Le 24 septembre va sortir le nouvel LP des suédois chez Dark Essence Records, à peine un an après la sortie de Redefining Darkness qui lui ne portait déjà plus de chiffre romain. Ce dernier porte le 8 ½ - pas encore ma note mais on s’y approche. On s’attendait à un IX (ou un 9) mais Niklas Kvarforth sait nous surprendre, nous manipuler, nous offusquer…
Le visuel est assez sublime et inquiétant. Il est réalisé par l’artiste polonais Michal Pawlowski (miszaa.tumblr.com).
Même s’il s’agit du neuvième album du groupe, la numérotation « 8 ½ » est délibérée car Feberdrömmar I Vaket Tillstånd est composé de six titres issus des albums Livets Ändhållplats (2001) et Angst (2002), dans leur version originelle, au stade de la pré-production. Pour que l’album ne soit pas la succession de morceaux légèrement retravaillés, on y retrouve l’ajout de basses et de guitares réenregistrées et du clavier de Lars Fredrik Fröslie (Angst, Skvadron, Wobbler, Asmegin).
Mais là où l’on retrouve l’originalité de l’ouvrage, c’est que la partie chant de chaque morceau est assurée par six vocalistes différents de différentes nationalités dont seulement un titre est assuré par Niklas Kvarforth.
Pour compliquer le tout, les morceaux sont chantés dans la langue natale de chaque chanteur. On retrouve donc Famine de Peste Noire sur le premier titre « Terres des Anonymes » dont le titre était « Fields of Faceless » et que l’on retrouvait sur III - Angst - Självdestruktivitetens emissarie. Le chant est inquiétant et donne une couleur particulière au morceau. C’est cru, sans effet et totalement en accord avec l’esprit de Shining. La voix de Famine est malsaine, parfaite pour le titre. Le phrasé et le traitement de la voix donnent un sentiment de mal-être. Et quand arrive la nouvelle piste avec le piano, on est comme perdu dans un cauchemar inextricable où la voix est poussée dans ses derniers retranchements.
Le hongrois Attila Csihar, chanteur de Mayhem, crache ses paroles sur « Szabadulj Meg Önmagadtól » dont le titre était « Mörda dig själv... ». La voix s’approche, tout doucement au rythme lancinant du titre. Construction chère à Shining qui sait alterner passage violent et moment calme et ensorcelant comme un visage dans un miroir brisé. Par la suite le morceau explose, la voix parlée, très grave et profonde accentuant cette impression de douleur, un peu comme celle qu’utilisait Niklas il y a plus de 10 ans.
Pehr Larsson de Alfahanne qui a partagé un split CD avec Shining en 2012 chante quant à lui sur « Ett Liv Utan Mening » (Livets ändhållplats) apportant un côté plus doux au morceau. La voix est plus en retrait par rapport aux riffs tronçonnés à coup de médiators.
Gaahl (God Seed, Wardruna, ex-Gorgoroth) pose sa voix sur « Selvdestruktivitetens Emissarie » (« Självdestruktivitetens emissarie » sur III - Angst - Självdestruktivitetens emissarie). Il clame les paroles au début d’une façon très prononcée, puis crie, parle sur la fin. La voix est poussée très haut proche de l’animal juste après le break, là où Niklas vomissait plus son texte avec des cris proches parfois de l’hystérie. Ce break, tout en beauté, est parsemé d’arpèges à la guitare rondement bien menés où le piano vient se joindre dans un moment d’extase.
On retrouve l’ancien chanteur de Mayhem avec la présence de Maniac (Skitliv) sur « Black Industrial Misery » (« Svart industriell olycka »). Quel riff en ce début de titre qui vous martèle jusqu’à la souffrance tel un morceau indus ! Le chant écorche chaque parcelle musicale, se renvoyant l’écho du riff dans un duel perpétuel. La voix toujours aussi malsaine possède une approche et une frappe chirurgicale découpant tout sur son passage.
Ainsi Kvarforth cloture l’album avec « Through Corridors Of Oppression ». Il martèle les mots tels les rythmes de la batterie, ponctuant chaque phrase dans un univers onirique accentué par le clavier qui égraine ses notes aigues sur un parcours saisissant où sa façon de chanter est différente de celle utilisé par le passé.
L’idée de proposer une relecture d’anciens morceaux avec des approches vocales différentes est fort intéressant. Les chanteurs arrivent à s’approprier l’univers de Shining tout en cultivant leur propre singularité.
Lionel / Born 666