All Is One : entre simplicité et recherche
Orphaned Land opère son retour avec son cinquième album studio : All Is One. Avec un titre cette fois plus explicite sur sa volonté de faire un pont entre les peuples et les cultures, le groupe israélien est reconnaissable mais change quelque peu sa forme. Si les chansons sont moins longues et plus directes, la multiplicité des influences et l’aspect progressif sont toujours présents, comme la virtuosité des musiciens, toujours au service des compositions et non des individus. Une réussite de plus pour le groupe.
All Is One, ce sont trois mots qui synthétisent le concept et le message que tente de diffuser Orphaned Land depuis plus de 20 ans. Le groupe tente d’unir les peuples malgré les différences ethniques, religieuses et politiques. Si ce message a été de plus en plus explicite depuis leur deuxième album, El Norra Allila, les Israéliens ont franchi une autre étape avec un titre d’album et une pochette plus explicite, ainsi que des chansons et des paroles qui vont dans ce sens.
Ainsi, Kobi Farhi, chanteur et parolier du groupe, ne s’encombre plus d’une histoire et de personnages uniques. Les chansons sont toujours liées entre elles, mais de manière plus abstraite, à travers des histoires qui mettent en scène des situations liées au concept. Interviewé par la rédaction, le frontman prend pour exemple "Brother", chanson qui parle d’Isaac et Ismaël, les deux fils d’Abraham dans la Bible. Selon lui, "Les Juifs pensent qu’ils descendent d’Isaac et les Arabes d’Ismaël. Donc, quelque part, ils sont tous frères". Un parallèle est fait la chanson suivante, "Let The Truce Be Known", avec deux soldats se rencontrent, combattent et s’entretuent.
Ces deux chansons mettent en avant un aspect tragique récurrent à travers All Is One, résumé à travers la phrase "We fail to see that all is one" qu’on retrouve au début de l’album, dans le morceau-titre, et à la fin, dans "Children". Kobi explique qu’il devient "de plus en plus amer" et le montre bien dans le titre "Fail". Si sa structure étrange et son aspect fourre-tout peut laisser un arrière-goût d’inachevé, le texte laisse bien transparaître la colère et le désespoir qui émane de l’ensemble du disque.
Cette tragédie est également exprimée à travers la musique. Ainsi, les guitares se font plus mélodiques et se fondent avec les instruments externes, notamment les violons et autres éléments orchestraux, qui prennent ici une place bien plus importante et portent les mélodies, notamment dans la ballade "Brother" ou le final magistral "Children". Aspect tragique oblige, des influences doom metal sont aussi présentes dans des mid-tempos comme "The Simple Man" ou "Let The Truce Be Known".
Si l’aspect tragique est bien présent, l’idée du "All Is One" se répercute aussi dans les compos. Ainsi, on retrouve mêlés aux instruments orientaux des chœurs d’église occidentaux, notamment dans "Through Fire And Water" et "Shama’Im". Un jeu de langues se met aussi en place, avec Kobi Farhi qui chante en hébreu, Mira Hawad, chanteuse palestinienne invitée, qui chante en arabe et les chœurs qui sont interprétés en latin. En plus de ces nouveaux éléments, le groupe maîtrise toujours à merveille le mélange entre metal occidental et la musique orientale traditionnelle.
Cependant, Orphaned Land a fait évoluer ses compos, en rendant l’ensemble plus direct et concis, avec un album moins long que les précédents. Ainsi, Yossi Sassi, guitariste et compositeur principal du groupe, se montre toujours aussi brillant dans ses solos, mais se montre plus direct et tend à reprendre et à tourner les mélodies de chant, notamment dans "Let The Truce Be Known" et "Our Own Messiah" afin de servir les compositions au maximum. On remarque que Chen Balbus, nouveau guitariste rythmique, se fond parfaitement dans le groupe et s’intègre à son son reconnaissable. Le bassiste Uri Zelha et le batteur Mattan Shmuely font toujours des merveilles dans leurs instruments respectifs. Le premier s’offre même quelques leads bien sentis dans "Our Own Messiah".
S’il a quelque peu revu et simplifié sa formule, Orphaned Land reste lui-même, un groupe qui fait un pont entre les cultures et les peuples. Son message est inchangé, il est même exprimé encore plus fort avec All Is One, un album qui mélange utopie et réalité comme il mélange l’orient et l’occident. Une fois de plus, le groupe montre qu’il peut évoluer tout en gardant l’étendue de son talent, qui n’est désormais plus à prouver.