En me demandant quel album chroniquer, j'ai été interpellée il y a peu par Ouija, groupe de rock progressif originaire de Compiègne. Un petit goût indéniable de Peter Gabriel à l'écoute des premières notes d'une chanson venait de me faire saliver, et j'étais bien tentée d'aller voir ce qui ce cachait dans Addiction, premier album sorti il y a quelques mois sur le label Musea.
"Si le Ouija est un jeu divinatoire où l'on invoque les esprits, Ouija le groupe, lui, est clairement habité par les démons du rock progressif."
L'album présente tous les ingrédients de bonnes compositions progressives : des rythmiques impaires à gogo, des boucles lancinantes de clavier, des riffs de guitare précis et efficaces, une basse bien dégagée, un chant stylé, le tout assemblé sous forme de morceaux anglophones accessibles et d'une durée raisonnable. On a de quoi faire plaisir aux amateurs du genre, comme à ceux lassés par l'éloquence sophistiquée d'un progressif parfois trop nombriliste.
"All inside you" ouvre l'album sur un ton plutôt énergique, mais les accents quasiment gothiques de la deuxième moitié du morceau laissent imaginer un ensemble plutôt sombre, ce que ne dément pas la suite du disque. Les morceaux remplissent bien leur fonction, et on entre avec plaisir dans les contrées mélancoliques offertes par le groupe.
Le mix est propre et agréable. Le travail des sons est intéressant, et on reconnait asez facilement les influences progressives. Ouija cite évidemment Robert Fripp et King Crimson, Yes, Genesis et Tool dans ses sources d'inspiration ; le parfum de the Police qui traine parfois également ("Nothing has really changed") n'est pas pour me déplaire.
L'album a pour lui de prendre son temps, de nuancer les ambiances, et on se surprend assez vite à mémoriser quelques mesures d'une chanson. Ouija veut toucher nos sens (certainement une des significations de la pochette de l'album qui illumine le lobe pariétal d'un cerveau), et s'y prend de manière soignée. Un des intérêts du progressif étant aussi la surprise, au delà des changements de rythmique ou d'ambiance, on ne peut qu'apprécier l'interlude inattendu d'"Addiction", ou l'exotisme bien dosé d'"I'm looking for somebody".
"Addiction" clôture le bal, avec ses jolis petits riffs angoissants. On s'amuse à imaginer la bande son d'un film d'Hitchcock, auquel on ne peut s'empêcher de penser en regardant un des graphismes du groupe.
Le seul reproche que l'on peut faire à Ouija serait malgré tout une certaine linéarité. Le style accrocheur du début de l'album a tendance a se répéter un peu trop sur la longueur, ce qui donne l'impression malheureuse que le groupe est au bout de son inspiration, ce qui serait étonnant. Le chant en particulier, a cet avantage d'être très typé (dans le doublage et l'intonation par exemple), mais tourne un peu en rond dans son approche ; il gagnerait à s'essayer à d'autres formes d'expérimentation, d'autant plus que le timbre de voix est intéressant et mériterait d'être développé.
Si je pouvais donner un autre conseil aux Ouija, ce serait également de donner un côté plus personnel à leur communication. On aimerait plus d'informations sur le groupe (mais qui sont donc les Ouija ???!!), une interaction plus grande avec son univers (ex : les paroles des chansons en accès libre, des infos sur les projets du groupe...), et cela manque à mon sens lorsque, comme moi, on découvre le groupe pour la première fois et que l'on surfe sur leurs pages. La cover de Peter Gabriel que l'on peut écouter sur leur chaine Youtube va dans ce sens ; j'inviterais les Ouija à renouveler ce genre expérience et à dépasser le simple contenu informatif.
En conclusion, Addiction est un premier album plaisant, avec des influences sérieuses et une personnalité évidente ; c'est déjà un combo fort pour un groupe qui commence à peine à faire parler de lui. A suivre donc !
Page Facebook de Ouija : https://www.facebook.com/your.ouija
Album en écoute sur : http://www.deezer.com/album/7218119
Myspace de Ouija : https://myspace.com/ouijarockprog
