La RTBF nous avait prévenu que l’interview serait filmée pour une de leurs émissons. Mais sur place, aucune caméra. Je demande où est passé le staff. “Ils sont parti tourner d’autres images pour le moment, mais ils nous dit de garder nos micros !” La RTBF, potes avec Obama ? Le groupe nous fait la bise “Ca va bien?”, nous propose à boire. Devant cet accueil, on s’échange un regard avec la photographe. Romain Descampe branche sa basse et joue quelques notes. Le batteur jette un oeil à mon carnet de note, mon dictaphone et comprend qu’on vient faire une interview. Ils ont du nous prendre pour des lointaines connaissances “je-me-souviens-plus-qui-c’est-ce-mec-mais-si-je-le-montre-ça-craint-non?” Non pas que le rôle du pote me déplaise. D’ailleurs, on a finalement bien bavardé, comme des potes.
Il y a deux ans, vous jouiez au Main Square Festival à la même heure… mais sur la petite scène.
Matthew Irons [chant] : Ouais, c’est énorme ! Aujourd’hui on joue notre plus gros festival français. Pour nous c’est un grand honneur. Comme d’habitude, on va faire au mieux pour s’amuser et que le public passe un bon moment.
Je vous ai vu au Pinkpop Festival, aux Pays-Bas en juin. Vous passiez le midi sur la petite scène. Comment votre musique évolue en Europe ?
Matthew : Ca commence tout doucement… On a pas mal de dates prévues en Hollande cet automne. En Allemagne, ça démarre aussi avec les passages radios. Puis il y a la Suisse, le Luxembourg, la France… On a toujours progressé lentement, en prenant le temps de constituer des équipes solides avec des gens qu’on aime bien. Et là, on s’exporte de plus en plus.
Vous jouez énormément en festival cet été. C’est l’occasion de côtoyer d’autres groupes. Certaines rencontres vous ont marqué ?
Matthew : Moi, j’ai eu l’occasion de rencontrer Saul Williams, à Cannes, qui est un mec pour qui j’ai énormément de respect. À la base, c’est un slammeur qui écrit des textes hallucinants ! On a aussi pu passer du temps avec Rodger Hodgson, le chanteur de Supertramp. On jouait sur la même affiche, et lui est venu nous parler en disant qu’il trouvait notre musique super cool. On l’a recroisé trois ou quatre fois, et à chaque fois tu te dis : “Ouah, ce mec c’est une légende, et il vient nous parler !”. Pareil pour Roger Glover de Deep Purple, qui était venu pendant une de nos balances dire qu’il aimait notre musique. Donc tu vois, c’est le monde à l’envers ! C’est plutôt nous qui devrions aller vers eux, à la base ! C’était de très très belles rencontres. Et c’est souvent les gens qui ont les carrières les plus impressionnantes qui sont les plus sympas ! Et ça, c’est une vraie leçon de vie.
Romain Descampe [basse] : On fait aussi de belles découvertes live. Par exemple hier, on a vu un SUPER groupe au festival La Nuit de l’Erdre (Loire Atlantique), qui s’appelle Hyphen Hyphen. C’était extra, une bonne claque ! C’est un groupe de jeunes français, ils viennent de Nice. Il faut en parler !
Le groupe Puggy (©Elise Schipman)
Ces rencontres, ça a commencé avec Incubus. Une histoire de festival et d’incendie… Vous pouvez la raconter rapidement ?
Matthew : Allez Ziggy, tu vas la raconter celle-là ! Tu parles pas beaucoup aujourd’hui.
Egil “Ziggy” Franzèn [batterie] : Bof, non…
Romain : C’est bon, j’y vais ! C’est une histoire qui a été fort médiatisée, surtout en Belgique. En 2007, on jouait au festival Couleur Café. On venait de sortir notre premier disque - Dubois died today, peu connu en France d’ailleurs - et on passait super tôt, le midi. Le concert se termine, et tout à coup un incendie se déclare et tout le public est évacué. Puisque c’était un festival assez important, ça a été retransmis aux informations à la télévision. Et pour illustrer, il n’avaient que nos images puisqu’on était les seuls à avoir joué ! Au même moment à Werchter, il y avait Incubus dans leur chambre d’hôtel qui voyait ça à la télévision. Ils ne comprenaient pas l’information parce que c’était écrit en français, mais ils nous voyaient jouer en boucle toute la journée. Et ils se sont dit “On les voit tout le temps, ça doit être connu ici. En plus le mec joue bien de la guitare, c’est cool.” Ils nous ont alors envoyé un mail demandant si “à tout hasard”, on serait disponibles pour tourner avec eux. Au début, on croyait que c’était une blague, on a répondu. Et au final, c’était pas une blague et on a eu deux mois pour organiser une tournée. C’était clairement magique et ça a vraiment lancé notre carrière.
Matthew : C’est ce qui nous a fait découvrir en France ! Car on a pu rencontrer d’autres gens, ce qui nous a mené à faire la première partie des Smashing Pumpkins à Bercy. Au final, on a fait beaucoup de premières parties un peu partout dans ce pays, c’est comme ça qu’on a commencé à avoir du succès ici.
Malgré ça, on trouve très peu de collaboration dans vos albums... Toutes ces rencontres, ça vous a donné des idées ?
Matthew : Eh bien, on n’est jamais à l’abri de rien ! Mais c’est vrai qu’on est très casaniers. On a tendance à travailler à trois et que à trois. On laisse très peu de gens rentrer dans notre univers. La première fois qu’on a fait ça c’était avec Elliot James, qui a produit notre dernier album. Faire rentrer une quatrième personne dans notre univers, c’était vraiment flippant, mais on savait qu’on avait besoin de le faire pour évoluer. On avait besoin que quelqu’un prenne les manettes pour qu’on redevienne des musiciens qui jouent leur morceaux et non qui les produisent. Ca a été très dur de lâcher prise là-dessus, mais ça a été la meilleure chose qu’on ait pu faire ! Et donc ça nous a peut-être permis de nous ouvrir davantage aux collaborations. D’ailleurs, sur scène il y a désormais un quatrième membre, John qui fait du clavier, des choeurs et des percussions. Ca nous permet de pouvoir aussi ré-arranger des morceaux, parce qu’on adore ça.
J’ai lu une vieille interview où vous disiez qu’il était impensable d’ajouter un membre a votre trio.
Romain : Au final, ce n’est pas vraiment un nouveau membre. On continue à tout concevoir seulement à trois, que ce soit l’image ou la musique. Les décisions ne sont prises que par nous trois.
Le groupe Puggy (©Elise Schipman)
À la base, vous venez de trois pays différents, avec des cultures différentes j’imagine. Elles sont encore là où elles ont disparus au sein du trio ?
Ziggy : Eh bien…
Romain (imitant Ziggy) : “Ah, une bonne question, je crois que je vais y répondre !”
Ziggy : Vous voyez que je parle aujourd’hui ! [rires] C’est vrai qu’on a des cultures différentes, que ce soit musicales, ou même littéraires. On a beaucoup partagé nos influences entre nous, et ça nous a beaucoup enrichi. Ca ne signifie pas qu’aujourd’hui, on écoute tous la même chose. On reste trois individus très différents, avec des goûts différents. Mais je reconnais qu’on a pas mal d’influences en commun maintenant, à force d’avoir trimé des années dans la même voiture. Je pense qu’on connaît très bien la musique cubaine, depuis qu'un CD a été bloqué dans la voiture de Romain pendant six mois.
Romain : Je pense pas que ça ait eu une influence majeure pour notre album…
Matthew : Ouais, ça a plutôt créé un dégoût ! [rires]
Ziggy : Oui voilà ! C’est pour ça qu’on ne joue absolument pas de musique cubaine.
Les passages en festival sont relativement courts. Vous avez donc fait des concessions et vous ne jouez plus du tout votre premier album.
Matthew : Ouais, même sur la tournée on n’en a joué qu’un seul. Mais on avait tellement envie de jouer le nouveau disque qu’on a casé tous les morceaux dans la setlist, et ensuite il fallait piocher dans les précédents. Certains fans sont venus me dire “Hey, mais ne jouez plus Louise" ("Chez Madame Louise", du premier album, NDLR)… et je n’avais même pas remarqué ! On avait tellement joué ces morceaux ces dernières années… Moi je trouve vraiment malheureux de se dire que tu sors un disque, et qu’il y a des morceaux que tu ne joueras jamais. Il y a beaucoup de groupes qui fonctionnent comme ça. Les Rolling Stones par exemple, dans leurs concerts ils jouent un seul morceau du nouveau disque…
Et tous les tubes…
Matthew : Et tous les tubes ! Et c’est normal, si je vais voir les Rolling Stones j’ai envie d’entendre tous les tubes. Donc je comprends. Mais c’est marrant, parce que je ne m’étais jamais fait la réflexion jusqu’à ce que quelqu’un m’en parle. Et là je me suis dit que c’était dommage, car il devait y avoir une partie du public qui avait envie d’entendre les vieux titres. Donc je pense qu’à la tournée d'automne, on fera une setlist où on mélangera tous les disques.
Romain : Il ne faut pas oublier qu’en France, notre premier album n’a jamais été commercialisé, à part sur Internet. Donc il y a moins de chance que les gens connaissent les morceaux. C’est pas évident de se dire qu’on va jouer des vieux morceaux plutôt que des chansons potentiellement connues du public. Notre deuxième album est déjà plus connu que le premier.
Matthew : Mais même le deuxième, on en joue très peu !
Romain : Oh ça va ! Un bon 40% quand même.
Ziggy : Ah bon ? Je pense qu’on en joue que 4 ou 5…
Matthew : Bah ouais, ça fait 40% de 11 titres, en fait.
Romain Descampes, bassiste de Puggy (©Elise Schipman)
Au Pinkpop, vous avez joué une étonnante reprise de Toxicity de System of a Down…
Matthew : Oui, ça arrive. C’est rare !
Ziggy : Comme on est pas connu en Hollande, on voulait faire une reprise pour que le public s’y retrouve.
Romain : Ca repose les gens, car à chaque chanson ils sont concentrés sur des morceaux qu’ils ne connaissent pas.
Vous en avez d’autres en stock ?
Matthew : On en a joué quelques unes dans le passé. On reprenait "Vesoul" de Jacques Brel par exemple. On a aussi joué des morceaux de Jimi Hendrix ou des Beatles, souvent sur des coups de tête : “Ah, ça serait cool de se faire un "Crossdow Traffic" d’Hendrix ce soir !” Donc oui, ça nous prend, mais comme on vient d’en parler, on arrive déjà pas à jouer tous nos morceaux ! Et ça reste la priorité.