Torem, dernier opus de Nytt Land, voyage shamanique jusqu’au bout de la nuit

Les sorties d'album sont tellement nombreuses chaque année qu'il nous arrive de passer à côté de très beaux albums. Alors, pour commencer 2024, nous avons voulu, une semaine durant, faire un focus sur des albums de 2023 que nous n'avions pas eu le temps de traiter.

En 2023, Nytt Land, le fameux duo sibérien emblématique du pagan folk, a fêté ses dix ans, et a sorti pour l'occasion son neuvième album : Torem.

Le couple à la vie comme dans nos oreilles Natalia/Baba Yaga et Anatoly Pakhalenko a encore frappé cette année, et pour fêter cette décennie de bons et loyaux services envers et pour le folk/pagan metal, le neuvième album de Nytt Land, Torem, s'offre à l'écoute des fans d'Heilung, de Wardruna ou Runahild.

Après Ritual : Blood of the West dans lequel Nytt Land avait exploré des sonorités issues d'autres continents et époques, c'est un retour aux sources sibériennes et c'est encore chez Napalm Records que les deux musiciens ont sévi pour cet opus de 45 minutes. Ce dernier retrace le voyage spirituel d'un shaman à travers les trois mondes de la cosmogonie nordique.

Pour les amateurs du genre, ici, tous les critères sont atteints. Les instruments traditionnels, sculptés dans le bois ou dans l'os, telles la talharpa ou les flûtes, viennent enrober d'un son chaud les motifs vocaux graves de chants diphoniques et gutturaux. Les tambours shamaniques et les guimbardes structurent le tout dans des "carrés" répétitifs, comme dans les chants de transe des tribus du mont Altaï, organisant avec brio un kaléidoscope phonique et hypnotisant. La voix claire et chantée de Baba Yaga, les chuchotements et autres cris d'animaux peuvent alors être mis en avant et raconter les légendes d'avant en provoquant des chairs de poule aiguës. Les quatre clips déjà sortis par le groupe sur cet album, "Nord", "Huginn ok Muninn", "Johem ar" et "Rise of Midgard", confortent visuellement le caractère extrêmement païen, le rapport à la nature et à d'autres mondes, empreints de mythologies nordiques et scandinaves.

Nytt Land ne laisse pas grand-chose au hasard et le groupe emmène l'auditeur dans un voyage spirituel, celui du shaman. Telle une transe, on débute l'album comme on le termine : avec les bruits d'un feu qui crépite, des sons d'animaux, de bois qui craque. Ce sont les deux parenthèses du départ vers l'au delà et son retour, à travers les trois mondes si chers à toute pratique shamanique (le monde d'en bas, celui du milieu, et celui d'en haut pour résumer très très fort).

Et au milieu, le voyage s'effectue à travers quelques récits symboliques. Dans "Huginn et Muninn", c'est avec le texte en vieux norrois de l'edda de Snorri que Baba Yaga rappelle que les deux corbeaux d'Odin partent à l'aube parcourir les neufs mondes pour rapporter chaque lendemain matin à leur maître ce que leurs yeux ont vu, comme ce que le shaman voit lors de son voyage intérieur. Dans "Rise of Midgard", le monde des Hommes qui a été bâti à partir du cadavre d'Ymir, le premier géant, tué par Odin et ses frères, s'élève pour une ère prospère, en attendant sa chute prophétique : le Ragnarok.

Torem signifie littéralement "Grand Ciel" dans un dialecte autochtone Sibérien, et c'est un apaisement spirituel, comme une plénitude enfin atteinte avant le retour dans l'enveloppe charnelle. C'est donc avec un travail avancé sur les langues anciennes, les cultures nordiques et autochtones que Nytt Land fait danser autour du feu, la nuit. Peut être saurons nous y voir l'appel tant attendu de l'éveil des consciences, pour ne pas regarder sombrer le monde tel qu'il leur semble aujourd'hui...