Linkin Park (+ Sleep Token) à Paris (La Defense Arena) – 03/11/24

On y est ! Dix ans après le dernier concert du groupe à Paris, Linkin Park est de retour. Bien sûr, sans (feu) Chester Bennington ce ne sera jamais pareil, mais de l'eau a coulé sous les ponts depuis son départ et le reste des membres souhaite maintenant continuer l'aventure (sauf le batteur Rob Bourdon, qui n'a pas repris). Place à la nouvelle formation, qui a très rapidement eu l'occasion de convaincre. Présentée presque immédiatement après son annonce lors d'une séquence live à Los Angeles, tout était fait pour marquer un grand coup et ne pas laisser la hype redescendre. Tentons d'oublier le retour du taré aux affaires en revenant sur le concert à Paris.

À concert évènementiel, première partie exceptionnelle. Linkin Park a choisi ni plus ni moins que Sleep Token pour ouvrir la soirée. Le phénomène anglais qui s'apprête à assurer une tournée européenne en tête d'affiche - 12 dates dont la LDLC Arena à Lyon - est en train d'exploser. Ses albums font sensation et tout le monde loue l'impact et l'originalité du groupe : Mike Shinoda bien sûr, mais aussi Sam Carter (Architects), Corey Taylor (Slipknot), Mike Portnoy (Dream Theater) ou même Rob Halford (Judas Priest). Ce n'est que la quatrième date du combo dans l'Hexagone, et déjà la plus grosse salle européenne en première partie de Linkin Park. Ça promet !

On regrette cependant toujours le côté mercantile très prononcé de cette salle (pareil pour l'Accor Arena) : entendre régulièrement toutes ces pubs diffusées fort avant les concerts est déjà désagréable en soi, mais en plus elles finissent par se répéter. Les seules exceptions sont celles pour Deezer, karaokes géants que toute la salle est invitée à suivre. Lorsqu'un d'entre eux met "Numb" à l'honneur, le public déjà très chaud chante à l'unisson.

Sleep Token

Les lumières s'éteignent, le set s'ouvre alors sur une nappe maintenue de longs moments avant de lancer "The Offering". Seul titre issu de Sundowning, cette première offrande donne un aperçu de la variété du style de Sleep Token : déjà lourd dans les passages metal, tout en proposant des moments beaucoup plus soft et mélodiques, avec un chant clair très précis. Les rythmiques lourdes cohabitent avec des passages atmosphériques et même des instrus électro. Sur scène, on apprécie le travail effectué sur le jeu de lumières, très porté dans les couleurs rouges et qui met bien en avant le logo du groupe en fond de scène. Les masques également, dont les finitions ressortent bien à travers l'éclairage de la scène.

Dernier opus du groupe sorti l'an passé, Take Me Back To Eden se taille logiquement la part du lion dans ce set. "The Summoning", qui en est tiré, continue avec une approche sensiblement différente. L'emphase dans les premières minutes est beaucoup plus portée sur le groove de la batterie. On a même droit à un solo de II (batteur), dans une section du titre où il n'y a pas de rythmique en studio. Vessel (chant, plus claviers sur "Rain", attaqué en duo piano/voix) se déplace pas mal sur la scène de l'Arena. Il exploite déjà bien l'avancée de scène prévue pour Linkin Park. III et IV se partagent le reste du premier rang de scène, tandis que les choristes Espera dansent au second plan.

Après une demi-heure de show, la salle est déja très remplie, c'est le grand succès pour Sleep Token. Le son est plutôt bon ce soir, ce qui est surprenant pour cette salle. On reste cependant sur notre faim, car si la formule du groupe brille par sa diversité d'influences et sa finesse, le contraste avec l'énergie dégagée par la section rythmique dans les passages metal est peut-être un peu trop prononcé, dans cette configuration live tout du moins. Une certaine lassitude finit par s'installer, que l'intensité du titre final ("Take Me Back To Eden") parvient à chasser. Le gros scream sur lequel Vessel termine le concert en est la conclusion logique, et une dernière occasion de démontrer l'étendue de son panel vocal, très diversifié à l'image du groupe.

Setlist Sleep Token

The Offering
The Summoning
Vore
Rain
Alkaline
Granite
Take Me Back to Eden

Linkin Park

Les Américains se font désirer et les montres affichent déjà un bon quart d'heure de retard sur l'horaire prévu lorsqu'enfin les lumières s'éteignent une nouvelle fois. Un laser jaillit du plafond et s'abat avec répétition sur le centre de la scène. Impressionnant ! Un premier acte s'ouvre et rapidement une rythmique évoquant "Somewhere I Belong" se distingue en fond sonore, pendant que les musiciens commencent à jouer. Le titre de Meteora suit naturellement, premier des nombreux classiques de la première période que le groupe joue ce soir. Les sourires sont là, le rappeur / chanteur / claviériste Mike Shinoda est heureux et le fait savoir. C'est une superbe ouverture de set et celle que tout le monde attend répond bien présente. La nouvelle venue Emily Armstrong s'impose vocalement, comme ce que laissait présager les premiers extraits en live et son timbre plus rauque s'adapte largement aux compositions. Le public est en transe et lorsque "Crawling" enchaîne, c'en est déjà au point où toute la salle couvre les lignes de chant. Emily saisit l'occasion et tend le micro vers la fosse à plusieurs reprises lors des couplets, avant de reprendre la barre pour les intenses "so insecure". Elle est très en voix, et les premiers gros screams du concert arrivent vite sur "Lying From You". On est également ravis de la petite surprise sur "Points Of Authority" : c'est Mike qui chante les parties de feu Chester Bennington sur les couplets, et le rendu est réussi.

Après quatre classiques nerveux pour bien lancer le set, Linkin Park ralentit le tempo et met à l'honneur sa facette moins metal, préfigurant un second acte beaucoup plus calme, presqu'exclusivement porté sur la période post Minutes to Midnight. Mais avant, le premier représentant du prochain album From Zero : "The Emptiness Machine". Mike et Emily vont jusqu'au bout de l'avancée pendant que le fond de scène se teinte des couleurs bleues et roses de la pochette. Au dessus de la scène deux énormes cubes sont formés, leurs faces tournées vers le public sont couvertes par des écrans distincts. L'habillage scénique est impressionnant et particulièrement inventif, évoluant au long du set.

Le deuxième acte voit le retour du laser, mais cette fois la rythmique qu'il impulse est très différente. Trois pulsations courtes, trois longues puis à nouveau trois courtes : SOS en morse. Le ton change et un passage blindé de scratch introduit "The Catalyst". Suivent une sélection variée de titres issus de la période moins metal du groupe, gage d'une setlist variée mettant à l'honneur pratiquement toute la discographie de Linkin Park. Seul The Hunting Party manque à l'appel (et One More Light si on ne considère pas "Friendly Fire" comme issu de l'album). Joe Hahn (l'un des trois membres restant en configuration live, avec Shinoda et le bassiste Dave "Phoenix" Farrell, le guitariste Brad Delson ne participant plus aux tournées) est particulièrement bien en avant sur cette partie du concert. Après son ouverture en scratchs de ce second acte, on le retrouve dans une petite session instrumentale presque en solo, simplement accompagné par la frappe du nouveau batteur Colin Brittain sur ses fûts. Et c'est peu après qu'Emily introduit le dernier single "Over Each Other" (joué pour la première fois en live), sur lequel elle joue également de la guitare. Pour l'occasion, elle tente de s'exprimer en français mais a préféré laisser Mike lire au public un mot de remerciements. La salle motive beaucoup et applaudit copieusement. Emily prouve ici sa pertinence dans le chant clair au même titre que sa puissance en début de concert.

L'habillage scénique et ces écrans gigantesques continuent à nous en mettre plein les mirettes : tantôt des profusions de formes géométriques à la Tron, tantôt un effet fumée/chute de particules (sur "Burn It Down", un effet d'ailleurs nettement mieux réussi et moins cheap que celui qu'utilise Deep Purple sur "Smoke On The Water").

Le retour au brutal se laisse deviner sur "Lost In The Echo" et ses screams intenses en fin de titre, avant de se confirmer : les musiciens font lever les mains dans la foule et clapper en rythme, avant de lancer "Given Up". La transition est parfaite, on retourne dans le dur. Emily se déchire sur "put me out of my misery", c'est encore l'extase. Et pour clore ce deuxième acte haut en couleur : le rouleau compresseur "One Step Closer". En accord avec les paroles du titre, les écrans affichent des fissures géantes et l'effet cassé perdure une fois les lumières éteintes !

Les cubes apparaissent toujours cassés lorsque résonne "Lost". Le titre, sorti récemment avec l'édition des 20 ans de Meteora, est ici interprété dans une très belle version en duo piano/voix, juste Mike et Emily. Les téléphones sont allumés par milliers et toute la salle chante, c'est intense. Rapidement le titre est enchaîné dans un sublime "Breaking The Habit", toujours avec le public qui chante toutes les paroles. Toujours avec cet effet brisé sur les écrans, également.

À l'exception de "My December", où toute la formation est en acoustique (y compris Colin, qui troque ses fûts pour une guitare sèche) la dernière partie du set fait le plein de classiques, avec l'enchaînement "Numb", "In The End" (avec une fausse note de Joe qui fait bien rire Mike), "Faint". Terriblement efficace. À ce stade et avant le rappel, Linkin Park vient déjà de nous offrir 24 titres et 1h45 de concert. Clairement, le groupe ne fait pas semblant pour son retour !

Consigne avait été donnée d'afficher - à partir des écrans de smartphones - un drapeau tricolore géant dans les tribunes avant le rappel, pour montrer l'accueil royal que le public réserve aux Américains. On constate que la demande n'a été que (très) partiellement suivie, mais peu importe au final : la démonstration de la passion dans la salle a été plus que palpable. Après une assez courte attente, le combo revient avec un rappel explosif. Trois énormes mandales dont le surpuissant "Heavy Is The Crown" et son scream intense qui déclenche encore un tonnerre d'applaudissements. Quel concert ! Dans une semaine sort From Zero, et il s'annonce comme un des albums les plus marquants de 2024. La chronique de l'album arrive en début de semaine prochaine.

Setlist Linkin Park :

Somewhere I Belong
Crawling
Points Of Authority
Lying From You
New Divide
The Emptiness Machine
The Catalyst
Burn It Down
Waiting For The End
Castle Of Glass
When They Come For Me / Remember The Name
Over Each Other
Lost In The Echo
Given Up
One Step Closer
Lost
Breaking The Habit
What I've Done
Leave Out All The Rest
My December
Friendly Fire
Numb
In The End
Faint

Rappel :
Papercut
Heavy Is The Crown
Bleed It Out

Crédits photos Sleep Token : ADAM ROSSI
Crédits photos Linkin Park : Florentine Pautet

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