Herrschaft + Soror Dolorosa + The CNK au Petit Bain (26.04.14)

On l'attendait avec impatience, la soirée au "Little Bath", dont Zoé (aka Gatsby le Magnifique) - simultanément guitariste / manitou du groupe Herrschaft, et bassiste de The CNK - nous avait fait grand cas ici-bas ! On avait adoré Les 12 Vertiges, toute dernière production discographique des Herrschaft, et également Révisionnisme, dernier rejeton de The CNK ; aussi, nous nous délections d'avance à la perspective de l'Alliance - avec un grand A - de ces deux fleurons du mauvais goût, du shock rock qui fait bien tâche, et de l'humeur gothico-hallucinogène. Agrémenté d'un invité spécial un peu plus "feutré" si l'on puit dire - le groupe Toulousain Soror Dolorosa (du latin : les soeurs douleur) - le programme teinté d'un fort esprit d'individualisme, de "do it yourself", et d'anti-conformisme, pouvait ainsi démarrer et le cortège funèbre dans la longue file d'attente du Petit Bain se mettre à flot.

 

HERRSCHAFT

 

Après plusieurs années d'absence de la scène, c'est dans un contexte particulièrement flatteur que les Herrschaft choisissent de présenter en live leur come-back. Backé par deux musiciens de session - le bassiste Denis (Alt) et le batteur Rul (K.A., Displeasure) qui apportent une touche organique et metal - c'est dans une salle déjà comble que le groupe électro-indus débarque. Les deux premiers morceaux attrapent à la gorge, et provoquent instantanément l'engouement du public. Puis, devant la carence évidente en marque du malin (comprendre : en présence féminine), le screamer BzD appelle alors à la barre la guest vocale des 12 Vertiges, Miss Jessy Christ (Syndro-Sys), pour quelques envolées lyriques en japonais sur le titre "Kimi Ga Yo". Mais pas que... car la demoiselle screame aussi. Seulement voilà, lorsque celle que l'on s'attend à entendre exclusivement gazouiller éructe avec plus de coffre que le lead, on se dit que péril en la demeure il y a. Car s'il possède un timbre fort intéressant, rappelant quelque peu les sonorités d'un Shagrath, force est d'admettre que question mise en place et "volume" scénique, et bien.. ça aurait pu être bien mieux.

 

Il en va de même pour la cohésion entre tous les membres du groupe ; car même si la bonne volonté est manifestement là (on retiendra notamment un MaX parfaitement déchaîné aux synthés / voix), la sauce du jeu scénique peine à prendre, et au bout seulement de la quatrième chanson, la liesse des tout premiers titres retombe. Or, si le groupe en était à un coup d'essai, clémence serait de bon aloi. Mais lorsque l'on sait qu'il accuse pourtant une décennie de vieillissement dans le fût, on est déçus que le cru ne soit pas meilleur. On restera ainsi sur notre faim, quand bien même il s’avérera un plaisir d'entendre enfin portés en live les excellents titres du dernier album. 

 

Setlist :

Intro
Human Soul
Kimi Ga Yo
The Defenders
I Am The One
Chaostructure
Haunting Torture
Disorder Mind
Apogee
Bloodpulse
Gates To Dreams
Outro

 

SOROR DOLOROSA

Notre maître de cérémonie nous avait, en amont, annoncé en guise de passerelle à ses deux groupes à lui, un groupe Toulousain de coldwave, mené par ni plus ni moins que l'artiste responsable des superbes clichés ornant le Révisionnisme de The CNK. On vous avait ainsi annoncé, à notre tour, que la soirée serait placée sous le signe d'artistes polymorphes et multi-talents. On ne savait, en réalité, pas trop à quoi s'attendre avec le groupe en question, et lorsque celui-ci débarque, instillant un doom lancinant sur lights très tamisées, et que l'on entend les premiers commentaires fuser (Jean-Gaston, qui baille dans le dos de votre fidèle serviteur, un : "ouh pinaise, v'là du rock suicidaire..."), on se dit que les carottes sont cuites.

 

Prenant tranquillement leurs marques sur les deux premiers titres de leur répertoire, les Toulousains vont opérer dans le sens inverse de leurs prédécesseurs sur la scène de ce soir. Lentement mais surement, et à coup d'aisance scénique manifeste, ils vont réussir l'exploit de convertir progressivement le public du Petit Bain à leur musique et à leur univers. Dans un style qui rappelle tout aussi bien Nick Cave & the Bad Seeds, The Sisters Of Mercy, ou encore les tout premiers U2, la musique du groupe opère une jonction improbable entre le metal electro-indus et le black metal / indus des deux autres cerbères de la soirée. On sent l'expérience de la scène, et à grand renfort de lights très chouettes et de chansons béton, c'est tout naturellement que Soror Dolorosa arrivera à charmer les serpents. Doté d'une physionomie qui rappelle le Santiago d'Entretien Avec Un Vampire (Neil Jordan, 1994), et dans un jeu scénique proche d'un Jim Morrison ou encore d'un Iggy Pop, le chanteur Andy Julia se lézarde et promène l'assistance le long des berges de la mélancolie, pour casser parfois le rythme avec des cris du désespoir dignes d'un Munch.

 

Sa troupe & lui captivent l'assistance, que celle-ci ait une inclinaison goth-batcave ou pas. Point besoin d'extravagance ni de tricks particuliers, la sauce prend ici, en toute simplicité et de manière tacite. La musique du groupe s'invite dans notre imaginaire, sans coercition. Le programme va aller crescendo, et sera couronné de succès, jusqu'au point d'orgue où le public se mettra à danser, le plus simplement du monde, comme en soirée goth ! Gros coup de coeur de la soirée donc, que ce groupe inconnu au bataillon pour les hordes de metalleux, mais jouissant en revanche d'une certaine renommée dans le pendant "dentelles et croix celtiques" de notre belle sphère musicale dense ! 

 

Setlist :

Hologram
The Figure Of The Night
Sound & Death
Autumn Wounds
Low End
Beau Suicide
Trembling Androgyneous
Cathodicum

 

The CNK

Il faut trois arguments pour étayer une thèse, selon Platon, et c'est ainsi à The CNK qu'incombe la tâche de conclure le débat de la night ; à grands renforts de paillettes, de poings américains, et de carabines. C'est encore empreints de la magie de leur dernier show au Divan du Monde l'an passé que l'on prend place dans la fosse aux lions ; magie d'un show dithyrambique au cours duquel le groupe dégommait gentiment et avec un second degré insolent : mythes, thèmes et sujets qui avaient hanté l'imaginaire de notre douce France au cours des mois précédents. Votre serviteur vous en avait narré les détails (cf. notre live report de mars 2013), et c'est ainsi avec impatience que l'on attendait de voir les nouvelles surprises que le groupe nous avait préparé pour l'Alliance symbolique.


Passant en revue ses classiques, avec pour toile de fond le très controversé Varg Vikernes, et autres images affriolantes, The CNK oeuvre pour un show correctement agencé, fort visuellement - comme d'habitude - et avec ce savant mélange de glamour et d'infâme. La voix et la présence de Rose Hreidmarr sont toujours aussi convaincantes ; les guitares d'Heinrich et Zoé bien en place ; Fabrizio à la batterie pas toujours très carré (on se demande d'ailleurs pourquoi la grosse caisse est déjà pré-enregistrée ?) mais diantre qu'il est beau... Le groupe parvient comme à l'accoutumée à saisir ainsi parfaitement l'enjeu rock'n'roll du live, où l'on vend finalement du rêve de glamour (et d'infâme aussi, donc).

 

Ponctué par quelques rebondissements "pirouette-cacahuète", et par l'irruption de petits soldats et guests issus des autres groupes à l'affiche, le show de ce soir tient ses engagements... Mais sans plus. Le groupe se contente de produire le minimum syndical, en reprenant, à peu de choses près, le show de l'an passé. Or, que proposer de plus exponentiel, après un show si réussi l'année dernière, si ce n'est peut-être un sacrifice humain à présent ? Que demande le peuple ? Du pain et des jeux (ou du Boursin) ? Le problème qui se pose est comme celui soulevé sur la prestation d'Herrschaft : les attentes suscitées sont parfois telles, qu'un résultat correct frisant le jeu de la sécurité ne peut décemment satisfaire celles-ci. C'est de la sensation de rester sur sa faim, que l'on devra se contenter ici.

 

Coup de coeur tout de même pour cet exploit qui caractérise nos anti-gendres idéaux favoris : celui de réussir à faire chanter son public sur le medley popisant de l'infect Gary Glitter ("Do you wanna touch me ?" / "You are the cutest angel face ; I'm gonna make you my angel face") ou encore sur la cover, en rappel ultime, de Dead Or Alive, et de réussir à fédérer aussi bien le Cro Magnon qui growle, que le dépressif en haillons, et enfin la midinette à robe à petits pois jaunes. 

 

Setlist :

Intro / Moochie's Death
Dinner Is Ready
Jim Beamed
Total Eclipse
Bunkermoon
Cosa Nostra Klub
I Am The Black Wizards (cover Emperor)
The Doomsday
Kommando 96
Political Police
Streetfight
Gadd Ist Gott (medley cover Gary Glitter)
Sabotage (cover Beastie Boys)
Get A Gun
Spin Me Round (cover Dead Or Alive )

Après les trois shows successifs, le public se délectera de l'after endiablé Kiss The Boys & Make Them Die animé par les Transylvaniennes Corina & Maria, et se défoulera sur le dancefloor du Petit Bain jusqu'au petit matin. Dans l'ensemble, il faut saluer le travail des groupes et de toute l'équipe derrière eux, pour une soirée extraordinairement réussie, et placée sous le signe d'une camaraderie qui force le respect. Ambiance plutôt classieuse, salle très sympathique, et un programme complet planifié par l'Alliance, de l'ouverture des portes aux premières lueurs de l'aube.

Liens utiles :

The CNK
Soror Dolorosa
Herrschaft
Dooweet

Photos : © 2014 Arnaud Dionisio / Anantaphoto
Toute reproduction interdite sans autorisation écrite du photographe.

Merci à Zoé, Chris & l'équipe de Dooweet

 



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