Bien choisir son nom, quand on se lance dans la musique, c'est important. Parfois, les choix peuvent être tristement regrettés. D'autres victimes de moqueries. Et dans le cas présent, empêcher un chroniqueur de se concentrer autant qu'il le souhaiterait en lui mettant en tête un générique quelconque. Voilà, coup de gueule passé.
Car quand on dit le nom Conan, j'ai tendance à penser à ça :
Elle était facile, c'est vrai.
Ou bien ceci :
Non, ce n'est pas une nouvelle photo promo de Manowar.
Ou encore :
Et va donc te sortir ça de la tête.
Mais rien de tout cela aujourd'hui. Notre Conan à nous, c'est un trio britannique qui a eu le grand bonheur de signer sur Napalm Records pour la sortie de son second opus, Blood Eagle. Au visuel et aux photos, on devine tout de suite qu'on aura à faire à du bon vieux doom, ce qui n'étonne plus vu que ça semble être une mode chez le label autrichien. Entre les signatures de Bloody Hammers ou encore des excellents Alunah, avoir dans son rang une nouvelle formation évoluant dans ce créneau n'a donc plus rien d'une surprise. Ceci dit, vu que signature n'est pas forcément synonyme de qualité (n'est-ce pas Mayan?), il n'y a qu'un seul moyen de juger ce que vaut de cette livraison. D'autant plus que la précédente, Monnos, était loin d'être d'excellente facture. Bref, voilà qu'ils sont attendus au tournant.
Sauf que les choses ont changées depuis, et qu'une forte amélioration a eu lieu en deux ans. Si leur recette ne semble pas avoir changé d'un iota (production très brut de décoffrage, chant éloigné et bourru), voilà que, dès le premier titre, Conan semble enfin avoir compris comment aligner des riffs certes simplistes mais très accrocheurs, ce qui offre donc un aspect bien plus prenant que par le passé. Il suffit d'écouter une piste du calibre de « Foehammer » pour s'en rendre compte : voilà qu'à présent, la formule fonctionne. Très basique en apparence, l'ensemble est pourtant bien pensé et l'instrumentale, composante majoritaire de la musique de Conan, fait presque tout. Les quelques interventions vocales ne tournent pas au ridicule et permettent d'apporter un effet rugueux aux morceaux. S'ils ne semblent pas indispensables au début, les écoutes successives du disque nous font comprendre qu'il serait difficile d'imaginer Blood Eagle sans elles.
Car leur aspect éloigné ne change rien au fait que ces chants s'intègrent à merveille à cet ensemble massif, imposant et résolument lourd. La combinaison de ces deux éléments est extrêmement bien pensée et ficelée, offrant un fil conducteur et une dose d'énergie supplémentaire. Cela dit, l'opus présente deux défauts un peu encombrants : premièrement, un manque d'originalité qui ne leur laissera pas l'occasion de prétendre à entrer en division supérieure. Si l'album est bien écrit et composé, il subsiste toujours ce petit côté ''j'ai déjà entendu ça ailleurs''. L'autre problème vient de cette tournure très monolithique des événements. Suffisamment diversifiée pour ne pas tomber dans le linéaire, la musique du trio anglais se base parfois sur des automatismes qui laisseraient penser que les trois hommes ne sont pas toujours des plus inspirés. Fort heureusement, rien de particulièrement gênant, surtout quand les meilleures pistes valent véritablement le détour.
Grumpf
« Altar of Grief » est une réussite majeure, où l'impact de la guitare est impressionnant. Celle-ci façonne les ambiances et happe aux premiers instants. Du coup, les neuf minutes passent très rapidement, notamment grâce à ce côté répétitif volontaire qui contribue fortement à la mise en place de leur aspect prenant. « Crown of Talons » et « Foehammer » sont également envoûtantes, mais leur édifice n'est pas une pâle copie du titre sus-cité. La première nommée met le chant plus à contribution, celui-ci ne se faisant pas prier et déclamant les paroles avec conviction, toujours caché dans les brumes. « Total Conquest » est également construite de manière à marquer, grâce à ses changements de rythme et son petit jeu de batterie, en fond, qui ne manque pas d'être percutant. On a vu bien pire dans le genre, et ces anglais peuvent d'ailleurs se targuer de ne posséder aucun titre faiblard sur leur galette !
On retiendra donc ici un bond en avant, une fournée bien plus digeste et consistante que leurs œuvres passées, bien moins convaincantes. Blood Eagle n'est pas non plus un incontournable mais marque de réels progrès de la part de Conan. Des morceaux plus travaillés mais gardant toujours cette apparente simplicité, une dimension accrocheuse fort bien exploitée et un chant discret mais ne jouant jamais le rôle de figurant, le tout porté par ce son capable de mettre en valeur chaque élément. Les fans de doom peuvent prêter une oreille à cette livraison, bien que le terme, vague, devra être pris avec des pincettes : si vous préférez Swallow the Sun et qu'Electric Wizard vous rebute, il y a peu de chances que ceci parvienne à vous conquérir. Les autres seront sûrement satisfaits. A voir maintenant comment tout cela tiendra la route en concert et ça tombe bien, devinez qui se produira justement au Hellfest cette année ?
Note finale : 7,5/10