Groupe pionnier du death hexagonal aux côtés de Loudblast, Agressor et Massacra, Mercyless vient de rééditer ses trois premières démos, initialement sorties alors que le quatuor s'appelait encore Merciless avec un i. L'occasion pour nous de revenir sur les tous débuts du combo, qui s'est forgé sa réputation à force de travail et d'acharnement... Trois démos pour parfaire son style, au départ teinté de heavy metal, puis s'ancrant dans le thrash puis le death metal... Trois démos, pour aboutir à Abject Offering, un premier album aujourd'hui considéré comme un classique du style. Flashback.
Les Harmonies sont Immortelles – Immortal Harmonies (1988)
1987, Alsace, France. Merciless est fondé par Max Otero (chant, guitare) et Stéphane Viard (guitare), deux copains d'enfance passionnés par le metal mais aussi par le punk, qui joueront ensemble jusqu'en 2014 (Stéphane a aujourd'hui quitté Mercyless pour des raisons de santé). Si le duo joue déjà ensemble l'année précédente, en effectuant des reprises d'Iron Maiden ou Judas Priest, c'est par le biais d'une annonce postée dans un journal local que Merciless voit officiellement le jour, avec l'intronisation de Gérald Guenzi (batteur jusqu'en 1995). Ce dernier en profite pour faire intégrer le groupe à Boris Mandavis, l'un de ses amis bassistes, qui restera dans la formations avant son départ en 1991, juste avant la sortie du premier album, Abject Offering.
Le groupe se cherche et oscille entre thrash et death encore naissant (appelant d'ailleurs leur style du « Black Thrash » car « ça correspondait bien à ce qu'on faisait »), inévitablement inspiré par Slayer. « Au tout début on essayait des trucs pour voir dans quelle direction on allait » nous confie Max. « Donc il devait y avoir des tentatives qui lorgnaient vers Running Wild, Mercyful Fate ou Judas Priest… On a fait ça pendant deux mois jusqu'au moment où j'ai imité Tom Araya… Là la donne a changé ».
Effectivement, dès « Sudden Death », premier titre de la démo Immortal Harmonies, on ressent l'influence de Slayer, qu'il s'agisse du riffing très proche de Reign in Blood, comme du chant à la Tom Araya. L'agressivité qui caractérise les titres de cette première démo évoque également le thrash primaire de Kreator, qui commence à se faire un nom sur la scène internationale. Car la mise en son de la démo de Merciless est un témoin de son époque : elle sonne brute et live. Max et ses amis enregistrent en effet en live dans un mini-studio, en compagnie d'un ingé-son peu habitué à ce style musical, qui prête même au chanteur une Fender à brancher dans un ampli Marshall, pour que l'ensemble sonne mieux. On sent tout de même la volonté du groupe de tester quelques choses, comme cette reverb assez marquée sur les parties vocales de Max, ou encore à travers quelques hurlements aigus sur « The Last Days of Christiannity », hérités de l'influence heavy du groupe.
Le quatuor est rodé à l'exercice des reprises, puisqu'il en effectue régulièrement sur scène. Toutefois, Max et Stéphane composent beaucoup et pour des raisons de coût choisissent de ne sortir que quatre compositions originales. « Tu n'entrais pas en studio et enregistrais comme aujourd'hui… Cela coûtait très cher pour nous à l'époque et c’était compliqué à faire… Donc les reprises sont restées au stade de démo de répète et on les jouait en live principalement ». Pour autant, Merciless enregistre quatre titres en une seule journée de studio, de quoi permettre aux musiciens de pratiquer le tape-trading, courant à l'époque pour se faire connaître.
Regard vers le passé – Visions from the Past (1989)
Avec Visions From the Past, le propos du groupe délaisse toute influence heavy et se concentre sur un thrash plus direct, toujours plus orienté vers le death, comme en témoigne le chant de Max bien plus grave que sur la démo précédente. La mise en son reste tout à fait correcte, bien qu'elle sonne un peu plus étouffée que sur Immortal Harmonies. Mais on ne peut que saluer le fait que le quatuor propose quatre nouveaux titres (et aucun issu de la démo précédente), ainsi qu'un jeu plus maitrisé en tout point. Boris Mandavis propose même un solo de basse sur le morceau titre, fait suffisamment rare à l'époque pour être aujourd'hui souligné.
Le propos est plus extrême que sur la démo précédente : la batterie de Gérald Guenzi tabasse à tour de bras, tandis que les riffs (« Perfect Mind » en tête) sont en adéquation avec les influences nouvellement digérées par Stéphane et Max, le premier ayant travaillé ses soli, et n'ayant rien à envier aux autres formations du genre à l'internationale comme Sepultura. Rien d'étonnant donc à ce que Merciless parvienne à écouler 1000 exemplaires de la démo de Visions From the Past, principalement grâce au tape-trading.
Du death jusqu'à la nausée – Vomiting Nausea (1990)
Un an après, la troisième démo du groupe voit le jour, avec un line up inchangé et quatre nouvelles compositions inédites. Il ne faut pas se fier aux arpèges et aux guitares harmonisées qui ouvrent « Another Desolation », le quatuor a toujours la rage. De plus, Merciless bénéficie d'une bien meilleure production sur cette troisième démo, où le chant de Max est toujours plus grave, ancrant définitivement le groupe dans le death metal.
Le quatuor qui a donné plusieurs concerts sonne encore mieux que sur les deux démos des débuts, avec des riffs et des soli précis (« No Theory »). De quoi taper dans l'oeil des professionnels de la scène et notamment du patron du label Jungle Hop, initialement spécialisé dans le hardcore, qui propose un deal au groupe en vue de sortir un premier album. De plus, le nom de Colin Richardson, producteur renommé du style qui a notamment travaillé avec Carcass, est évoqué. Vomiting Nausea est donc la porte d'entrée vers le premier opus du groupe, Abject Offering. Pourtant, avant que ce dernier ne voie le jour, Merciless est frappé par deux coups durs : le départ de Boris, son bassiste, qui ne s'imagine pas poursuivre l'aventure à ce stade, et une menace de procès de la part de Merciless, groupe suédois homonyme qui voit d'un mauvais œil l'arrivée des Français sur la scène internationale.
Pour ce dernier point, Max nous confie que cela a été dur « à digérer seulement pendant quelques jours car on a fait le changement juste au moment de sortir le premier album… donc finalement cela ne nous a pas trop affecté. Et en plus, on a quand même gardé le nom puisque nous avons seulement changé une lettre. D’ailleurs, ça a fait chier le groupe suédois, même si je ne l’ai appris qu’après ».
De Merciless à Mercyless, il n'y a qu'une lettre, mais si aujourd'hui le groupe alsacien est incontournable lorsqu'il s'agit d'évoquer le death metal old school, leurs homonymes suédois restent cantonnés à l'underground, n'ayant sorti que quatre albums, et plus un seul depuis 2002. Car Abject Offering (1992), en dépit d'une distribution tardive (près d'un an après son enregistrement) et Coloured Funeral (1993) sont aujourd'hui des petits bijoux du style, forgés à grand coup de live, de démos et de travail durant une période bien particulière : celle des années Merciless.
Mercyless – Unholy Chapters The Merciless Years
Sorti le 15 septembre chez Dolorem Records
Ce dossier flashback a pu être réalisé grâce au concours de Max Otero, ainsi que du livre Enjoy The Violence, co-écrit par Sam Guillerand et Jérémie Grima (Zone 52 Editions).
Photo promotionnelle : DR // Photographies Live : © Watchmaker
Tracklist :
Another Desolation
No Theory
Pits of Silence
Vomiting Nausea
Visions from the Past
Perfect Mind
Unholy Chapters
Paralysis
Sudden Death
Hades
Intent to Kill
The Last Days of Christianity
Sudden Death