J'ai profité de l'occasion du passage de Brahim et de Manudigital en première partie des Danakil au 106 de Rouen pour réaliser cette interview. Brahim est au-devant de la scène reggae en France depuis plus de vingt ans maintenant, et garde toujours autant de fraicheur, de spontanéité, de simplicité et d'ouverture d'esprit. Il revient aujourd'hui pour nous présenter son nouveau projet avec Manudigital s'intitulant "Déconnecté", qui sortira sous le label Baco Records pour la rentrée 2014. Après avoir partagé un peu avec tout le monde présent, on va trouver un peu de calme dans le salon du Bus du Danakil tour pour échanger un petit moment.
Ras-Pierro: Salut Brahim, merci de me recevoir au nom de La Grosse Radio Reggae. Tu viens nous présenter ce soir ton nouveau projet avec Manudigital, peux-tu nous en dire un peu plus?
Brahim: L'album est beaucoup plus "digital", un peu moins "reggae"; c'est un petit retour aux sources, j'ai commencé dans les années 90 avec le digital, donc ça fait pas de mal. Manudigital joue les riddims et moi je pose. On est parti sur le truc pour faire quelque chose de plus minimaliste, avec la patate, taillé pour la scène, à l'ancienne. C'est un peu mi-Sound-system mi-Live.
Ras-Pierro: Quels thèmes avez-vous eu à coeur d'aborder sur cet opus?
Brahim: J'aborde les thèmes selon mes humeurs, on écrit la vie. Il y a un morceau qui s'appelle "J'dors pas la nuit" où je parle d'insomnie, je suis le premier concerné (rires...). Dans les années 90 je faisais beaucoup de morceaux comme ça, un peu à l'instinct, très rapides. Il y a aussi "J'allume la télévision" dans le même concept; j'essaie toujours d'aborder des thèmes nouveaux et qui concernent une masse de gens. Il y en a qui reviennent toujours aussi, parce que déjà je suis un militant, j'ai commencé à faire de la musique parce que j'ai envie de dire les choses, donc ça c'est toujours là. Et il y a toujours malheureusement des choses à dire.
Ras-Pierro: Comment s'est passé ta rencontre avec Manudigital et comment s'est construit ce projet?
Brahim: Avec Manu, ça fait longtemps qu'on se connaît, j'ai un problème avec les dates (rires...). Ca doit faire sept ou huit ans, il m'a branché au départ pour faire des dubs-plates en sound system en mode "Digital Sound System"; on a bien kiffé les vibes de chacun, et ensuite il m'a rebranché et on a fait des dates avec un band, ça s'est fait naturellement. J'ai fait "Sans Haine" avec Kubix qui était aussi du band KGB, c'est toujours un plaisir de faire de la musique avec des gens que tu apprécies, on s'entend dans la vie et dans la musique.
Ras-Pierro: Quel sujet actuel te donne envie d'écrire?
Brahim: Il y a plein de choses, trop de trucs!!! J'ai un morceau qui s'appelle "Le Sable", et qui dit ( en chantant) " pendant que certains ne mangent que du sable, d'autres s'offrent la vie bien confortable, alors dites-moi comment voulez-vous, que ce monde tourne aussi bien qu'une roue", tu vois le délire. Ca m'a toujours touché ces sujets, en gros, ne t'étonnes pas si il arrive tant de trucs de fou tant qu'il y aura autant d'injustice. Il s'appelle "Déconnecté" cet album car il y a des thèmes de déconnections, il y a un morceau qui s'appelle "La Jungle" et qui parle de la déconnection entre les parents avec leurs enfants, du décalage entre les générations, entre les riches et les pauvres, entre ce qu'on veut bien nous montrer et ce qu'il en est vraiment.
Ras-Pierro: Quelles sont vos projets avec cet album?
Brahim: On pense sortir des clips, un maximum. Ca devrait arriver pas loin de la sortie de l'album. On est aussi en première partie de certaines dates de la tournée de Danakil, et on aura aussi d'autres dates. On est là pour jouer, on veut faire vivre la musique.
Ras-Pierro: avec ton expérience, quel regard as-tu sur l'évolution de la musique depuis tes débuts?
Brahim: Je trouve que le reggae a changé, et c'est comme dans tout pour moi. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, il y a plus de forme que de fond... Pour moi le reggae c'est du "Blues" ( avec l'accent), et c'est moins comme ça maintenant, c'est l'époque qui veut ça. Que ce soit dans la musique ou dans plein d'autres choses, les hommes tuent tout ce qui a une âme sur cette terre. Et pour moi, quand il n'y aura plus d'âme nulle part, tout sera mort. C'est moi qui dis ça, ça n'engage que moi (sourire). Tout est superficiel, j'aime les groupes qui disent les choses et c'est ce qui m'a attiré vers la musique. Après je fais aussi des chansons basiques, des titres plus fun.
Ras-Pierro: Merci d'avoir partagé ce moment, merci de ton naturel et de ton énergie, Big Up.
Brahim: Big Up à la Grosse Radio, toujours militant.
