Interview Big Red – Trente-sept ans de passion

Lors du festival No Logo BZH 2024, La Grosse Radio Reggae a eu l'occasion de s'entretenir avec Big Red. L'artiste dont la carrière exceptionnelle s'étend sur plusieurs décennies, a su maintenir une présence indéfectible sur scène et dans le cœur de ses fans. Dans cette interview, Big Red évoque les défis et les joies de rester actif dans une industrie en constante évolution tout en offrant un aperçu de son nouvel album Blood & Victory qui sortira courant octobre

Interview Big Red © Laura Reboux
Big Red © Laura Reboux

Lauraggaroots : Actif depuis 1987, trois albums avec Raggasonic, sept albums solo, bientôt quarante ans de carrière. Peu d'artistes peuvent en dire autant. Quel sentiment cela procure d'être sur scène depuis aussi longtemps et d'avoir une aussi grande carrière ?

Big Red : Et bien, j'ai commencé comme tu l'as dit, j'avais quinze piges et moi, je voulais être MC. Je me suis demandé quoi faire à ce moment-là, je me suis projeté dans les dix ans. Et je me suis dit, voilà, qu'est ce que je sais faire ? Rien ! Qu'est-ce que j'aime ? Le son ! Est-ce que je m'y connais ? Non !  Donc j'ai commencé au niveau zéro. Bim Bam Bam. Mon rêve, c'était d'être MC. Et là, comme tu l'as dit trente-sept, trente-huit ans plus tard, je suis toujours MC grâce au ciel.

"Chaque fois que je prends le mic, c'est un peu Noël"

En fait, quand tu es passionné, tu peux traverser le désert sans avoir soif. En-tout-cas, tu ne t'en rends pas compte. Moi, c'est ce qui m'arrive. Donc, à chaque fois que je prends le mic, que j'ai l'occasion de jouer sur un sound, c'est un peu Noël. Après, je ne fais pas les anniversaires, les mariages et tout ! Y a jouer et jouer. Là, je suis avec un sound qui est cool, il s'appelle Irie Ites. Justement, ils charbonnent à fond, ils produisent plein de gens et de dates. Donc, là, je bombarde avec eux et je suis aux anges, tu vois !

Tu as toujours été précurseur dans les sonorités de tes albums. Tu as toujours une longueur d'avance et tu n'hésites pas à essayer de nouvelles choses. Comment tu fais pour réussir à te renouveler sans cesse et à trouver de nouvelles inspirations ?

En vrai, ce n'est pas dur, c'est super simple. Parce qu'il suffit que tu changes de support musical pour t'adapter. Et du fait que tu t'adaptes, y en a qui appellent ça du renouvellement, mais en fait, non, moi, je m'adapte aux styles. Je fais de la Jungle. On faisait des soirées Jungle en 93 pendant un an au REX avec Loïc et Gilb’R de Radio Nova. Avec Dj Otis qui venait directement d'Angleterre. Et après, on a joué au Divan du Monde pendant plusieurs mois et on avait une émission de radio. Tout ça, c'est la même culture : Ragga, Hip Hop, UK Garage, UK Breakbeat, Jungle. Pour moi, c'est pareil.

"J'ai toujours kiffé le Garage ou la House"

Après, nous, début 90, on habitait à Londres et c'est là où j'ai capté ce flow UK. Ici, tous les MC's ont une base un peu américaine. Pour ma part, j'ai toujours kiffé le Garage ou la House. Avant, j'allais dans pleins de soirées House ! Donc, entre deux soirées en Angleterre, on habitait à Brixton pendant deux ans. Il fallait capter les radios, pirates pour capter les soirées Underground. Le mec avait un flow et ça, c'est le flow de base qu'on met sur du UK Garage, du Dubstep, sur de la Jungle. À cette époque là, ça m'a rendu ouf !

Ton dernier album Come Again est un retour marqué aux racines du reggae jamaïcain. Qu'est-ce qui t'a donné envie de revenir à ces racines ?

Ça, c'est l'album de l'année dernière ! Là, je suis déjà sur un nouveau truc qui sort à la rentrée au mois d'octobre, en mode plus Dub. On s'est fait un délire avec mon vieux poto DJ Absurd de The Bass Society. On a fait du vieux reggae année 80, tu sais, pour les vieux lascars, les antifat, les mecs de nos âges un peu, avec des sonorités année 80 à balle ! Genre Steel Pulse, Bob Marley, mais en ne faisant que des riddims originaux qu'on a fait rejouer après par les zicos. Du coup, on a fait chialer quelques vrais Bad Man. C'étaient eux surtout qu'on voulait viser. Donc ça sonne un peu Reggae light. C'est vrai que c'est complétement décomplexé, parce qu'on l'a fait en mode Rude boy. Rude boy, pas dans le sens vénère, mais en mode skinhead reggae.

"Des fois, je n'ai pas de feat parce qu'il n'y a pas le truc."

Il n'y a qu'un feat sur ton album avec Yaniss Odua "Police". D'où vient ce morceau ?

Les feats, ce n'est pas un truc après lequel je cours. C'est souvent des coïncidences. Des fois, je n'ai pas de feat parce qu'il n'y a pas le truc. Là, on était en studio ensemble. Aussi simple ! Il ne faut pas que ça soit plus compliqué.

Vous pouvez retrouver la chronique de l'album Come Again sur La Grosse Radio Reggae.

"Les prémisses d'un nouvel album."

On a pu te voir récemment dans des vidéos live en studio chez Evidence Music avec des artistes comme OnDubGround sur le titre "Deadly" ou avec Bisou sur le morceau "Milliers". Est ce les prémisses d'un prochain album qui arrive ?

Oui, tout ce que je poste sur Evidence. Déjà, c'est le label qui m'a signé pour l'album qui sort à la rentrée. Avec Nico de Little Lion Sound. C'est une bonne structure qui promotionne vraiment à fond, qui fait beaucoup de diffusions. Et moi, j'avais besoin de diffusion, d'image et tout le bordel. Je joue tout le temps dans des petits trucs, vingt-quatre, vingt-quatre, mais si tu n'es pas sous le feu de la rampe, s'il n'y a pas d'exposition, voilà… Sur Insta, j'ai plus de gens bloqués que de followers. Ils me donnent une exposition qui me fait grave du bien. Et tous les morceaux qui sont sortis chez eux, c'est les morceaux de l'album qui arrive !

"Cet album là, il va être Dub."

Parle nous un peu de cet album à venir : à quoi peut-on s'attendre ?

Cet album là, il va être Dub. Toutes les bases des morceaux, c'est du dub. On a essayé de recouvrir en dix morceaux ce qui est assez peu le spectre du dub. Enfin, tu as le style un peu année 70, après année 80, la base un petit peu basique à la Jah Shaka et puis on termine avec du gros dubstep de dj Absurd vénère qui n'a aucun sens, mais ce n'est pas grave, on l'a mis quand même. Il déchire ! Précommande en septembre et sorti en octobre !

Qu'est-ce qui fait que tu es encore là aujourd'hui ?

Je marche à la reconnaissance et c'est un miracle que je sois encore là. J'ai cinquante-deux ans et des supporters solides ! À l'époque avec Raggasonic, on allait vraiment dans des régions improbables qui ne connaissaient même pas Bob Marley ! Je te parle de ça : début 90, nous, on allait au charbon en mode mission. Parce que c'est ça le but d'un MC ! Du coup, ça a marqué des esprits. Beaucoup de gens ont découvert cette vibe par ce qu'on a été les voir au fin fond de leur bled de oufs. Ce qui fait que j'ai des supporters un peu partout en mode micro cellules, mais un peu partout en tout cas. C'est le temps qui bénéficie et la scénographie.

"MC, tu dois être bon. Il faut respecter, avoir une mission."

Moi, je suis de l'ancienne école. MC, tu dois être bon. Il faut respecter, avoir une mission, être intègre. Tu dois être là pour tenir l'éthique ! On n'est plus beaucoup. Je suis content de voir des gens qui sont encore là. C'est la récompense ultime !



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