début à la fin et savourera de bout en bout la performance du duo russe, le second quant à lui partira au compte goutte et se fera perdre au fur et à mesure. L’apogée étant sur “Plamya” où Nikolay Kostylev part en pure impro noise / harsh noise avec ses synthétiseurs.
L’ensemble du set se veut également engagé puisque les messages anti-guerres seront répétés à de nombreuses reprises par Nastya Kreslina et également affichés sur les deux écrans situés derrières les artistes, constituant la seule scénographie. Une scénographie d’ailleurs relativement sobre mais qui vient appuyer tout le côté organique de la musique proposée par le duo.
Et c’est après une bonne partie d’un set très noise que se révèlent les beaucoup plus “trap” “THIS WORLD IS SICK”, “TRRST” ou encore “Dead but Pretty”. Une chose est sûre, les fans du genre auront passé sans aucun doute un excellent moment et auront fortement apprécié d’avoir un groupe engagé sur scène.
Setlist
Marš
Privet
Quartz
Plamya (Outro with noise and harsh noise improvisation)
MAKE YOU CRY
Skazka
Plak-plak
Interlude ("Stop the war. Stand with Ukraine”)
Kiss of Death
VAMPIR
Let's die together, ya ne shuchu
Are you scared? I am not
Grustnaya suka
THIS WORLD IS SICK
Smerti bolʹše net
TRRST
Dead but Pretty
Brieg Guerveno
Bruce Dickinscène, 1h35
Terminant la journée placée sous le signe du folk, le Motocultor accueille le troubadour Brieg Guerveno, venu avec ses acolytes nous conter ses histoires directement dans le parler local. En breton ! Depuis la sortie de Vel Ma Vin (“Comme je serai”) peu de temps avant le premier confinement, Brieg a déjà eu beaucoup d’occasions d’interpréter les nouvelles compositions, et dans des configurations variées. Parfois en guitare/voix en duo avec sa contrebassiste Bahia El Bacha, parfois en ensemble plus complet comme ce soir, avec notamment Stéphane Kerihuel à la guitare et Camille Goellaen Duvivier aux claviers et à l’orgue Hammond. Pas de batterie, Brieg s’étant éloigné des racines batterie/basse sur son dernier album pour plonger dans un univers folk, loin de ses influences de jeunesse rock progressif, voire metal.
Brieg l’évoque d’ailleurs pendant un de ses interludes quand il se présente comme une des étrangetés de ce festival, lui qui, bien que toujours metalleux dans l’âme, s’en est aujourd’hui vraiment éloigné. Il n’est pas le seul à se présenter comme l’ovni du festival, mais sa programmation sur le tout dernier créneau reste très cohérente. Déjà parce que beaucoup de formations folk se sont produites en ce second jour, mais aussi car le festival entend célébrer le centenaire du drapeau breton ce soir. Le maire de Carhaix étant un fervent défenseur de la cause bretonne, le set de Brieg devient le candidat idéal pour les réjouissances en l’honneur du Gwenn-ha-Du. Une distribution de drapeaux bretons est faite dans la fosse, et on les voit brandis en l’air et volant dès l’arrivée du groupe et l’intro sur “An Treizh” (“La Traversée”). Cette ouverture de toute beauté laisse sa place à “Vel Pa Vefemp” (“Comme Si”), ponctué d'un magnifique solo de guitare de Stéphane.
Camille, en sa qualité d’organiste fou/demi-Moundrag, bercé dans le rock psyché des seventies, parsème le set de ses petites interventions. Utilisant au choix le piano électrique style Wurlitzer ou son orgue fétiche, il apporte beaucoup à l’ensemble guitares/violoncelles. Les compositions interprétées ce soir sont en quasi totalité issues de Vel Ma Vin, à l’exception du sublime “Skornet” (“Glacé”), dont le déchirant final est toujours aussi impressionnant. Brieg est de son côté bien en voix, et abandonne sa guitare sur “Ar Spilhenn” (“L’Aiguille”), chantant seul dans la lumière. La troupe se retire après une bonne heure de set, il est donc temps de quitter les lieux, gardant en tête ce superbe set !
Setlist Brieg Guerveno:
An Treizh
Vel Pa Vefemp
Tra Ma Vo
Ar Sekred
Ar Spilhenn
Petra Zo Bet
Ur Wech Adarre
Skornet
Em Digenvez
Textes :
- Antoine D (Wardruna)
- Aude D (Arka'n Asrafokor)
- Julie L (Psychonaut, Gggolddd, Epica, Napalm Death, Katatonia)
- Félix D (Gorod, Hypno5e, Vio-Lence, Brieg Guerveno)
- Valérian (Déluge, Humanity's Last Breath, Terror, Haken, Ic3peak)
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Photo Arka'n Asrafokor : Camille Fabro pour Vecteur Magazine. Reproduction interdite.