Florian Paris, guitariste de Deep in Hate

Dans la toute jeune histoire de la musique metal qui est la nôtre, il semblerait qu'il y ait eu, au fil des générations, une gradation progressive vers des accordages de plus en plus bas et une véritable " descente aux enfers sonore ". La scène actuelle regorge de groupes auxquels on peut apposer allègrement le préfixe "death" ou encore "core" quelque chose.

Vous avez peut-être aperçu les franciliens de Deep In Hate en première partie de Devildriver, Decapitated, ou encore Arch Enemy récemment ? A La Grosse Radio, nous avons été intrigués par ce groupe singulier, par leur parti-pris d'exploration de la haine urbaine ambiante, et plutôt convaincus par leurs shows dynamiques, et sommes ainsi partis mener l'enquête. Entretien avec Florian Paris (guitare).

Commençons par parler actu ! Vous venez tout juste de revenir d’une mini-tournée en opening act d’Arch Enemy : comment ça s’est passé ? Vous avez eu des retombées positives ?

Ca s’est très bien passé ! Bon, les conditions furent un peu chaotiques par moments, et je me plais à appeler ce mini-tour « la tournée de tous les dangers », tant nous y avons eu notre dose de problèmes techniques improbables … Mais nous nous sommes serrés les coudes avec l’autre première partie, Mylidian, et je pense que ce sont nos relations l’un à l’autre qui ont sauvé la tournée. L’accueil du public a été très cool sinon, particulièrement à Rennes (lire le live report de notre Unna) et Rouen (lire le live report de notre Vyuuse), car Strasbourg s’est avéré bien plus axé heavy metal quand même, donc à fond dans le style d’Arch Enemy. Globalement, je pense que nos prestations ont été assez efficaces.

J’ai lu, pour ma part, des retours assez inégaux : certains ont beaucoup aimé votre musique et l’ont qualifiée de « très bonne découverte » sur le net et les forums, tandis que d’autres ont trouvé que vous n’étiez pas à la hauteur et ne vous démarquiez pas assez.

Ca ne m’inquiète pas plus que ça. La seule chose qui importe est que nous ayons gagné pas mal de nouveaux fans, et je reste ainsi convaincu que c’est « mission accomplie ». Notre tourneur, K Productions, a fait un excellent boulot en nous propulsant sur cette affiche.

Vous venez de sortir un tout nouvel album (lire notre chronique de Chronicles Of Oblivion). La production dessus est assez différente de la précédente : j’ai trouvé que c’était mi-ricain, mi-local. Qu’en penses-tu ?

Je pense que ce serait judicieux de dire que nous visions une prod à l’américaine, et que notre démarche s’inscrit ainsi dans cette tentative. En même temps, que veut vraiment dire « production française », dans la mesure où nous écoutons tous des groupes américains ? J’aime à penser que nous avons su conserver notre sensibilité européenne, et n’avons pas donné dans la surcompression à outrance et le dégueuli de décibels. Je trouve que dans les prod actuelles, la batterie et le chant sont trop en avant, par exemple. Nous, nous avons fait au mieux pour que tout soit à égalité, et qu’on entende bien chaque instrument. Notre approche a été la suivante : nous avions en-tête d’obtenir un son assez « clinique », car ça fait partie de notre parti-pris artistique ; on voulait que ce soit le plus « propre » possible, le plus « droit » - mais - tout en conservant quand même un côté « room ». Le gros avantage pour nous est que nous avons vraiment réalisé ce disque « à la maison » : les studios DIH Prod ont été montés par Vincent (guitare lead), Bastos (drums) et Julien Delsol (notre ingénieur du son). Nous avions une aisance énorme en termes de temps, étions totalement exempts de cette contrainte, et avons ainsi pu rentrer beaucoup plus dans le détail que par le passé.
 


Parlons paroles : vous présentez un contexte post-apocalyptique, et avez une approche très nihiliste. Ce qui va de pair avec votre nom : Deep In Hate.

La chanson qui ouvre l’album parle de destruction, elle pose le cadre. Elle est descriptive. Il y a un côté biblique, évidemment, et je vois ainsi bien ces chroniques comme une sorte de Bible d’un monde post-apocalyptique, avec des épisodes dans des lieux géographiques & des temps différents. La fin du cycle est en fait le début. Puis nous avons développé un parti-pris très négatif, et l’on voit un monde abject se recréer. Le seul espoir réside éventuellement dans la dernière, où un nouveau monde va naître. J’ai aimé l’idée de prendre un monde factice et de voir ce que ça pourrait donner. Il y a évidemment de nombreux parallèles avec notre société actuelle, et c’est finalement assez métaphorique. Nous parlons souvent de contrôle des masses, si tu as remarqué, et nous avions déjà commencé avec « Lobotomizing The Masses ». Il semblerait que nous soyons obsédés par ça … En tant que race humaine, nous sommes finalement assez immatures comme espèce : pourquoi n’arrivons-nous juste pas à simplement vivre ensemble et s’y retrouver ? Cet album est certainement mu par cette considération.

Qui a réalisé votre pochette ? L’artwork me fait un peu penser à du Joakim Luetke (artiste germanique qui réalise, entre autres, les pochettes de Dimmu Borgir).

Il s’agit de Vincent d’Above Chaos. Il travaille notamment avec le Hellfest. Pour la petite histoire, nous l’avions rencontré à l’occasion d’un de nos concerts à Brest, il y a quelques temps ; il avait réalisé le flyer de la soirée, et nous avions flashé sur son travail. Quand le moment est venu de s’atteler au graphisme de notre nouvel album, nous avons tout naturellement pensé à lui. Et il a fait un travail remarquable, qu’il faut saluer.

Pourquoi cette obsession avec les triangles ? C’est un motif qui est assez « à la mode » en ce moment…

Ca, il faudrait lui demander à lui ! Je sais que nous avons émis cette idée de géométrie au départ, et de triptyque aussi. A partir de là, il y est allé en « free style ». Nous lui avons laissé une bonne marge de manœuvre pour la conception graphique de cet album.

Votre triangle à vous va vers le haut. En herméneutique, la pointe vers le haut dénote d’une volonté d’aller vers la spiritualité ; tandis que vers le bas, c’est une obsession pour le matérialisme. Ce n’est pas un peu paradoxal, vu le style de musique que vous jouez ?

Pas forcément. Tu parlais de nihilisme tout à l’heure ; c’est certes une musique assez noire, mais elle révèle une aspiration à une issue positive, finalement.

Strictement musicalement : votre marque de fabrique à vous, c’est l’alternance de tempi ultra rapides et de passage très heavy dans lesquels je peux déceler, pour ma part, des influences un peu plus « old school », de style Machine Head ou Slipknot. Je me trompe ?

Nous aimons, en effet, ces groupes. Nous nous revendiquons d’appartenance « deathcore », et si l’on parle de groupes comme Despised Icon par exemple, ça me va, car nous avons les breakdowns en commun. Ils pratiquent eux aussi le grand écart dont tu viens de parler. J’adore, pour ma part, les nuances dans une musique. Nous aimons aussi beaucoup White Chapel, et avons en commun avec eux les ambiances. J’ajouterais également des groupes comme Metallica et Pantera à nos influences, pourquoi pas. Beneath The Massacre, Gojira, Decapitated, Behemoth aussi.

Quel regard portez-vous sur la scène metal locale qui vous entoure ? Y a-t-il des groupes que tu affectionnes particulièrement ?

Je la trouve très dynamique. Mais nous sommes encore tous dans une phase de croissance. Dans cinq ans, je pense que nous verrons le résultat de l’effervescence qui se produit actuellement, car tout se décantera. Pour le moment, je crois que nous sommes entre-deux. Mis à part Gojira qui a percé, et est devenu une référence au point que l’on puisse dire d’un autre groupe : « ah, ça sonne comme du Gojira ». J’aime beaucoup Rise Of The Northstar, qui officie dans le hardcore metal. Quand on pense qu’ils n’en sont qu’à leur premier album, ça laisse présager du meilleur pour la suite. J’adore Hacride, aussi, même si j’ai moins aimé leur dernier album. Pour moi, à l’époque de Amoeba (2007), ils étaient les deuxième français après Gojira. J’ai aussi beaucoup aimé le premier album des Checkmate, dont j’ai trouvé la prod très belle et le tout très « texturien ». Globalement, je trouve qu’il y a des choses de qualité au sein de notre scène, et je suis plutôt optimiste. Il y a une émulsion, beaucoup de groupes semi-pros, et les gens se déplacent pour les concerts. Donc, à présent, il n’y a plus qu’à !

Liens utiles :

Le site internet de Deep In Hate
Retrouvez Deep In Hate sur Facebook
Le site d' Above Chaos 

 



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