Entretien avec Jari Mäenpää de Wintersun

A l'occasion de la sortie de Time II, le nouvel album de Wintersun, Jari Mäenpää, la tête pensante du groupe, nous a accordé quelques instants pour parler du successeur de l'opus Time et de sa sortie un peu chaotique. Nous avons pu parler de son état d'esprit à quelques jours de cette sortie importante pour le groupe finlandais et pour ses fans.

Bonjour Jari et merci de nous accorder un peu de ton temps à quelques jours de la sortie du nouvel album de Wintersun, Time II. L'attente a été longue pour les fans, alors dans quel état d'esprit es-tu ?

Justement, cette attente a ajouté une pression supplémentaire car les fans attendent cet album depuis longtemps. Mais depuis ces dernières années, j'ai été pas mal occupé entre la sortie de The Forest Seasons et les tournées. Tout ce temps d'attente a été nécessaire pour sortir ce nouvel album avec la production qu'il mérite. Mais je suis content car les fans ont réagi positivement aux différents clips.

 

Aucun single n'est sorti pour cet album. Cependant, les fans de longue date connaissent certains morceaux qui ont été joués en live. Était-ce un choix de ne rien dévoiler ?

Oui c'était un choix arrêté. J'aime quand on découvre un album en entier du début à la fin. Mais il a fallu faire des compromis et proposer certains morceaux en live. Pour être honnête, la maison de disque a voulu sortir "The Way of Fire". J'étais d'accord mais uniquement si le clip était de bonne qualité. Or, ils m'ont dit qu'ils ne pouvaient pas mettre énormément d'argent et que cela serait simplement une vidéo avec des effets visuels. Ce n'est pas le genre de clip que j'aime, donc j'ai refusé.

 

Tu te sens comment, maintenant que tu as sorti cet album ? Dans une précédente interview, tu disais que c'était un poids en moins sur tes épaules. 

Je me sens vraiment soulagé. Comme tu l'as dit, ça fait un poids en moins. Par contre, je ne me sens pas vide car je sais que de nouvelles aventures m'attendent avec notamment de nouveaux albums. Par contre, lorsque la campagne participative Indiegogo pour financer l'album s'est terminée, je me suis senti un peu triste et perdu car cette campagne a représenté beaucoup de travail et il y avait pas mal de pression.

 

Tu avais besoin de sortir cet album pour tourner une page ?

Oui c'est un peu la fin d'un chapitre, même si, l'année dernière, quand je me suis dit que j'allais finir le mixage de Time II, je travaillais sur un autre album. Donc j'aurais très bien pu sortir cet album plutôt que Time II. Ce qui a fait pencher la balance c'est que les chansons du prochain opus n'étaient pas vraiment finies et que j'avais enfin fini par trouver LE son de Time II. Je m'étais toujours dit que lorsque je réussirais à trouver comment mixer cet album, je le sortirais.

Wintersun, Time II, Jari Mäenpää, Kai Hahto, Jukka Koskinen , Teemu Mäntysaari

On est bien d'accord, Time II avait déjà été totalement enregistré ?

Oui tout avait déjà été enregistré, sauf l'intro "Fields of Snow" et l'interlude de "Ominous Clouds". Cela date de la période de Time I mais en 2014, je n'ai pas réussi à le mixer correctement alors je suis passé à autre chose. Lors de la première campagne participative, j'ai pu me construire un meilleur studio et acheter un ordinateur plus pro. Et puis ensuite, la technologie a évolué, les étoiles se sont alignées et j'ai pu enfin sortir cet opus.

 

Si tu avais composé Time I et II à l'heure actuelle, est-ce que tu aurais choisi de les fusionner ou de les séparer ?

A l'origine, ce devait être un seul album mais on a eu des problèmes techniques et il me fallait plus de budget de la part de mon label pour acquérir du nouveau matériel. Donc j'ai décidé de couper la poire en deux, de faire la première moitié, de sortir Time I, de faire une tournée et de m'occuper de la suite. Je me suis toujours dit que la première partie était différente et qu'il y avait une vraie cassure entre les deux opus. Plus tard, je me suis dit qu'il fallait une vraie intro pour "The Way of Fire" et c'est ce qui a donné naissance à "Fields of Snow". Il me fallait une nouvelle mélodie pour présenter cette nouvelle atmosphère.

 

Lors du mixage, est-ce plus facile de s'occuper de morceaux déjà joués en live ?

Non pas du tout. Je ne pense pas que les conditions live affectent ma vision des choses. Je sais toujours ce que je veux. D'abord je m'occupe du groupe (guitare, basse, batterie) puis je fais les voix et enfin je mixe les orchestrations. Ca a toujours été ma façon de fonctionner.

 

Et lorsque tu t'es occupé de Time II, as-tu réécouté le premier opus pour avoir une certaine idée ?

En fait c'est plutôt l'inverse : lorsque j'étais en train de mixer Time II, j'étais vraiment focalisé sur cet album mais j'ai toujours eu, dans un coin de ma tête, cette envie de donner aux deux parties un son commun. Donc j'ai remixé Time I, qui s'appelle maintenant Time 2.0 et qui est disponible dans le package incluant les deux parties et qui sortira également sur le Bandcamp du groupe. Donc ça a vraiment nécessité beaucoup de travail au niveau du mix (rires).

 

Ce qui est intéressant dans Wintersun, c'est cette capacité à faire des chansons très longues mais qui ne tombent pas dans le cliché du "copié-collé". On sent que les transitions sont hyper travaillées et qu'un album s'écoute comme si on regardait un film.

Je ne sais pas comment j'arrive à ce résultat, c'est assez naturel. Bon, j'ai beaucoup étudié et composé de musique mais je pense qu'à un moment, je n'ai pas envie de m'ennuyer. Donc je me dis : "tiens, ça commence à tourner en rond, on va partir ailleurs". Pour l'album The Forest Seasons, les chansons sont plus répétitives mais c'était voulu, j'essaye de créer une atmosphère hypnotique. Mais globalement, j'estime que les chansons doivent évoluer et nous emmener dans différents endroits. J'essaye de raccourcir mes compositions mais c'est vraiment difficile. Il y a toujours des riffs à faire varier et tellement d'idées que ça devient dur d'enlever telle ou telle partie. Mais je me soigne et j'essaye de m'améliorer (rires). Mais ne vous inquiétez pas, j'ai encore pas mal de longs morceaux pour vous !

 

Ca doit être difficile de faire moins de six minutes !

Oui c'est ça, c'est le mieux que je puisse faire (rires).

Le visuel est très important chez Wintersun, et notamment l'image de la nature. Cela se retrouve aussi dans les paroles, les titres des albums etc... C'est quelque chose qui est important dans ta vie ? On sait par exemple que ton compatriote Tuomas Holopainen de Nightwish a besoin de cette connexion avec la nature et de cette déconnexion avec le monde moderne.

Oui ça a toujours été important, même primordial pour The Forest Seasons. Quand j'ai enregistré Time I, un peu moins mais après cet album j'avais envie de m'aventurer plus dans le domaine de la nature et d'explorer les quatre saisons. On sait que l'hiver fait partie intégrante de l'univers de Wintersun. Et même dans ma vie quotidienne, j'adore faire du footing dans les forêts proches de chez moi, ou aller sur la plage pour me détendre. La nature m'apporte énormément d'idées, qu'elles soient musicales ou au niveau des paroles. Ca m'aide aussi à me débarrasser du stress.

 

C'est donc un thème que tu continueras de développer ou tu vas passer à autre chose?

Ca sera toujours dans l'ADN du groupe mais je vais partir un peu dans d'autres directions. Je ne peux pas trop vous en révéler mais ce que je peux dire c'est qu'on retrouvera le style traditionnel de Wintersun.

 

Tu es connu également pour tes soli de guitare assez particuliers, très mélodiques et remplis de bends. C'est un style qui colle parfaitement à l'atmosphère japonaise de l'album.

Quand j'étais plus petit, je jouais beaucoup au jeu The Last Ninja sur Commodore 64 donc déjà à cet âge, j'avais cette influence japonaise. Puis quand j'ai appris la guitare, j'ai commencé par les gammes pentatoniques et j'ai appris à faire des bends. J'ai ensuite énormément progressé grâce aux cassettes vidéos de Vinnie Moore et enfin est arrivé Marty Friedman avec son jeu si caractéristique que tu peux ressentir dans "Ominous Clouds" par exemple. Il y a eu aussi une période où les films de kung-fu ou le cinéma asiatique comme "Tigre et Dragon" ou "Mémoires d'une Geisha" sont parus. J'ai toujours adoré ce genre d'atmosphères.

 

Tu possèdes plusieurs styles vocaux allant du growl à l'opératique. Comment décides-tu du type de voix que tu vas employer dans tes morceaux ?

Ca vient naturellement mais en général, si je crée une mélodie, c'est plus simple de la chanter en voix claire. Parfois j'ai un peu de mal : si tu prends "Death and the Healing", dans la démo, sur certaines parties, je faisais du growl et puis j'ai décidé de changer. D'ailleurs un de mes amis m'a dit qu'il préférait la démo (rires). A présent c'est plus facile car je connais mieux ma voix et je maîtrise mieux les deux styles. Mais dans le passé, je réfléchissais moins.

 

Et est-ce que tu as plus de mal dans un certain style ?

Plus le temps passe et plus c'est difficile de growler : surtout au niveau de l'endurance et pour épargner tes cordes vocales. Techniquement, c'est plus dur de chanter en voix claire car il faut que le ton soit juste. Et puis chanter comme cela, c'est plus intime et on transmet plus d'émotions. Donc on s'aperçoit vite si le chanteur est sincère ou s'il triche. Bon, c'est aussi un peu le cas quand on growle mais en général il suffit de hurler le plus fort possible (rires).

 

D'ailleurs est-ce que tu as une routine, des exercices pour t'entraîner ?

Je n'ai jamais pris de cours de chant, j'ai toujours appris en chantant avec les disques des autres. Je m'enregistrais et j'analysais mes faiblesses. Ce fut un travail assez long. Je me rappelle que quand j'étais plus jeune, j'écoutais Sebastian Bach ou Devin Townsend et je me disais que j'étais "une grosse merde". A la trentaine, j'ai commencé les échauffements surtout avant les concerts car j'étais arrivé à un point où je passais cinq ou six heures à hurler comme un malade et j'avais la voix tellement fatiguée que je ressentais une boule dans la gorge. Ce n'était pas grand chose et depuis ça a disparu. Mais maintenant je fais mes gammes avant un spectacle pour éviter de détruire ma voix.

 

Puisque tu parles de tournée, on sait que ce n'est pas à l'ordre du jour vu que Teemu est assez occupé avec Megadeth...

Alors en fait, ce n'est pas vraiment à cause de ça, c'est plutôt moi qui ai pris cette décision car je sentais qu'il fallait sortir plus de morceaux. Donc on verra ce qu'il en sera lorsque le prochain album sortira. On verra la situation de chacun et on prendra une décision.

Time II est sorti le 30 août ici, sur le label Napalm Records

Un grand merci à Valérie de jmtconsulting et à Jari Mäenpää.



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