Les Gros Émergents de décembre 2023

Quoi de mieux qu'une jolie playlist metal pour animer les longues soirées d'hiver ? Découvrez notre sélection des Gros Émergents Metal : notre rédaction y met à l’honneur quelques formations émergentes qui lui ont tapé dans l’œil (ou plutôt dans les oreilles). Nous espérons que cette mise en lumière permettra à des groupes passionnés et de qualité d’obtenir l’exposition qu’ils méritent, car ils sont la preuve de la richesse et la diversité de notre scène musicale. Bonnes découvertes !

Helga – Wrapped in Mist (post / folk / prog)

Pour son premier album, le groupe créé autour de la vocaliste Helga Gabriel parle de mortalité, de santé mentale, dans un registre sombre et aérien mêlant folk, dark rock et metal progressif. Difficile de résister à cet appel de la nature, perceptible dans les sons organiques des percussions et cette lenteur contemplative évoquant un genre de rituel, agrémenté d’une énergie et d’une fraîcheur toutes modernes. La nature est invoquée, célébrée, audible jusqu’à la pluie dans "Wrapped in Mist", ou à travers les arrangement fluides voire aquatiques de "Water".

Les somptueuses mélodies sont portées par le timbre aérien, éthéré de la frontwoman, souvent souligné d’harmonies pour un effet ensorcelant. Ses lamentations, murmures introspectifs et hurlements organiques trouvent un écrin idéal dans le jeu subtil des percussions, des cordes fantomatiques et des riffs inspirés de Cai Sumption et Cameron Gledhill. L’identité folk repose sur le jeu des cordes, soit en introduction soit en dialogue avec le chant dans les refrains plus rythmés.

Les influences fusent, maîtrisées et variées, et si certains riffs plutôt durs lorgnent du côté prog moderne pour accompagner le chant délicat ("Skogen mumlar"), on retrouve également un beau groove et des moments de calme immersifs ("Burden") voire du rock progressif, contemplatif et mélancolique ("Alive Again"). Helga impose encore plus son identité dans les deux pépites "Farväl" et "Som en trumma", associant la langue suédoise à des incursions franchement black metal se fondant parfaitement avec les mélodies envoûtantes et les passages plus atmosphériques. Helga signe ici un premier effort tout en nuances, aussi immersif que captivant.

Chronique : Julie L

A.M.E.N. - The Book of Lies - Liber I (metal extrême - jazz metal)

Messe noire et clarinette ... On revient sur la sortie d'une pépite chez I, Voidhanger records, en juin dernier : The Book of Lies - Liber I, premier opus de A.M.E.N. Portée par un hyperactif du métal extrême underground italien, Vittorio Sabelli (Dawn of a Dark AgeIncantum et Notturno), multi instrumentiste sympathiquement siphonné, cette formation a décidé de mettre en musique l'œuvre d'Aleister Crowley, monument de l'occultisme moderne et de l'ésotérisme.

Et c'est à travers seize titres assez courts (un peu plus de 35 minutes au total) que nous découvrons cette réécriture surprenante de The Book of the Law, par le biais d'un extrême black jazz metal, où une clarinette aussi inattendue qu'omniprésente, instrument fétiche de Sabelli, blaste puis riffe, puis chante. La technique et l'équilibre qui composent la musicalité de cet album est un régal à faire trainer dans toutes les oreilles de mélomanes curieux.
Complètement décalé, mais assurément obscur, A.M.E.N nous emmène aux confins du grand guignol, swinguant sur les borborygmes et les cris de Matteo Vitelli, qui scande les textes de Crowley avec une verve propre aux messes noires réussies. La voix superbement atypique de la chanteuse Erba Del Diabolo inaugure quant à elle l'album avec "The Sabbath of the Goat", nous évoquant une Björk hallucinée qui basculerait soudain du côté obscur de la Force.
Le label I, Voidhanger records, friand de formations virtuoses underground, compare ce bijou du bizarre metal à l'oeuvre de John Zorn, pour notre part, il nous évoque l'enfant maudit de Watain et de Pensées Nocturnes. Pour ceux qui veulent du nouveau dans de l'ancien, de la qualité musicale dans du chaos de genre, jetez vous sur ce disque (et lisez Crowley !).

Chronique : Fri

RüYYn - Chapter II : The Flames, the Fallen, the Fury (black metal mélodique)

Après un premier EP sorti en 2021 décrivant la noirceur d’un monde post-apocalyptique, RüYYn présente aujourd’hui Chapter II : The Flames, The Fallen, The Fury, son premier album studio. Dans ce nouvel effort, le multi-instrumentiste français RxN propose une sorte de prequel thématique au premier EP et évoque la folie du monde le menant progressivement à sa perte. La direction musicale sur ce nouvel opus confirme d’abord une identité sombre et froide propre au black metal à la Gorgoroth.

Les ambiances se font agressives et sinistres ("Part I", "Part III"), dépeignant toute la déchéance de ce monde moderne par des déferlements de violence à peine tempérés par des ralentissements funestes ("Part V"). Lugubre ne rime pas pour autant avec monotone, car des textures riches des mélodies et des notes de groove s’invitent dans les titres ("Part IV") avec, notamment, les lignes de basse présentes et affirmées. Le chant se fait inquiétant, imposant ("Part I", "III", la fin de "Part VI"), et certains passages de chœurs créent un effet solennel et mélodique (Parts "VI", "II").

La richesse de l’album réside surtout dans l’exploration de sonorités et ambiances riches et variées, sur certains morceaux qui ressortent. Des passages contemplatifs, presque ambients, font irruption dans le single "Part II" par exemple, où guitare lead et basse rivalisent de virtuosité sur des lignes mélodiques, mettant en place une sorte de groove atmosphérique avant l’explosion finale, qui n’est pas sans rappeler Mgła . "VI" est plus rythmée, avec un côté très mélodique dans le jeu des guitares, riche et texturé, et même quelques lignes de claviers plutôt seventies avant un retour à l’agression dans la deuxième partie.

L’ensemble fonctionne extrêmement bien, la noirceur du propos s’exprimant par des compositions froides mais dynamiques, une technique impeccable et une réalisation solide et propre (peut-être un peu trop pour le genre, diraient les puristes). De quoi faire oublier que Chapter II : The Flames, The Fallen, The Fury est un premier album, et l’œuvre d’un seul homme. Rien d’étonnant, en somme, que cette belle découverte soit présentée par le label Les Acteurs de l’Ombre

Chronique : Julie L



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