Opeth – The Last Will and Testament

Après-demain, Opeth revient avec son quatorzième album, The Last Will and Testament. Il s'agit là du premier disque conceptuel depuis Still Life en 1999. Autour de la thématique du testament, chaque morceau représente en effet un des paragraphes dudit testament. Dans le contexte de l'après première guerre mondiale, les morceaux racontent les confessions d'un vieil homme et ses secrets de famille surprenants. Après la sortie de deux premiers singles, l'album a déjà été annoncé comme celui d'un un retour aux sources d'Opeth (et du death metal ?) auprès des fans. C'est donc enfin l'heure de notre verdict. Ce nouvel album risque en tout cas de faire beaucoup parler dans l'actualité metal de cette fin d'année.

Il faut clarifier d'entrée ce à quoi nous avons à faire avec cette nouvelle sortie. Il est vrai qu'Opeth revient un peu à ses sources en réintroduisant un peu de death metal et des chants growlés. Cela étant, l'album est vraiment construit sur les bases du rock progressif d'Opeth de ces dernières années. L'influence majeure est celle du dernier album In Cauda Venenum (2019). Ainsi que dans une moindre mesure de Sorceress (2016) et Pale Communion (2014).

Le premier paragraphe "§1" donne d’entrée le ton de l’album  avec clairement le morceau le plus “single”.  Surtout, ce premier morceau donne également l’atmosphère et l’ambiance globales de l’album. Il y a ce côté très ancien qui touche au lugubre grâce aux sons des synthés très 70’s. Cette ambiance n’est pas sans rappeler celle du dernier album. Mikael a d’ailleurs pour l'occasion enregistré la voix tiraillée de sa propre fille. Cette manière de terminer ce morceau s'avère  extrêmement originale. Mais à la différence de son prédécesseur, cet album emprunte beaucoup plus de directions musicales, en passant notamment par un retour vers le death metal d’origine.

Les riffs imparables du "§ 1" et sa rythmique un peu mid tempo nous amènent en effet sur un refrain mémorable. Ce dernier laisse la part belle au fameux retour du chant guttural de Mikael Åkerfeldt. On se rappelle alors avec plaisir à l’ancien Opeth, et en particulier de la période Watershed (2008) et Ghost Reveries (2005). Les paroles du refrain qui reprennent d’ailleurs le nom de l’album sont à notre sens déjà cultes. Elles évoquent aussi indirectement le twist final de l'histoire de l'album (voir notre interview à ce sujet) ! Et nul doute qu'elles feront certainement mouche en live. Le nouveau chant growlé de Mikael est d’ailleurs extrêmement différent des premiers albums. Il apporte vraiment un vent de fraîcheur à la proposition globale.

Le "§ 2" est le morceau qui joue certainement le plus sur le contraste entre des rythmiques mid tempo très rock progressif des 70s, avec des parties death metal très agressives et totalement assumées. Le morceau commence directement par une partie beaucoup plus “death”. Ce qui rend l’effet de surprise d’autant plus marquant. Et il finit de manière très originale. Un passage mélancolique, joué assez lentement à la guitare, qui contraste avec la rythmique très death de la double pédale de la batterie. Un bel exemple d’une créativité qu’on retrouvera sur tout l’album.

D'autant que ce nouvel album semble donner la part belle à de belles collaborations. Notamment Ian Anderson, le flutiste incontournable de Jethro Tull, sur plusieurs paragraphes/morceaux avec un rôle de conteur ("§1", "§2", "§4" et "§7"). Mikael a longtemps essayé de l'avoir sur un de ses albums, en lui envoyant des mails , jusque là restés sans réponse. Le Suédois semble donc avoir réussi son coup cette fois. On retiendra en particulier son rôle du flutiste sur "§7" et "§4". Sur ce dernier, le flutiste nous délivre d'ailleurs un solo mémorable, qui permet notamment de faire le lien entre les deux parties musicales d'un morceau bien heavy.

Sur le "§2", on peut aussi entendre chant de Joey Tempest, d'Europe, un chanteur culte d'un autre groupe de hard-rock plutôt bien connu... De quoi bien garnir le CV, ou du moins l'album de Monsieur Åkerfeldt.

Crédit photo : Terhi Ylimäinen

Plus que le chant guttural et le retour du Opeth death metal, c’est en effet surtout la richesse et la créativité de cet album qui nous marque le plus. Le groupe va véritablement piocher dans un nombre colossal de genres musicaux : du folk, du death, au rock des 70’s, en passant par de la musique du monde ou de la fusion. En bref, il arrive à être un fourre-tout musical, tout en restant cependant cohérent tout du long, et c’est peut être sa plus grande force. Bien que ce côté parfois décousu pourra peut-être rendre certains morceaux un peu trop "patchwork" et moins mémorables. Ce qui ne plaira peut-être pas forcément aux non-initiés.

Cette créativité s’exprime peut être le plus sur le paragraphe 5, un morceau extrêmement riche. On est surtout marqué notamment par son motif très oriental. Un riff construit à partir du son de la guitare folk-acoustique si emblématique de Mike.

En point d’orgue de la chanson, les mélodies de guitares entre électriques et acoustiques sont sublimées par l’utilisation de violons qui donnent cette couleur musicale du Moyen-Orient. Et le morceau part vraiment dans tous les sens. L’intro a un côté très féérique, à la  Pierre et le Loup, ou encore Fantasia, avant de nous transporter sur une rythmique beaucoup plus jazzy et mystérieuse. Jusqu'au moment où la musique vrille à nouveau vers un territoire bien plus death metal... Un vrai plaisir !

L’importance de Waltteri Väyrynen, nouveau batteur finlandais (ex Paradise Lost, Bloodbath) de la formation, contribue fortement à la réussite de cet album. Car par rapport au batteur précédent (Martin Axenrot), il apporte une vraie identité au son des Suédois. Il est d’ailleurs très plaisant d’écouter l’album en s’arrêtant sur les parties rythmiques très variées.La batterie nous porte tout du long de l’album et elle élève très clairement la production globale. Que ce soit sur des parties plus mid-tempo, ou même sur des rythmiques death metal plus énervées à la double pédale.

Et surtout elle contribue à ce lien, cette progressivité et ces changements d’atmosphères qu’on apprécie tant chez les Suédois. A de nombreuses surprises les changements de rythme du batteur nous ont vraiment donné le sourire aux lèvres. Par exemple, sur la fin de l'excellent "Paragraphe 7", et son final doom-metal très majestueux. Ce dernier fait d'ailleurs écho au final de "All Things Will Pass" sur l'album précédent.

On apprécie d'ailleurs toujours ce côté geek de Mikael, qui aime bien glisser des références (ou easter-egg) dans certains morceaux. C'est le cas du paragraphe 6, à l’intro très “Perfect Strangers” avec un orgue Hammond, un instrument popularisé par Jon Lord de Deep Purple dans les 70's. Une période à laquelle Mike est extrêmement attachée. Ce morceau bien que peut être un peu moins marquant va d’ailleurs piocher dans des sonorités très rock-jazz fusion (et encore quel jeu de batterie!), tout en mélangeant les influences de toute la discographie du groupe.

L’album se conclut sur la seule chanson nommée sur cet album. “A Story Never Told”, qui est en effet une belle ballade-rock très "Pink-Floydienne", remplie d’émotions et de mélancolie. Et qui se termine par un solo étirant les notes de guitare un peu à la David Gilmour. Une manière de finir paisiblement et avec classe cette petite nouvelle pépite de rock progressif.

Avec ce quatorzième album, Opeth nous offre un superbe album de metal progressif. On peut sans difficulté mettre cet opus dans le top cinq de sa discographie. Car il s’agit là sûrement du meilleur album d’Opeth depuis Watershed en 2008.  Last Will and Testament est peut-être l’album qui mélange le mieux toutes les périodes musicales de la formation suédoise, tout en sachant rester singulier, prenant et authentique. C'est un grand album de cette année 2024. Un album sur lequel on prendra certainement plaisir à revenir dans quelques mois, ou même quelques années. A écouter, et réécouter sans concession.

Les Suédois repasseront également en France l'année prochaine à l'occasion d'une tournée européenne qui fera halte en France pour une date unique, à l'Olympia de Paris est prévue sur le 21 février 2025, proposée par Garmonbozia. A cette occasion, Grand Magus accompagnera le groupe suédois en première partie.

Tracklist :

§1
§2  
§3
§4  
§5  
§6  
§7  
A Story Never Told

The Last Will and Testament, disponible le vendredi 22 novembre prochain chez Reigning Phoenix Music / Moderbolaget. 

NOTE DE L'AUTEUR : 9 / 10



Partagez cet article sur vos réseaux sociaux :

Ces artistes en relation peuvent aussi vous intéresser...