Sleep Token (+ Bilmuri) à la LDLC Arena (Lyon) le 07/11/2024

Si un groupe mérite d’être mis en avant aujourd’hui, c’est bien Sleep Token. Encore inconnus du grand public il y a quatre ans, les Londoniens ont été propulsés sur le devant de la scène grâce à leur album Take Me Back To Eden, sorti l’an dernier. Leur imagerie énigmatique intrigue et fascine. Aperçus en première partie de Linkin Park quatre jours plus tôt, nous ne pouvions manquer leur première grande tournée européenne. Pour cette date en tête d’affiche, la LDLC Arena s’avère être le cadre idéal.

Sleep Token s’est rapidement fait remarquer grâce à son identité anonyme et mystique : chaque membre se dissimule derrière un masque, recentrant l’attention du public sur la musique. Le groupe britannique offre un mélange d’influences qui défie les genres, passant du metal progressif au R’n’B, avec des touches de pop, de jazz, de hip-hop et de metal alternatif.

Pour donner un peu de contexte, la dernière fois que Sleep Token est passé par la France en tête d’affiche (hors festival), c’était en 2019 aux Étoiles, une salle parisienne de moins de 600 places. Ce soir, le groupe se produit dans une arena bien remplie de 16 000 spectateurs. Une ascension fulgurante et, à en juger par le spectacle de ce soir, pleinement méritée. Le public est plutôt éclectique, bien que l’on devine chez la plupart des fans une appétence pour le metal, à en juger par leurs tenues. Certains ont même adopté le look de Vessel, le chanteur du groupe.

Bilmuri

Le véritable atout de cette tournée, c’est la présence de BILMURI en première partie, un projet musical aussi décalé qu’inattendu. Créé par Johnny Franck (ancien membre d’Attack Attack!), BILMURI offre un mélange surprenant de pop punk et d’électro, porté par une personnalité exubérante qui contraste radicalement avec l’univers sombre de Sleep Token. Johnny Franck incarne ici le cliché de “l’Américain décomplexé”, et dès que les lumières s’éteignent un peu avant 20h, la foule déjà dense dans la fosse se réjouit de le voir surgir sur scène avec un maillot de l’OL floqué du numéro 69. Il n’en faut pas plus pour embraser l’ambiance : dès les premières notes de « EMPTYHANDED », le ton est donné.

Le concert est pimenté par la présence de la saxophoniste Gabi Rose, qui délivre des solos surprenants et ajoute une touche exotique au set, on a même le droit à un solo de flûte. Une petite avancée de scène permet à Johnny Franck et à Gabi de se rapprocher du public. Reese Maslen (guitare) a lui aussi ses moments de gloire lorsqu’il lance des screams puissants dans les passages les plus lourds. Ce concert de BILMURI met en avant les titres phares de son dernier album, AMERICAN MOTOR SPORTS, sorti en octobre dernier. En live, les refrains accrocheurs et les lignes de basse funky sont efficaces, et des morceaux comme « BLINDSIDED », « ALL GAS », ou encore « BOUTTA CASHEW » s’imposent, à la fois drôles et totalement décalés.

La voix de Johnny Franck est impeccable et colle parfaitement à son personnage : exubérant et proche du public, il s’amuse à interagir avec lui, demandant à plusieurs reprises « Est-ce que les Français aiment l’alcool ? Cette chanson parle de se mettre une murge » ou s’exclamant « Les Français sont chauds ! ». La belle surprise vient d’une poignée de spectateurs qui connaissent les paroles par cœur et insufflent un bel entrain. Pour une première à Lyon, on peut dire que l’accueil est plus que réussi. Le set se termine en beauté avec « BETTER HELL (Thicc boi) », un final idéal pour faire monter la température avant l’arrivée de la tête d’affiche.

Setlist

EMPTYHANDED
ABSOLUTELYCRANKINMYMF’INHOG

FLUORIDEINTHEHARDSELTZERWATER
ALL GAS
BLINDSIDED
BOUTTA CASHEW
THE END

STRAIGHT THROUGH YOU
BETTER HELL (Thicc boi)

Sleep Token

Nous avions déjà l’eau à la bouche après avoir vu Sleep Token en première partie de Linkin Park quelques jours auparavant. Ce soir, toutefois, le groupe joue sans son guitariste, IV, malade. Plutôt que d’annuler le concert, Sleep Token a choisi d’annoncer dès le début que les parties de guitare seraient assurées par des backing tracks, enregistrés durant les répétitions de la tournée. Sur le papier, cela pouvait inquiéter. Mais dès l’introduction de « The Night Does Not Belong To God », on sent que les membres présents se donnent deux fois plus, prêts à tout pour que le show conserve toute son intensité.

Et quelle intensité ! Les fans exultent, notamment lorsque III, le bassiste, arrive quelques minutes après les autres. Malade lui aussi à Zurich l’avant veille, il fait donc son retour sur scène. Les choristes Espera sont également présentes sur la gauche, apportant une profondeur supplémentaire et ajoutant des nuances et des textures vocales différentes. Le public se resserre devant la scène, notamment proche de l’avancée, très souvent utilisée par Vessel, venant chanter ses parties vocales puissantes et vulnérables. Il est capable de naviguer entre des graves profonds et des aigus éthérés, et les fans se laissent envoûter par ses paroles, chantant eux aussi.

Première partie du concert : quatre titres du premier album Sundowning dont l’immanquable « The Offering », offrent une entrée en matière des plus hypnotiques. Les éclairages de Sleep Token créent une ambiance saisissante, renforcée par des tubes néons suspendus qui descendent vers la scène, évoquant un rideau de lumière céleste. Le gros logo du groupe en fond s’illumine au rythme de la musique. Nous sommes plongés dans une expérience visuelle immersive, où les jeux de lumière semblent presque dialoguer avec la musique.

Deuxième partie : le second album, This Place Will Become Your Tomb (2021). Lorsque « Atlantic » retentit et que Vessel s’installe au piano au fond de la scène, les fans allument les flashs de leur téléphones pour accompagner le chanteur. Un joli moment qui précède la montée en puissance du morceau, se terminant en apothéose, avec des lasers venant ajouter un effet des plus satisfaisants. Puis, « Hypnosis » et son intro lourde vient ajouter une tension palpable dans la salle. La scène est grande, mais Vessel l’investit parfaitement, avec des pas de danse inspirés.

Le moment le plus poignant de la soirée arrive lorsque Vessel arrive seul sur l’avancée, guitare en main, pour interpréter « Missing Limbs ». Dans une atmosphère presque sacrée, il livre une version dépouillée du morceau, captivant l’audience par la simplicité de sa voix et des accords de guitare. La sincérité qui émane de cette performance crée un silence total dans la LDLC Arena, chaque spectateur étant suspendu à ses mots. L’émotion est bien présente, et nombreux sont ceux qui, l’espace de quelques minutes, se laissent emporter par cette intensité rare et touchante. On aperçoit des fans, émus aux larmes, dans la foule.

Troisième partie, sans doute la plus attendue par les fans, car c’est avec cet album, Take Me Back To Eden, que Sleep Token a explosé. « Chokehold » et son intro dévastatrice s’emparent de la salle, les sonorités deviennent de plus en plus heavy et les fans hurlent les paroles à pleins poumons. L’intensité brute dégagée par le groupe est contagieuse, et l’on comprend peu à peu l’ampleur de l’engouement autour de Sleep Token. Cet album est d’ailleurs l’album le plus streamé de 2023 sur Spotify.

Puis, probablement le morceau le plus iconique, « The Summoning » retentit. La fosse s’enflamme, l’ambiance monte encore d’un cran, surtout lors des parties vocales « screamées » de Vessel, totalement dans son élément, créant une communion totale entre lui et son public. La batterie de II s’élève vers le plafond, d’où il nous livre un solo hors du commun. « Granite » et « Ascensionism » incarnent parfaitement l’essence sonore de Sleep Token, alliant passages électro et arrangements à la limite du hip/hop. Bien que résolument metal, le concert prend ici une autre dimension, et les fans se laissent pleinement emporter par ce mélange inventif de mélodies. Sur « Rain », la lourdeur de la basse se déploie avec toute son intensité, parfois peut-être un peu trop saturée.

Finalement, c’est sur « Granite » que III vient demander au public de s’écarter pour faire place à un wall of death, ce qu’il s’empresse de faire. On voit même les premiers slammeurs arriver en bout de fosse. Dans la dernière partie de « Take Me Back To Eden », le morceau bascule pleinement dans le metal, avec une énergie qui ne laisse aucun répit. Vessel se lance dans des screams puissants qui ne laisse pas la foule indifférente. Les jeux de lumière, mêlés à la fumée, donnaient l’illusion d’eau, créant une scène presque divine.

C’est sur « Euclid » que Sleep Token tire sa révérence, littéralement puisqu’à la fin de la chanson, Vessel s’agenouille pour remercier son audience. Difficile de sortir de cette heure et demie de concert sans égratignure, tant le show était massif.

Ce concert de Sleep Token restera gravé dans les mémoires. Entre l’esthétique minutieuse, les performances vocales de Vessel, et l’énergie brute déployée par le groupe malgré l’absence du guitariste IV, le spectacle a dépassé toutes les attentes. Chaque titre semblait prendre une nouvelle dimension sur scène, porté par des jeux de lumière parfaitement orchestrés et une interaction rare avec le public. De l’émotion à l’intensité pure, Sleep Token a su offrir une une immersion totale et poignante, qui a laissé les fans comme transportés. Ce soir, ils ont prouvé qu’ils ne sont pas seulement un phénomène, mais bien un groupe capable de marquer la scène metal actuelle par leur originalité et leur talent. Une performance exceptionnelle pour un public conquis.



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