Plus de vingt ans que Walther Gallay officie dans le groupe Café Bertrand, forcément connu de vous, auditeurs de La Grosse Radio. Vingt ans d'un rock énergique, parfois rageur, chanté en français et plusieurs centaines de dates au compteur dont de prestigieuses premières parties de Deep Purple, par exemple (on y reviendra). Et voilà que le bonhomme trace pour la première fois un petit bout de route de son côté avec Stigmates, ce premier album solo comme un cadeau à lui-même (et à nous autres auditeurs, bien sûr) pour fêter dignement ses 43 ans qui sonnent tout juste.
Walther moins Café Bertrand, opération qui pouvait sembler aussi impossible que la division par zéro tant l'un est forcément associé à l'autre.
Alors quoi ? Quel objet est ce Stigmates qu'il nous présente ? Simple troc de noms sur la couverture (on retrouve sur le disque Alain Perusini, l'un de ses camarades de jeu), copier-coller des ses aventures antérieures ou petit exercice de style sans conséquence ? Rien de tout ça bien entendu, sans quoi vous n'auriez pas l'occasion de lire ces lignes.
Stigmates colle au plus près du personnage qui, s'il n'a jamais hésité à mettre en texte et en musique ses expériences et ressentis, devait nécessairement endosser le costume du chanteur de Café Bertrand. Et quand ce filtre tombe, Walther met ses tripes sur la table. Un opus rempli de ce qui l'aime et l'influence. Rempli de rencontres également et parfois très éloigné de la production des CB.
Le premier morceau "Bonheur Potentiel", à l'intro électronique, donne le ton d'emblée. Le tempo lent et les sonorités lancinantes de la guitare électrique se marient à merveille avec la rythmique électro et les claviers (assurés tour à tour sur l'album, ici par Remy Delcastillo -Tio Pépé- et plus loin par Don Airey -Deep Purple- ). Walther y déroule un phrasé et des lignes mélodiques qui s'éloignent du genre rock pour lorgner du côté de la chanson française, donnant une teinte nettement plus personnelle et permettant une vraie mise en avant de ses paroles.
Drôle de paradoxe posé par ce disque. Pour nous parler au plus près de lui et faire transpirer sa sensibilité, Walther convoque... d'autres. Sans même parler de la liste impressionante de guests (Roger Glover à la basse, sa fille Gillian Glover aux choeurs, Don Airey au clavier donc, mais aussi Stéphane Avellaneda -Ana Popovic-, Christophe Graciet -The Very Small Orchestra-, Jean-Paul Avellaneda -Mercy-, Jean-Luc Maza -Sedlex- etc ) il parsème l'opus de citations et clins d'oeil.
Les plus nets arrivent dès le troisième morceau "Histoires de Gamins" où Mano Solo est cité d'un bout à l'autre. Vocabulaire, mélodies, musique hispanique / gitane, citations ("les dessins de Mano" et, plus loin, "A dix ans du matin" - référence transparente au morceau "15 ans du matin" du chanteur) pour un hommage superbe. Peut-être mon morceau préféré de l'opus.
Le morceau suivant "Stigmates", qui donne son nom à l'album est plus proche de ce que nous connaissons de Café Bertrand. Du rock français, donc, dans la droite ligne d'Eiffel auquel ce titre fera penser, ce qui n'étonnera personne puisque c'est bien dans cette famille que nous classerions les albums de son groupe d'origine. Texte ciselé, jeux de mots et images qui font mouche ("le serment du jeu des paumés")
Victoria : Walther Gallay (Café bertrand) feat Don Airey (Deep Purple)
Le reste du disque nous réserve de belles surprises, de "Victoria" -Rock énergique- et les superbes nappes synthétiques de Don Airey, aux rythmes Reggae-Ska (Si !!) de "N'importe Quoi" - tous cuivres et basse lourde et résonnante dehors - en passant par le rock bluesy de "Y a des Gens", la slide guitare et le rythme déchirant de "Presque Mort", en enchainant sur les sonorités orientales ("Les âmes en fougue") ou le bon gros rock sale et la voix saturée ("In Nomine Patris"), tout est chaque fois différent. Et pourtant, tout se tient.
Le lien qui fait tenir cet assemblage de genres hétéroclites, c'est évidemment l'artiste lui-même qui a conçu cet album comme un cadeau en 12 pistes, surprenant chaque fois, jusqu'à l'ultime étape où, après avoir chanté en français d'un bout à l'autre, il nous décoche son seul titre en anglais "In a moment" reprise de Stereophonics. Pas de doute Walther se fait plaisir, se marre, nous étonne jusqu'au bout. "Tu t'y attendais à celle-là ?"
Un indispensable pour les fans de Café Bertrand qui découvriront là un Walther Gallay inattendu. Un indispensable aussi pour ceux qui voudront découvrir l'artiste et aborderont son oeuvre par son côté le plus intime. Un disque fort dont je conseille l'écoute à l'ensemble des autres. Aussi.
--------------------------------------------------------------------------------
Stigmates, Walther Gallay
sortie officielle : 31 mars 2014 (depuis le 9 mars sur walthergallay.com )
- Bonheur potentiel
- Changer le Monde
- Histoires de Gamins
- Stigmates
- Victoria
- Y a des Gens
- Presque Mort
- N'importe Quoi
- Passé par Là
- Les Âmes en Fougues
- In Nomine Patris
- In a Moment (Stereophonics cover)
- Guests :
Stéphane Avellaneda (Ana Popovic) Batterie
Alain Perusini (Café Bertrand)Basse
Roger Glover (Deep Purple) Basse
Don Airey (Deep Purple) Clavier
Jean-Paul Avellaneda (Mercy) Guitare
Carl Wyatt Electric Slide & Dobro
Gillian Glover Voix
Remy Delcastillo (Tio Pépé) Clavier
Frédéric Latarsa (Les Ecorchés) Guitare
Alfredo Rogante (Personne) Guitare
Dj Kep Dany Machines & Programmation
Christophe Graciet (The Very Small Orchestra) Harmonica
Alexandre Schneiter Trompette
Matteo d'Amico Trombone
Michaël Borcard Saxophone (Arrangements Cuivres)
Jean-Luc Maza (Sedlex) Guitare