L’interview Destiny de Bob Riddim.
Destiny est une des derniers réalisations sur lequel l’empreinte de la légende Lee Perry sera gravée. Produit par le canadien Bob Riddim. La Grosse Radio a saisi l’opportunité d’échanger avec le producteur de ce projet. (On place une spéciale pour Musical Impact au passage)
Voici une interview que l’on vous invite à découvrir.
Bonne lecture.
On découvre Bob Riddim - Producteur du projet Destiny
LGRr : Salut Bob. Enchanté de pouvoir échanger avec toi. On va discuter de Destiny, l’album que tu nous as présenté récemment. Tu collabores avec Lee Scratch Perry mais pas seulement ! Destiny est certainement un des derniers projets ou la légende Perry s’exprimera. Ce projet rassemble l’ancienne et la nouvelle génération du reggae et on va aussi essayer de te découvrir un peu plus.
Est-ce que tu peux te présenter aux auditeurs en France ?
Bob Riddim : Salut, ça fait plaisir. Merci de me laisser m’exprimer sur votre média.
Oui, ça fait pratiquement une vingtaine d'années que je fais de la musique. Je travaille dans plusieurs genres puis dans les dernières années, je me suis vraiment concentré sur tout ce qui est reggae dancehall/ afrobeat. Ce sont des musiques que j'écoute depuis longtemps, qui me sont chères et que j'aime beaucoup, qui me font vraiment vibrer. La production faut vraiment s'investir pleinement puis je ne me tanne pas, je ne me lasse pas de faire ces musiques là. J'adore ça, je réouvre mes sens, je réécoute mes sons. Puis j'adore travailler dans ce type de musique là. C’est pour ça que j'ai pris cette voie-là. J'ai collaboré avec plusieurs artistes de renom de partout autour du monde, puis honnêtement je me sens très chanceux et béni de toutes ces collaborations-là, de toutes ces supers projets sur lesquels j'ai réussi à travailler
La collaboration avec Lee Perry
Comment est née cette collaboration avec Lee scratch Perry ?
Pendant la période de la pandémie, j'ai vu que Lee Scratch Perry faisait des sessions studio. Il était dans le secteur de Negril à ce moment-là. Je l'ai contacté, puis je lui ai envoyé des riddims. La collaboration s'est vraiment faite naturellement. J'ai l'impression que ça l'a vraiment inspiré parce que sur certaines chansons, il m'a envoyé plusieurs versions. On n’a malheureusement pas eu la chance de se rencontrer physiquement mais on s'est rapproché. On a passé de plus en plus d'appels, d'échanges, puis on a construit 2 chansons. A la seconde chanson toute l'équipe a vraiment senti qu'il y avait quelque chose de spécial, qu’il y avait une couleur, une vibe spéciale sur ce projet là C’est à ce moment qu'on a décidé de créer un album.
Donc tu lui as envoyé des riddims, il posait dessus et toi derrière tu mixais ?
Exact je faisais le mixe. Parfois, il fallait aussi contacter un deuxième artiste pour compléter la chanson. En fait tout l'aspect production/arrangement/mixe…Vraiment partir des prises sonores et des riddims que j'avais fait à l'avance, puis vraiment compléter pour obtenir la chanson finale.
Les titres du projet de Destiny
Comment ont été choisis les morceaux, les titres ?
Encore une fois, ça s'est fait vraiment super naturellement. J’ai envoyé des pistes, puis lui il me renvoyait des a capella sur ces morceaux. Sur certains titres, on connaissait en avance le featuring, parfois, on décidait le collaborateur après. L'idée du projet c'est vraiment la rencontre de la légende Lee Perry avec la nouvelle génération d'artistes reggae. C’est cette rencontre là sur des riddims modernes qui créent vraiment le son unique de ce projet-là.
Comment s’est fait le choix des featurings ? Par rapport au morceau, par rapport à ce qui pouvait amener avec Lee Perry, sur tes riddims ?
Un mélange de tout ça. Il y a des collaborateurs qui me sont proches, d’autres avec qui j’ai déjà travaillé. Lee Perry, c'est un homme qui avait vraiment une vision. Il voulait que cette vision-là soit respectée sur ce projet puis qu'on prenne vraiment un tournant moderne ensemble. Encore une fois ça s'est décidé dès les premiers morceaux.
Destiny feat Evie Pukupoo ‘AhPuku’
On retrouve donc Evie 'AhPuku' Pukupoo sur Destiny ?
Evie Pukupoo, le gars qui est sur la chanson-titre “Destiny”. C’est un ami de Lee Scratch Perry, donc ça s’est fait tout naturellement. C'est le deuxième morceau qu'on a fait ensemble. Tu sais, Lee Perry avait son mot à dire sur le choix des collaborateurs. On en parlait, on en discutait, puis c'est ça ! On voulait vraiment des gens avec une vision nouvelle, de jeunes artistes qui représentent cette nouvelle génération d'artistes de Kingston. C'était beaucoup de discussions, beaucoup d'échanges. Pour organiser tout ça, on s'envoyait des messages vocaux vu que tout le monde était à distance pour vraiment créer la chanson en synergie. Même si on n’était pas tous dans le même studio en même temps, je pense qu'au final, on a bien relevé le défi. Parce qu'on sent vraiment cette unicité, cette énergie, que tout le monde va dans la même direction.
L’empreinte Lee Perry
Sur Destiny, tu rassembles la légende. On sent vraiment sa patte avec un savoureux mélange de musique actuelle. On y entend pleins de petits bruits, des bruitages à la Lee Perry. Tu t’es efforcé de véhiculer cette empreinte là justement ?
C'était vraiment cette idée de rencontre dans toute la production qui m'animait. Tu sais, je sentais vraiment…Même quand j'ai complété l'album après que Lee est décédé. Tu sais, les derniers éléments de mixage, les derniers choix, je sentais vraiment sa présence et son influence tout au long du processus. J’ai vraiment essayé de respecter cette ligne et cet esprit-là qu'on s'était donné. De mettre de la modernité mais en même temps…On veut sentir l'aspect dub, l'aspect Lee Perry, l'aspect un peu fou, très coloré, éclectique, excentrique tu sais.
C’est très réussi
Merci beaucoup
Sur des morceaux, on essaie un peu de sortir de la boîte avec des morceaux qui sont reggae, d’autres morceaux qui sont dub ou comme sur “Space Echo” : Entre les 2 types de morceau. Qui est complètement éclaté, qui fait 7 min, il y a de la poésie, il y a un long solo, il y a une portion dub, y a de tout. Avec toute l'équipe, on se disait que ça reflète vraiment ce que Lee Perry était, puis ce qu'il veut laisser comme héritage.
Le travail avec Lee Perry sur Destiny
C'est comment, travailler avec Lee Perry ?
C'est Ben… Je vais y aller avec une anecdote : Le premier morceau en fait. Encore une fois, c'est un homme qui a sa vision à lui, qui bosse selon ses idées et ses règles. Le premier morceau en fait, moi j'avais l’impression qu'on ferait un morceau dub tu sais. Dans mon échange par courriel, j'avais fait une base de riddim puis j'avais envoyé plein de pistes, d'idées ou de directions. C'était vraiment complet et étoffé comme courriel. Lee Perry m'a seulement renvoyé des voix. Pas de commentaire, pas de… C'est un peu ça, c'est un homme qui a sa vision, il y a son domaine, son focus à lui puis il suit son cœur, il suit sa voix. Moi je trouve que c'est extraordinaire, c'est une inspiration.
Très spontané, inattendu. Il est à son image, une légende ! Et il est complètement dans l'air du temps en fait, Lee Perry, c’est un avant-gardiste.
Exact, mais tu sais, encore une fois, c'est mon avis, mais c'est beaucoup dans les retours que j'ai eu également. Je crois que sur ce projet là, il était réellement inspiré tu sais. Par les nouvelles sonorités, les nouvelles…. Ce n’est pas des riddims avec lesquels il avait travaillé auparavant. Ces poésies sont vraiment profondes. En fait, j'ai été agréablement surpris à chaque fois que je recevais les pistes. C’est incroyable ; un homme de 85 ans aussi inspiré, c'est une bénédiction
“Police and Thieves” feat Xana Romeo
On va parler un peu plus des morceaux et approfondir un petit peu si tu veux. “Police and Thieves”, pourquoi avoir repris ce titre ? Rappelons que Xana Romeo est en featuring sur ce morceau.
C'est lui qui avait l'idée de faire “Police & Thieves”. J'ai refait un Riddim inspiré de la version de Junior Murvin mais en version moderne. Lee, il est arrivé avec cette espèce de bridge puis ce long verse. C'est encore une fois très inspiré. L’idée venait de lui, il avait en tête de refaire “Police and Thieves". Xana Roméo apporte une dimension supplémentaire à ce titre légendaire.
“Black” feat Kabaka Pyramid
Kabaka Pyramid sur “Black”. C’est un des représentant du reggae revival.
Voilà exact. C’est Lee Perry et sa femme qui m'ont parlé d'avoir une des figures importantes du courant reggae revival. C'est une des dernières chansons qu'on a faites. Kabaka Pyramid, on peut dire que c’est comme un peu la cerise sur le Sunday. C'est vraiment un des représentants de ce mouvement-là qui est venu comme sceller le projet. C'est une chanson que je suis vraiment content d'avoir sur le projet. Elle ajoute beaucoup de profondeur, elle ajoute beaucoup de couleurs. C'est Lee Perry qui est arrivé avec l'idée, avec son verse en premier sur “Black” puis Kabaka, il a emmené ça à un autre niveau en ficelant tout l'ensemble par son flow.
Infinity feat Yaadcore
Yaadcore, j’aime beaucoup sa voix, sa vibe.
Ouais moi aussi vraiment. C'est un gars avec qui je collabore depuis un moment déjà. Quel talent puis quelle voix !! Il a une façon de s'exprimer, un flow qui est différent. Il est comme sur un autre rythme que les autres chanteurs et vraiment son talent est unique. C’est un gars super agréable. Toutes les chansons avec lui c'est ça. Ce sont des pièces qui me donnent des frissons à chaque fois. Je suis chanceux de collaborer avec ces artistes incroyables.
“Ring Pon My Finger” feat Blvk H3ro-Leno Banton-Wayne J
Blvk H3ro -Leno Banton et Wayne J sur “Ring Pon My Finger”.
On l'appelle Black Hero. Il l’écrit comme ça. Blvk H3ro, Wayne J puis Leno Banton, ce sont des gars avec qui je collabore depuis un bon moment. C'est vraiment comme ma famille musicale. On se parle pratiquement toutes les semaines. On a beaucoup de collaboration ensemble, des projets ensemble, on s'aide, on échange beaucoup. C'est encore une fois très naturel en termes de collaboration.
Lee Perry était comme excité par cette collaboration. Ce sont des artistes qu’il connaissait peu, dont il avait déjà entendu parler et il trouvait justement qu'ils étaient vraiment dans ce rôle de la relève. C’est vraiment quelque chose qui animait Lee Perry. Pour cette chanson, Blvk H3ro justement m'envoyait des idées pour le verse à Lee Perry que je lui faisais suivre. Il y avait beaucoup d'échanges entre les artistes, c'est vraiment trippant. Je pense que l’on a réussi à faire quelque chose d'unique, de vraiment savoureux. On a une espèce de touche un peu plus hip/hop, un petit peu plus dancehall par moment sur le morceau. Ça aussi, c'est fun, ça fait moderne et en même temps on respecte toute l'idée Lee Perry. Avec des effets dub, des espèces d'effets un peu bizarres par moment et ça fait un bel amalgame.
“Infinity Dub” feat Addis Pablo
Addis Pablo et son melodica.
Addis Pablo même chose. Ça faisait un moment que je le connaissais. Tout de suite, le projet l'intéressait. Il m'a envoyé des grandes…Il m'a envoyé des bonnes prises de mélodica. Dans la conversation entre le saxophone, le mélodica et le riddim, je trouve vraiment qu'il y a quelque chose d'unique, de magique qui se passe.
L’héritage de Lee Perry
Quel enseignement as-tu tiré de cette collaboration avec Lee Perry ?
Cette collaboration en fait, je pense que c'est plus dans l'ensemble de l'enseignement Lee Perry. Vraiment tu sais ! Assumer les choix artistiques, pousser chaque idée au maximum, aller plus loin, foncer sans hésiter. C'est vraiment, moi, ce que je retiens de Lee Perry, de sa vie, de son enseignement. C'est un gars qui dépasse les frontières. Tout cet aspect-là, je trouve ça super intéressant : Y aller sans hésitation ! Je trouve que c'est ça qui crée quelque chose de nouveau, de moderne, d'excitant dans la musique.
La sélection de Bob Riddim aux Grammy Awards
Tu as été sélectionné au Grammy Awards. Est-ce que tu peux nous raconter cette expérience ?
Absolument. C’est une chanson avec Rocky Dawuni et Blvk H3ro justement. L'an dernier, c'était inattendu en fait. C'est l'équipe de Rocky Dawuni qui m'a contacté, qui m’ont dit qu’il aime beaucoup ce que je fais. Ils aiment beaucoup justement les chansons avec Blvk H3ro, le projet New Millennium. Il trouvait ça moderne, nouveau, différent. C'est comme cela que l’on a démarré avec Rocky Dawuni. A explorer dans cette dans cette direction-là. Un son reggae, un son un peu plus moderne en termes de drums, un son plus novateur.
Comme un petit peu on croise le nouveau avec ce qui s'est fait auparavant. Toute son équipe aimait beaucoup ça, Rocky il est arrivé avec une chanson sur laquelle il est super inspiré puis Black H3ro est arrivé à la fin. Ils ont enregistré ça ensemble en Californie. Rocky, c’est un petit peu plus comme un père du reggae si on veut avec H3ro qui est plus de la nouvelle génération. Cette rencontre des flows, cette rencontre des idées crée quelque chose de super moderne, de super excitant, de super trippant. Visiblement les gens des Grammys l'ont senti aussi. On est vraiment fiers, on est vraiment content d'avoir été nominé pour ce prix-là.
La réalisation de Destiny
Bravo, c’est mérité ! Est-ce que réaliser Destiny a été différent des projets que tu fais d'habitude ?
C'est sensiblement le même travail que je fais d’habitude. La grosse différence, je dirais que c'est peut-être le nombre de collaborateurs sur ce projet. Il y a beaucoup de collaborateurs par rapport au fait qu'on voulait la rencontre avec la nouvelle génération. Il y a plus d'échanges. C’est pour ça aussi que ça a pris un certain moment avant de compléter complétement le projet. C'est surtout cet aspect là qui est différent de mon travail habituel.
Les futurs projets de Bob Riddim
Tes projets à venir après Destiny ?
En fait, j'ai plusieurs projets mais je ne peux pas donner de noms de suite. J'ai beaucoup de choses justement avec la nouvelle génération d'artistes reggae. J'ai des projets dans l’afrobeat, j'ai des projets dans le dancehall également. J’ai beaucoup de choses qui arrivent mais je ne peux pas encore donner de nom.
Est-ce que tu vois d'autres choses à rajouter sur le projet Destiny ?
J’ai l'impression qu'on a fait le tour. Je suis content que ça touche les fans de reggae. Tu sais, moi c'est mon premier objectif : Que ça rejoigne les chaînes de reggae de partout dans le monde. Aujourd'hui il y a tellement de musique qui sort, je suis vraiment content qu'on réussisse à vous rejoindre en France.
Le reggae au Canada
Tu me disais que le reggae au Canada ce n’est pas vraiment un gros mouvement mais que la scène revival avait peut-être une place un peu plus importante. Tu peux nous parler un peu de ce qui se passe au Canada ?
C'est ça. Tu sais moi je travaille peu localement, pratiquement pas en fait. Je travaille seulement avec quelques artistes ici. D'ailleurs Big up Neto Yuth qui est un des gros artistes canadiens avec qui je travaille. Sinon effectivement la scène est un peu clairsemée. Ce sont des petites factions mais il n’y a pas de mouvement unifié ou en tout cas pas pour le moment. Je sais que Toronto ce n’est pas si mal, je sais que Montréal ce n’est pas si mal mais moi je suis vraiment isolé dans le dans le nord de la ville de Québec dans les montagnes. Tout mon travail se fait à distance et puis justement encore une fois j'ai eu la chance de travailler avec les gens du mouvement reggae revival.
Sa façon de faire de la musique
Et moi je me suis concentré à la base à amener quelque chose en termes de qualité, faire des chansons qui sonnent bien, faire des mixes qui sonnent bien. Il faut travailler quand il y a une espèce d'énergie, puis une espèce de facilité. J'envoie mes riddims aux gens, s’ils sont vraiment inspirés, ils me renvoient les voix rapidement. C'est excitant, c'est inspirant, c'est bon !! Je veux dire, on y va dans le mouvement, ils vont où ça fonctionne en fait. J'essaie d'amener quelque chose aux gens avec qui je travaille. C'est-à-dire : Faire des chansons de qualité, faire des chansons qui sonnent bien, du bon mix puis sortir des chansons où je peux avoir un bon rayonnement.
Merci Bob
Merci à La Grosse Radio
