Il y a un peu moins de deux ans, le trio d'électro-rock NÄO nous avait bien bluffé avec son premier véritable album (le premier en tous cas à être distribué). Des beats électro puissants qui gardaient leur distance avec la pompe malheureusement trop fréquente des ténors du genre (à commencer par NIN). Le groupe est donc de retour avec III (qui sortira le 3 février), puisque dans leur numérotation, leur premier album autoproduit a semble-t il toute sa place. Un nouvel album qui prend le parfait contrepied de son prédécesseur : là où la précédente série de compositions avait été longuement rôdée sur scène avant d'être enregistrée, d'où un côté ultra efficace et assez brut de décoffrage, celui-ci a au contraire été patiemment élaboré en studio avant d'atterrir dans nos platines. Du coup, c'est assez logiquement qu'on obtient un album moins puissant, mais aux sonorités bien plus riches, soit l'évolution logique d'un groupe qui se dirige vers la maturité.
La musique de NÄO, si elle ne tutoie pas systématiquement des sommets d'inventivité mélodique, n'en est pas moins assez particulière : électro rock qui emprunte la puissance de NIN, des sonorités plus typiquement électro ("UFO", on rappelle également que leur label, Jarring Effects, compte notamment Ez3kiel dans son line-up), et surtout, ce qui nous intéresse ici, des ambiances fortement inspirées des bandes originales. C'est en effet en particulier sur ce point, quelque peu délaissé sur l'album précédent au profit de la patate et de l'immédiateté, que le groupe a concentré ses efforts. Les musiciens se disent notamment influencés par Clint Mansell, compositeur qui s'est fait connaître avec Requiem For a Dream et qui a plus récemment contribué à la BO du 3e volet de la trilogie vidéoludiue Mass Effect. Certains arrangements sont en effet assez reconnaissables ("Transfiguratio" et ses sonorités futuristes).
De façon plus générale, le groupe prend son temps et se laisse porter par sa musique. Les ambiances sont plus travaillées et les compositions s'apparentent plus volontiers à de courts voyages, en s'éloignant largement des structures classiques couplets / refrains auxquelles le groupe faisait encore largement appel auparavant, de sorte que les 10 pistes qui composent cet album (sans compter l'intro et l'outro, cette dernière est d'ailleurs particulièrement délirante et témoigne encore plus de la confiance qui habite le combo) sont bien plus intéressantes à suivre. Le précédent album était bon mais un peu limité, comme peuvent l'être parfois les albums de groupes excellents en live qui peinent à retrouver cette énergie sur album. Pas de problèmes de ce type cette fois-ci : le groupe dévoile un arsenal de sonorités assez impressionnant et a acquis suffisamment d'assurance pour creuser sa personnalité. Pour couronner le tout, si NÄO y perd bien sûr un peu en puissance, il n'a pourtant pas remisé l'énergie au placard ("out of the sky").
Comme chacun sait, sans maîtrise, la puissance n'est rien. Cet adage popularisé par le bonhomme Michelin s'applique parfaitement ici. L'électro rock instrumental du trio prend sur ce III une nouvelle dimension et vient confirmer tout le bien qu'on pensait de la formation. La formule instrumentale pourra en décontenancer certains, mais pour le reste, il paraît difficile de rester insensible aux efforts consentis par le combo pour progresser et se démarquer. La seule question, c'est de savoir si les concerts de NÄO ne vont pas perdre un peu en pêche, et si son public va apprécier ce changement (encore que si les concerts ressemblent à ce qu'on voit dans le teaser...). On verra en concert, mais en studio, c'est du tout bon.