Représentant hexagonal du Metal ethnique, le groupe parisien Abinaya démontre avec son deuxième album qu'il possède un grand dynamisme, de solides qualités musicales et un univers bien à lui malgré quelques changements concernant la composition qui ne convainquent pas toujours.
Le Metal ethnique, voilà un genre bien particulier, ce mélange de sonorités tribales/ exotiques avec la puissance et la rage du Metal popularisé par Sepultura mais développé par leurs compatriotes brésiliens Overdose en 1993 sur leur album Progress Of Decadence (groupe qui a d'ailleurs compté le premier guitariste soliste de Sepultura Jairo Guedz dans ses rangs) en 1996 avec son best-seller Roots ne comporte finalement pas beaucoup de formations oeuvrant dans ce genre. Non ! Ne me parlez pas d'Ektomorf merci, à vrai dire seul Soulfly semble continuer à faire carrière tranquillement dans cette veine ou Orphaned Land dans un style un peu plus subtil.
Et en France ? Il y a Abinaya (nom tiré du Sanscrit qui signifie « transmettre, communiquer avec.. ») groupe parisien formé en 2003 et qui possède deux particularités : déjà le combo s'exprime en français et de plus comporte en son sein un batteur non-voyant, chose peu courante qui mérite d'être signalée.
Après avoir sorti son premier véritable album Corps en 2009, Abinaya a tourné un peu partout en France et à l'étranger, se faisant remarquer par ses prestations scéniques sortant du lot (le percussionniste Nicolas Héraud semble être une vraie bête de scène). Les parisiens ont aussi recueilli les éloges de la presse internationale entre autres et d'Andreas Kisser sur son blog, ce qui est plutôt encourageant.
Le groupe qui revendique le géant du Metal brésilien Sepultura et ses déclinaisons (Soulfly et compagnie) comme influences se reconnaît aussi dans des formations plus modernes et des choses plus ethniques et moins Metal. Son deuxième album Beauté Païenne, à l'artwork très réussi, est disponible depuis le 31 mars sur Symbol Music (distibution Brennus).
Les hostilités débutent sur une ambiance mystique (on y entend des moines tibétains déclamer un OM, soit un chant de prière qui leur permet d'entrer en état de transe) qui annonce l'orage décibélique qui va suivre, celui-ci prend la forme d'un gros riff accompagné d'une déferlante thrash et d'interventions au djembé. La voix d'Igor, guitariste-chanteur et parolier du groupe, est agressive, alternant passages hurlés et parlés, le refrain est efficace et ce morceau qui comporte un break avec des choeurs mystiques est une très bonne entrée en matière.
De l'énergie et de la fureur Abinaya n'en manque pas, que ce soit le riff démoniaque (accompagné de ce djembé souvent bienvenu) qui introduit la piste suivante« Arawacks » ou sur le bien nommé « Haine » qui renvoie au Sepultura pré-Roots et qui doit faire son petit effet sur scène. La rage se fait ressentir aussi sur « Nord-Sud » où l'on pense encore au célèbre groupe brésilien mais dans sa deuxième période musicale cette fois-ci ou sur le morceau final « Le nouvel Insurgé (à Jules Vallès) » à l'atmosphère guerrière.
A la colère se mêle aussi une certaine mélancolie parfois comme sur le mid-tempo « L'Epitaphe », un des meilleurs morceaux de l'album qui comporte un refrain bien accrocheur et la ballade « Le noir soleil » à l'atmosphère onirique.
Ce qui fait la force d'Abinaya aussi ce sont les textes soigneusement écrits par Igor, des paroles assez poétiques décrivant un univers particulier, ainsi « Arawacks » évoque une tribu des Caraïbes décimée par les européens tandis qu'« Almées » rend hommage aux danseuses et chanteuses du Moyen-Orient, citons aussi « Le noir soleil » et « L'Epitaphe » qui sont de parfaits exemples de cette richesse linguistique. Les paroles sont parfois revendicatrices comme sur « Haine », « Nord-Sud » ou « Le nouvel Insurgé (à Jules Vallès) » qui comporte un texte qui aurait pu être écrit par un certain Bernie Bonvoisin.
Niveau performance musicale, attardons-nous sur le talent de Nicolas Vielhomme qui sait tenir le rythme et la mesure malgré son handicap, ce qui en fait le batteur le plus méritant de la scène Metal avec Rick Allen de Def Leppard.
Mais Beauté Païenne n'est pas exempte de quelques défauts, il y en a deux à relever, déjà concernant le chant d'Igor, plus agressif et hargneux que sur le premier album du groupe, cela fonctionne sur certains morceaux, parfois moins comme sur le refrain de « Haine » qui est à la limite de la justesse (malgré des choeurs efficaces) un peu plus de variété serait bienvenue. Je préfère la tessiture vocale plus « rock » présente sur « Corps » personnellement, alterner les deux registres serait une initiative heureuse à prendre pour les prochaines compositions, surtout qu'Igor possède une voix qui semble parfaitement modulable.
Le deuxième petit reproche à faire à ce nouvel effort d'Abinaya se rapporte à la durée des morceaux, le groupe a voulu rallonger un peu plus ses titres mais parfois cela pèse un peu sur leur efficacité, un peu de concision n'aurait pas fait de mal. De plus, il est dommage que les parties de percussions ne soient pas un peu plus présentes au coeur des morceaux (en solo par exemple), je pense que cela donnerait encore plus de charme à la musique du groupe.
Cependant avec ce deuxième album Abinaya prouve qu'il a toutes les cartes en main pour devenir l'un des représentants, voire la locomotive, de la scène Metal ethnique hexagonale., une victoire qui serait de toute beauté, païenne bien entendu.
Liste des morceaux
1 « Beauté Païenne »
2 « Arawacks »
3 «Haine »
4 « L'Epitaphe »
5 « Nord-Sud »
6 « Le noir Soleil »
7 « Almées »
8 « Le nouvel Insurgé (à Jules Vallès) »