La nouvelle du retour de Mike Portnoy avait fait grand bruit dans le monde du prog et du metal et Dream Theater se devait de fêter sa avec une tournée digne de ce nom. Plutôt que de proposer son nouvel album, qui paraîtra le 7 février, le groupe a décidé de célébrer leur 40ème anniversaire en grande pompe avec plus de trois heures de show et une setlist best-of. 19h45 pétantes, les lumières de la rockhal s'éteignent et la masterclass peut commencer. Nous vous proposons de revivre ce concert, où était présent notre rédacteur, avec les photos du concert parisien, auquel a assisté notre photographe.
Lorsque l'intro tirée du film Psychose d'Alfred Hitchcock retentit, c'est une salle pas mal pleine qui s'apprête à vivre un grand moment. Rarement on avait vu la Rockhal aussi remplie pour accueillir Dream Theater. Et pourtant le groupe passe régulièrement par Esch-sur-Alzette mais on sent que les spectateurs ont pris conscience de l'importance de ce concert. Est-ce la notoriété grandissante suite au Grammy en 2022 ou le retour du chouchou Mike Portnoy ? On penche plutôt pour la deuxième option tant le batteur est applaudi dès son arrivée. Son départ en 2010 avait divisé les fans, son retour met tout le monde d'accord.
Son prédécesseur Mike Mangini avec son niveau technique et sa batterie tentaculaire faisait très bien le travail mais un live avec Portnoy derrière les fûts n'a rien à voir. Dès le premier titre "Metropolis pt 1", le public se retrouve plusieurs années en arrière avec un plaisir indéniable en fosse et sur scène. L'alchimie est retrouvée entre les cinq compères malgré quelques histoires mises de côté depuis plusieurs années. On a souvent critiqué Dream Theater pour son déluge de notes mais il faut bien l'avouer, toute la fosse est subjuguée par la technicité des mélodies. Pourtant, on n'assiste pas à un concert des rois du prog uniquement pour prendre une leçon instrumentale mais également pour vibrer au son de morceaux iconiques.
Le début du concert fait la part belle à trois albums incontournables du groupe : Images and Words, Scenes from a Memory avec les deux premiers morceaux ainsi qu'Awake avec le très heavy "The Mirror". Rien que ces quatre morceaux rassasient. Depuis plusieurs années, à chaque concert, se pose LA fameuse question "que va-t-il se passer avec James LaBrie ?". En effet, depuis son intoxication alimentaire il y a trente ans, le chanteur est assez irrégulier malgré un travail acharné pour retrouver ses capacités. D'autant plus que la première date londonienne n'avait pas été très encourageante.
Pourtant il faut bien recadrer les choses dans leur contexte : nous mettons au défi n'importe quel chanteur de plus de soixante ans de tenir trois heures, avec des titres aussi difficiles. D'autant plus qu'on apprendra plus tard que la quasi totalité du groupe était malade. Le Canadien s'en sort plus que bien malgré quelques faiblesses. Contrairement à certaines tournées, il a eu l'intelligence de modifier les lignes mélodiques pour garder de l'énergie pour certaines notes. Et ça fonctionne ! Alors certes les aficionados analyseront chaque changement de mélodie mais on préfère largement un James LaBrie aussi performant que ce soir par rapport à ce qu'il avait pu nous montrer auparavant.
Autre élément incertain lors d'un concert à la Rockhal : le son. La salle étant un pavé, elle est loin des conditions acoustiques d'une Scène Musicale. Et pourtant, même proche de la scène, l'acoustique sera très agréable, parfaite pour naviguer entre chaque musicien avec la basse de John Myung très présente mais qui n'étouffe pas le reste. Ce dernier, d'une précision chirurgicale est toujours très charismatique. Alors qu'il ne bouge pas d'un poil, qu'il s'enferme dans sa bulle faite de musique, il dégage une certaine aura énigmatique.
Lorsque notre regard n'est pas hypnotisé par les musiciens, le groupe peut se reposer sur la plus grosse production de son histoire. Trois écrans géants et un horizontal en dessous de la batterie de Mike Portnoy immergent Dream Theater dans des vidéos de belle qualité. Alors oui on sent clairement qu'elles ont été générées par intelligence artificielle mais elles collent parfaitement aux différentes histoires et sont de meilleure qualité que les visuels proposés lors de la tournée The Astonishing.
Les plus observateurs remarqueront aussi quelques références cachées bien agréables. Niveau lightshow, le groupe a passé un autre niveau notamment avec l'utilisation de lasers et différentes ambiances qui soulignent la diversité des atmosphères musicales proposées.
Le premier set défile à toute allure avec différents morceaux piochés ça et là dans la longue discographie du groupe. On a apprécie entendre un morceau de l'ère Mangini joué par Portnoy : "Barstool Warrior" avec son côté très Rush. Et que dire de cette version démo de "Hollow Years" présente sur les démos de Falling Into Infinity ou le bootleg Cleaning Out the Closet. Même si Dream Theater se devait de jouer une set-list best of en finissant la première partie avec des singles comme "Constant Motion" et "As I Am", le combo sait aussi faire plaisir et surprendre ses fans.
Suite à une pause de vingt minutes pour se remettre d'un set déjà très intense, le groupe remonte sur scène après avoir diffusé un medley orchestral tiré de tous ses albums. On apprécie également et on espère que ce morceau sera disponible un jour. Même si la tournée porte sur les quarante ans du groupe, l'actualité de Dream Theater est chargée en nouveautés avec notamment un nouvel album intitulé Parasomnia prévu pour le 7 février.
C'est donc avec le premier single de ce futur album que la deuxième partie commence. Si ce morceau n'avait pas révolutionné la discographie du groupe et avait laissé une sensation de "titre composé par le Dream Theater de l'ère Mangini mais avec Portnoy à la batterie", il faut reconnaître qu'il passe plutôt bien en live. A voir donc avec le temps et surtout lorsque les fans auront pu le digérer. Rendez-vous l'été prochain pour la seconde partie de la tournée européenne.
Par contre, ce que les fans vont vivre après cette "découverte" est du domaine de l'orgasme prog. Le groupe a décidé d'achever le plus sceptique des spectateurs en déroulant une liste de morceaux impressionnante. Jugez plutôt : "Under a Glass Moon" le titre ultra prog d'Images and Words, un autre titre de l'ère Mangini, la très belle ballade "This is the Life", et ensuite le duo "Vacant/Stream of Consciousness" qui n'avait pas été joué depuis vingt ans !
Comme si cela ne suffisait pas, la deuxième partie se termine par "Octavarium" l'un des morceaux préférés des fans, durant vingt minutes, ode au prog old school. L'intro très Floydienne permet de mettre en avant Jordan Rudess qui a retrouvé son lap steel et son continuum, qu'il n'avait plus sortis depuis vingt ans. Le claviériste, qui depuis quelques années fait des efforts pour divertir ses fans, a amélioré son stand de clavier pivotant, en intégrant un écran qui réagit à la musique. C'est un plaisir de voir les touches noires et blanches réagir à son jeu et des visualisations de type Windows Media apparaître.
Si on ajoute son stand qui se penche pour faire admirer son doigté, la peinture très électrique de son synthétiseur et son clavier portable, le claviériste arrive souvent à faire de l'ombre à son compère guitariste John Petrucci. Et pourtant, c'est bien ce dernier le roi, le king, celui que beaucoup viennent voir. Il est impérial derrière son armada de guitares à six ou sept cordes, délivrant les soli avec facilité et bonheur.
Pour le rappel, Dream Theater n'a pas réfléchi longtemps et a décidé de sortir ZE classiques ! "Home", tiré du chef d'oeuvre Scenes from a Memory a une résonnance particulière avec le retour de Portnoy "à la maison". "The Spirit Carries On", bien qu'entendu maintes et maintes fois, joue toujours son rôle fédérateur. Et comment ne pas terminer par LE single, celui qui a propulsé le groupe au rang de roi du prog : "Pull Me Under".
Les fans quittent la salle ravis de la setlist, ravis de la prestation délivrée par tous les membres et surtout convaincus que ce line up n'aurait jamais dû changer. Alors que le groupe avait trouvé sa vitesse de croisière avec Mike Mangini et le dernier album A View from the Top of the World, cette tournée a mis tout le monde d'accord et rassuré beaucoup de spectateurs : "DT is back". Et si vous avez loupé cette tournée, deux bonnes nouvelles : le concert du 23 novembre à Paris a été filmé et le groupe revient pour plusieurs dates en France dont notamment le Hellfest, le Heavy Week-End, Guitare en Scène et le Positiv Festival d'Orange.
Un grand merci à nos deux photographes : DR : © Christian Arnaud 2024 et © David Poulain Live Photography 2024. Toute reproduction interdite sans autorisation des photographes.
Setlist
Metropolis Pt. 1: The Miracle and the Sleeper
Overture 1928
Strange Déjà Vu
The Mirror (avec la fin de Lie)
Panic Attack
Barstool Warrior
Hollow Years (version démo)
Constant Motion
As I Am
Entracte
Night Terror
Under a Glass Moon
This Is the Life
Vacant
Stream of Consciousness
Octavarium
Rappel:
Home
The Spirit Carries On
Pull Me Under