Dans le monde de Dream Theater, Jordan Rudess a toujours fait figure d'exception en solo. Alors que ses comparses offrent des projets plus rares ou se concentrent sur des projets parallèles à l'image de Mike Portnoy, le claviériste aime proposer sa propre vision tout en mettant en lumière des musiciens talentueux moins connus. Ce nouvel album intitulé Permission to Fly n'échappe pas à la règle. Après un Wired for Madness qui démontrait toutes les influences de l'artiste, notamment son talent au chant, Jordan revient à quelque chose de plus prog et plus classique.
Il est toujours intéressant de se plonger dans les projets solo de Jordan Rudess tant le claviériste maîtrise son ou ses sujets. Et Permission to Fly ne fait pas exception. S'articulant entre morceaux fleuves et titres plus courts, dès le premier titre "The Final Threshold", on sent que Jordan a voulu faire preuve de plus de cohésion et élever le niveau. Wired for Madness était un album plus expérimental, plus varié, alors que ce nouvel album ressert plus son propos et globalement nous offre du prog de haute qualité. Les fans du maître ne seront pas perdus dès les premières notes avec des envolées de synthés très mélodiques qui rappellent la collaboration très réussie entre le claviériste et Rod Morgenstein au sein du Rudess Morgenstein Project. Ceux qui connaissent le travail de Jordan Rudess au sein de Dream Theater et qui critiquent ses sons assez kitschs n'auront pas grand chose à se mettre sous la dent. Encore une fois, il y a plus de maîtrise dans le sound design et moins de tentatives hasardeuses. On retrouve bien sûr son "lead" signature qui a évolué depuis quelques années, mais il est plus discret.
En revanche, la critique que l'on pourrait émettre sur les longues pistes prog, c'est cette absence de transition entre les parties, comme sur "Eternal". Le début du morceau plaira sûrement aux fans de Dream Theater mais se perd un peu dans une instrumentale à la Frank Zappa pour ensuite passer à une partie émotive, mais comme si les sections avaient été copiées collées. Pourtant ce titre reste le morceau-fleuve le plus cohérent avec notamment un solo de trompette, sûrement effectué à l'aide d'un logiciel et d'une surface tactile, assez sympa. Autre morceau très prog, "Into the Lair", sans doute le plus complexe de l'album, et même si parfois c'est un peu difficile à suivre, il y a de belles explorations en arrière-plan. En fait, il vaut mieux considérer Permission to Fly comme de la haute couture : c'est très bien fait, c'est maîtrisé, c'est technique, mais parfois compliqué à digérer et sur les morceaux de plus de 7-8 minutes, on se perd dans des instrumentales assez folles.
Même constat pour "The Alchemist" qui tend vers une atmosphère plus moderne, comme peut le proposer un groupe comme Haken. Un tel morceau révèle cependant le talent de Darby Todd à la batterie. Déjà connu pour sa collaboration avec Devin Townsend, il est d'une diversité et d'une subtilité hallucinante notamment à la charley. Un vrai bonheur de se focaliser sur son jeu grâce à un mixage de très bonne facture.
La vraie force de cet album réside notamment dans les morceaux plus courts comme "Haunted Reveries" qui invoque des ambiances à la Erik Satie avec des harmonies très complexes et un solo de guitare proche d'Allan Holdsworth. A noter que toutes les guitares ont été effectuées par Steve Dadaian qui exerce en tant que dentiste ! S'il arrache les dents aussi bien qu'il joue de la guitare, on veut bien faire le déplacement pour se faire poser un bridge. Les projets solo de Rudess sont toujours l'occasion de découvrir des perles méconnues : Bastian Martinez, guitariste chilien, intervient sur des soli, mais ce qu'on retiendra surtout c'est la voix de That Joe Payne. Les fans de prog le connaissent bien car il a fait partie du très bon groupe The Enid et il magnifie ici les compositions de Jordan Rudess. Petit bémol : un peu trop d'effets sur la voix qui cassent son authenticité.
Trois autres ballades apparaissent dans l'album et permettent de mettre en avant les talents des arrangeurs. Talents que l'on avait déjà vu sur l'album The Astonishing et qui se retrouvent sur "Embers", "Shadow of the Moon" et "Footstep in the Snow". Il y a un vrai travail d'orchestration qui rappelle les grandes heures de Broadway et qui rendent ces titres parfois meilleurs que certaines compositions plus lentes de Dream Theater.
Enfin l'album met en lumière Ariana Rudess, la fille de Jordan qui s'est occupé des paroles. Les thèmes oscillent entre story-telling fantastique, sci-fi et histoires plus introspectives. Chacun pourra trouver texte à son goût entre écriture très descriptive ou plus métaphorique.
Encore un bon effort de la part de Jordan Rudess, et même si cet album est moins pertinent dans la discographie que certains précédents, il a au moins le mérite de faire patienter les fans avant le nouvel opus de Dream Theater, et de dévoiler au monde entier des talents moins connus comme That Joe Payne ou Darby Todd.
Tracklist
1. The Final Threshold 4:08
2. Into The Lair 9:31
3. Haunted Reverie 5:14
4. The Alchemist 8:36
5. Embers 4:03
6. Shadow Of The Moon 5:29
7. Eternal 8:53
8. Footstep In The Snow 4:02
9. Dreamer 5:03
L'album est disponible depuis le 6 septembre ici, sur le label Inside Out Music.