Contextualisation : Quand j'ai des petits soucis de plume en panne, des collègues bienveillants (la bonne blague) volent immédiatement à ma rescousse. Ainsi, remerciements (ou pas) à ma collègue Amaurea et ma confrère de French Metal, Gloomy, pour le défi du jour : caser « à brûle-pourpoint », « délétère », « biseauté », « tractopelle » et « médicament » dans cette chronique.
Je vous le déclare à brûle-pourpoint : mon inspiration s'en est allée. Ô toi, délétère page Word, pourquoi ainsi me narguer avec ta blancheur immaculée ? Difficile de remplir quelques lignes dans de telles conditions. S'il existait un médicament pour palier à ce problème qui survient chez tout chroniqueur ne serait-ce qu'une fois dans sa vie (du moins je l'espère, sinon je me sentirais bien seul), nul doute qu'il ferait des miracles parmi cette confrérie d'écrivains. Sitôt le problème déclaré, ce cher Ju de Melon vint avec une solution qui, apparemment, relève tout simplement du prodige.
Je cite ses mots (pourquoi ne me suis-je pas méfié ? Pauvre de moi) : « Tiens, prend donc du Vintage Caravan, ça va te redonner foi en l'écriture ! ».
Et me voilà à devoir vous parler de la nouvelle petite sensation rétro de Nuclear Blast. Une espèce de grande mode en ce moment pour le label allemand (avec le metalcore, dont on passera la qualité des sorties sous silence) qui sait que ça marche très bien et se frotte les mains : Blues Pills, Orchid, et maintenant The Vintage Caravan, ce jeune trio islandais de hard rock ne devait certainement pas rêver mieux pour une première livraison. Arriver en si peu de temps à conquérir une maison de disque Ô combien respectée et imposante dans le monde du metal, ma foi, c'est quand même un joli petit exploit. Bref, Voyage a intérêt à tenir ses promesses et à me permettre de faire quelques lignes sans avoir l'impression de tourner en rond. D'ailleurs, c'est drôle mais autant j'ai l'angoisse de la page blanche, autant quand je commence je ne sais plus m'arrêter parfois. Et ça, ça me rappelle une anecdote, qui date d'il y a fort longtemps. Faudrait que je vous la raconte parce que c'est drôle et que …
BREF je m'égare.
Dans le hard rock, on peut s'attendre à se faire accueillir avec la grâce de la tractopelle. Or, ce ne sera pas le cas ici. « Craving », sympathique opener, nous place immédiatement dans le bain et reste plutôt représentatif de la tendance générale amorcée dans Voyage. Il faut donc comprendre qu'on ne trouvera absolument pas la moindre once d'originalité au sein des neuf pistes proposées par nos trois compères headbangers, et, surtout, que (et c'était prévisible vu le nom) l'effet madeleine de Proust est au rendez-vous. On se replonge donc tout droit dans les années 70, pour le plus grand bonheur des amateurs de cette époque. Nos amis nordiques ont certainement avalé toute la discographie de Black Sabbath et consorts, recrachant ainsi leurs influences qui sont tout à fait bien digérées. Ainsi, l'entrée en matière est prometteuse : le refrain est efficace, les riffs intelligemment bien trouvés et le morceau, lui, simple mais diablement efficace. Enfin, il le serait encore plus sans la fin comblée par des « yeah yeah yeah » dispensables. Mais c'est un détail, après tout.
Votre mission, si vous l'acceptez : préserver The Vintage Caravan des hipsters.
La question est donc : « de quelle façon The Vintage Caravan se démarque du lot ? ». A cela, on répondra par « The Kings Voyage ». Ce morceau est une pure tuerie, qui, pendant douze minutes, nous livre tout ce que la formation sait faire de mieux sur un plateau d'argent. En plus d'une qualité d'exécution tout bonnement impeccable et d'un chant qui tient plus que bien la route, le morceau se paye le luxe d'être varié, adroit et d'instaurer une atmosphère intense qui prend aux tripes et ne lâche qu'une fois cette pièce maîtresse terminée. Judicieusement placée en fin de course, la piste permet de conclure Voyage sur une note extrêmement positive et de se dire que, pour des musiciens ayant à peine atteint la vingtaine d'années, il y a tout de même une sacrée maîtrise instrumentale et des idées parfaitement exploitées. On pourrait écrire un long texte dithyrambique et ne parler que de ce titre, mais ce serait plutôt injuste pour le reste de la livraison. Enfin pour une partie seulement.
Voyage est une réussite, mais qui n'évite malheureusement pas l'effet montagne russe et donc les moments de vide. Quand le groupe joue dans les formules plus classiques et ne prend que peu de risques, on reste sur notre faim. C'est le cas de « Expand Your Mind » et de « M.A.R.S.W.A.T.T. », tombant dans le recyclage de mélodie et perdant grandement en intérêt, créant ainsi une sorte de moment creux. Ok, le refrain de la seconde nommée est plutôt attractif, mais ce n'est pas non plus une tuerie. Il est étrange de constater que The Vintage Caravan serait presque lunatique : tantôt jouant avec beaucoup de passion et capable d'envoûter son auditoire (« Do You Remember », « The Kings Voyage »), tantôt en pilotage automatique, incapable de déclencher la moindre étincelle d'émotion. Heureusement, ces moments sont bien plus rares et même s'ils représentent un tiers de l'album (les deux pré-cités et l'ennuyeuse « Midnight Meditation » aux aigus lourdingues), il y a réellement de quoi s'enthousiasmer devant l'offrande.
Car dans le rayon des tueries, la très rock et dynamique « Cocaine Sally » et son successeur « Winterland » font très fort. La seconde, mélancolique à souhait, démontre toute l'étendue du talent de notre frontman Óskar Logi Ágústsson, qui s'en tire véritablement avec les honneurs. La voix du chanteur islandais s'adapte à tout ce qu'elle touche, et bien qu'elle mérite de gagner encore un tantinet de maturité, le potentiel affiché ici est énorme. Juste, varié et précis, le jeune homme est surtout très expressif et semble vraiment impliqué dans ce qu'il chante, notamment dans l'exercice des mid-tempos où le côté intimiste lui sied à merveille.
Ainsi, dans son ensemble, cette première galette est tout à fait satisfaisante. Disposant de moments forts et de plusieurs titres de qualité, Voyage est une carte de visite alléchante, bien qu'imparfaite. Les petites ratés de l'opus compromettent légèrement la bonne tenue générale d'un disque qui donne tout de même envie de mesurer le potentiel scénique de ces islandais. Leur seconde offrande se fait donc attendre, mais cette livraison plutôt agréable devrait aider à nous faire patienter.
PS : biseauté.
Moi aussi, si je veux, j'ai une belle caravane très vintage (merci Mallis).