Je ne pensais pas que je ferais mon propre Wages of Sin
A l'occasion de la sortie de War Eternal, Michael Amott, guitariste et leader d'Arch Enemy, et Alissa White-Gluz, chanteuse fraichement intégrée dans le groupe, ont accordé à La Grosse Radio une interview au cours de laquelle ils sont revenus sur les tumultes qui sont arrivés au groupe en 2013 ainsi que sur la motivation qui les a poussé à se surpasser sur ce nouvel album.
Bonjour Alissa et Michael et merci de nous accorder cette interview. Quel sentiment avez-vous eu une fois l’album War Eternal fini ?
Michael Amott : C’était super, un véritable accomplissement. L’année dernière a été vraiment turbulente pour le groupe, comme un grand-huit émotionnel, dans lequel nous avons perdu notre chanteuse [Angela Gossow]. On a réussi à en trouver une nouvelle, mais on a gardé un grand secret pendant longtemps ! [rires] Nous avons écrit beaucoup de musique, nous avons beaucoup travaillé avec le label [Century Media Records], pris beaucoup de photos pour la promo… Cela a fait une masse considérable de travail, mais maintenant, nous sommes prêts à lâcher quelque chose de très personnel et qui compte beaucoup pour nous.
On remarque d’ailleurs que les paroles semblent plus personnelles qu’avant, plus enragées. Pouvez-vous nous en parler ?
Alissa White-Gluz : Michael et moi avons une différente manière d’écrire nos paroles, mais celles-ci sont celles qui sont venues le plus naturellement lors de cette année 2013 qui a changé nos vies. Elles correspondent le mieux à la musique présentée. Vu que je crie, c’est mieux si les paroles sont les plus enragées possibles ! [rires] C’est plus cohérent pour moi de crier ”Hate springs eternal in this black heart of mine” [chanson ”Never Forget, Never Forgive”] qu’un truc débile du genre ”I love you baby” !
On remarque quelques traces de chant clair dans les chœurs d’”Avalanche”. Vu que tu maîtrises le chant clair, as-tu pensé à en mettre plus dans War Eternal ou à l’avenir ?
Alissa : Je pense que le chant clair est sujet à controverse dans le metal. Les pères fondateurs comme Judas Priest en utilisent, mais d’autre comme Pantera se rapprochent plus du growl. Avec Arch Enemy, je voulais donner ce qui correspondait le plus aux chansons. Michael a collaboré aux arrangements vocaux pour être sûr que ça collait. J’étais contente de placer un peu de chant clair à certains endroits, même s’il faut tendre l’oreille. Il y a aussi eu d’autres passages où ça aurait pu coller, mais je ne pense pas que War Eternal est le bon album pour faire ça, parce qu’Arch Enemy a un son bien défini et je ne voulais pas débarquer et tout chambouler, je veux respecter l’identité du groupe, je suis aussi une grande fan ! Mais on verra ce qui se passera à l’avenir, si une chanson le demande, on sera ouvert à cette possibilité. Mais la plupart du temps, les guitares s’occupent de chanter, donc ce n’est pas une nécessité.
Michael, les chansons ont-elles été composées avant ou après qu’Alissa n’intègre le groupe ?
Michael : Les deux. Il y a eu une session d’écriture quand je suis allé aux Etats-Unis en mars 2013 rendre visite à Nick Cordle [guitariste] dans son studio chez lui, on a fait quelques enregistrements avec une batterie programmée. On est ressorti avec 5 chansons de cette session, ce sont celles que j’ai données à Alissa quand elle est arrivée dans le groupe quelques mois plus tard. Elle s’est mise à travailler dessus et nous avons continué d’écrire, en Suède cette fois. Nick y est venu cet été et on a pas mal travaillé avec Daniel Erlandsson [batterie]. Mais c’est vraiment Alissa qui a marqué le point de départ, à partir de son arrivée on a su qu’on faisait un album et pas juste des chansons. Le futur était incertain avant, mais la machine s’est mise en branle et on savait qu’on devait encore plus relever le niveau pour le prochain album d’Arch Enemy. Nous nous sommes mis la pression, mais c’était positif, on a regardé nos anciennes chansons, vu ce qui n’allait pas et changé ce qu’il fallait changer pour rendre l’ensemble plus intense.
Parle-nous des arrangements symphoniques dans l’album, que vous utilisez pour la première fois dans votre carrière.
Michael : C’était vraiment cool. Ça fait un peu cliché dans le metal, mais c’est quelqu’un que j’ai rencontré, qui est bien connu dans le monde du mainstream, il a participé à plein d’albums, dont certains de Celine Dion. On s’est parlé dans une fête, il joue aussi de la guitare. Je lui ai lâché le nom d’Arch Enemy et le lendemain, il m’a envoyé un texto pour me dire que le clip de Nemesis l’a impressionné et qu’il voulait travailler avec nous. Du coup s’est revu pour sélectionner quelques chansons, qui sont ”Tempore Nihil Sanat (Prelude in F minor) ”, ”You Will Know My Name”, ”Time Is Black” et ”Avalanche”. Il nous a fait une démo qui m’a déjà impressionné, vu qu’il travaille sur des logiciels très avancés, les arrangements étaient dignes d’un groupe de metal symphonique ! Il a ensuite réussi à nous arranger un arrangement avec un orchestre et on a accepté. J’aime bien certains groupes de metal symphonique, comme Nightwish, mais pour certains, je trouve dommage qu’on n’entende pas assez les guitares. Pourtant, on voit quelqu’un en jouer dans le clip ! J’imagine que quand tu dépenses autant d’argent pour un orchestre, tu as envie qu’il soit en avant. Je peux aussi féliciter le travail de Jens Bogren au mixage, qui a réussi à faire quelque chose de notre album !
War Eternal est le premier album écrit sans Christopher Amott [ex-guitariste]. Comment s’est passée la collaboration avec Nick ?
Michael : C’était bien, nous avons développé une belle amitié ”guitaristique” quand nous étions en tournée pour Khaos Legions, nous avons beaucoup parlé du nouvel album, beaucoup jammé en coulisses et sauvegardé beaucoup d’idées, les choses se sont aussi très bien passées quand j’ai été aux Etats-Unis avec lui. D’une certaine manière, l’album est à moitié né là-bas. Tes nouvelles rencontres t’inspirent, c’est comme ça que ça se passe. Même s’il n’a pas tout écrit, il avait beaucoup d’idées et était très impliqué dans le processus créatif.
Michael, on en parlait tout à l’heure avec les paroles, mais l’album semble aussi plus agressif musicalement. Est-ce voulu ?
Michael : Oui, c’était très important pour moi, je sais que j’ai rendu Daniel et Sharlee D’Angelo [bassiste] fous. Je pense qu’à la section rythmique, tu t’amuses plus à jouer du mid-tempo, parce que tu peux y mettre plus de groove. Et ils sont excellents là-dedans, je pense notamment à ”Under Black Flags we March” ou ”We Will Rise”, ça swingue presque ! Quand tu joues à 1000 km/h, c’est moins groovy, mais j’ai insisté pour qu’on joue vite. Cela a plu à Daniel d’ailleurs, les gens ne le remarquent pas assez, mais il est vraiment excellent sur cet album, il s’est vraiment surpassé. C’est le cas de tout le monde, on devait vraiment se donner à fond pour faire face aux éventuelles critiques, aux gens qui pensaient qu’Angela ou Chris faisaient le groupe. Il y a toujours une partie de fans vraiment connaisseurs qui écouteront ce disque avec des oreilles plus critiques, ils sont aussi importants pour nous que les nouveaux qui apprécieront War Eternal pour ce qu’il est.
Quand avez-vous décidé de vous séparer d’Angela en tant que chanteuse ?
Michael : C’est dur de dire quand ça s’est passé exactement. C’est une décision qui est venue graduellement, nous avons dû traverser cette épreuve l’année dernière. C’était difficile, mais c’était vraiment ce qu’elle voulait. Nous avons essayé de l’en dissuader, comme n’importe-quel groupe aurait fait, je pense. C’était aussi une période étrange d’intégrer Alissa dans le groupe. Mais c’est allé vite. On a d’abord parlé avec elle, vu qu’elle était sympa, on l’a amenée en Suède, répété les anciennes chansons et la voir chanter ”Nemesis”, ”We Will Rise”, ”Dead Eyes See no Future”, ”Bloodstained Cross” était énorme. Elle était aussi enthousiaste avec les nouvelles chansons, elle a écrit ses paroles très rapidement, à se demander si elle dormait dans sa chambre d’hôtel ! [rires] Je recevais des e-mails à des heures très étranges. Je me souviens avoir reçu ”As the Pages Burn” à 5h du matin. On a passé beaucoup de temps à parler de notre manière d’appréhender la musique et les paroles. Donc c’était une période de turbulence, mais une fois qu’Alissa est venue, tout s’est stabilisé.
Alissa, comment t’es-tu sentie à ton intégration dans le groupe ? Wages of Sin est le premier album que tu as acheté en plus.
Alissa : C’était quelque chose. Quand j’ai acheté ce disque, je ne pensais pas que je ferais mon propre Wages of Sin ! [rires]
Michael : On fait ça tous les dix ans ! [rires]
Alissa : Oui, c’est comme les cycles lunaires ! Cela fait environ 10 ans qu’on est amies avec Angela. Elle m’a contacté, suggéré de parler à Michael, il m’a demandé de travailler avec le groupe, j’ai tenté ma chance et nous n’avons pas arrêté de travailler ensemble depuis. C’était assez fort émotionnellement, parce que beaucoup de choses ont changé, mais, en même temps, je suis très fière de cet album, je pense que c’est mon meilleur à ce jour.
Comptes-tu participer à la composition des chansons d’Arch Enemy à l’avenir, comme tu faisais dans The Agonist ?
Alissa : J’ai déjà écrit les paroles de cinq chansons et les lignes vocales, mais je suis à une étape de ma carrière où je veux que la chanson soit la meilleure possible, que je sois créditée à 100% ou à 0%. Etre heureuse est la chose la plus importante pour moi, et si la musique est bonne, je suis heureuse. De toute évidence, je travaille avec d’excellents musiciens qui ont fait un excellent travail sur War Eternal, j’étais clouée sur place en écoutant les démos instrumentales ! J’ai un autre groupe dans lequel je chante, dont je ne peux pas dire le nom pour l’instant, qui fait du punk rock assez rapide avec que des filles canadiennes qui sont connues pour être dans le metal… Mais Angela n’en fait pas partie ! [rires] Du coup, je suis comblée sur le plan musical.
Qu’en est-il de la différence d’âge qu’il y a entre les membres, est-ce que ça a joué ?
Michael : C’est assez touchy comme sujet ! [rires]
Alissa : Je pense que mon âme est assez âgée, même si mon corps n’a que 28 ans. J’ai beaucoup tourné avec Kamelot, dont les membres ont le même âge que ceux d’Arch Enemy. Je préfère les gens plus âgés. Mon compagnon est même plus vieux qu’eux ! Je préfère les gens qui ont assez de maturité pour supporter le fait que je sois vieille dans ma tête. Mais je n’y avais jamais pensé avant.
Alissa, tu as parlé de ton nouveau groupe, mais Michael, même si tu as bouclé ta tournée avec Spiritual Beggars, as-tu déjà pensé à la suite d’Earth Blues ?
Michael : L’année dernière était très intense, du coup, je me sens un peu vidé sur le plan créatif. On en a fini avec l’activité de ce groupe pour l’instant. Je n’écris jamais de musique par nécessité, mais parce que je me sens inspiré. Mais l’approche de Spiritual Beggars est assez simple, alors qu’Arch Enemy est un projet bien plus important. Je préfère me concentrer dessus pour l’instant, c’est un vrai travail de présenter le groupe à ce nouveau. On verra bien ce qui se passera à l’avenir.