L'expression populaire nous dit qu'il faut bien que jeunesse se passe. Et pourtant, certaines formations, composées de membres aux âges peu avancés, se plaisent à écouter l'héritage laissé par les anciens et à suivre cette voie, bien décidés à continuer cette mouvance. Après tout, tant que l'on reste dans les dictons, il est également monnaie courante d'entendre que les meilleures soupes sont faites dans les vieux pots. C'est notamment dans cette vague que l'on retrouve, par exemple, les prometteurs Blues Pills, ou encore le groupe dont il est question aujourd'hui, Electric Citizen. En provenance des États-Unis et au look inspiré par les années 70, une partie du visuel et même le patronyme n'est pas non plus sans évoquer les célèbres britanniques d'Electric Wizard, considérés comme de véritables légendes du doom. Cette inspiration est-elle poussée jusqu'à la musique délivrée? Dans la masse de suiveurs qui agglutinent jour après jour dans cette tendance revival, difficile de se démarquer et de survivre, et pourtant …
Le quatuor possède plus d'un argument à faire valoir face à nombre de ses congénères. Bien évidemment, l'originalité n'est pas au rendez-vous et il n'est pas question ici d'insérer de la mandoline ou un break tribal afin de faire du zèle aux amateurs de sonorités déjantées. Point de tout cela dans Sateen. Ici, tout est dédié à un hommage aux grands noms du rock / metal aux accents psychédéliques, stoner, s'engouffrant de manière totalement assumée parmi le noyau des nouveaux venus du « rock / metal occulte stoner-psyché-doom-à chanteuse ». Et si l'on pensera souvent, à l'écoute de ces dix morceaux, aux pionniers (Black Sabbath ou Pentagram en tête), d'autres noms plus récents viendront à l'esprit sur ce disque : l'envoûtante « Magnetic Man », par exemple, n'est pas sans évoquer les populaires canadiens de Blood Ceremony. Ce n'est pas pour autant que le quatuor manque de personnalité, et celui-ci parvient sans peine à se frayer son chemin à l'aide de pistes efficaces, parfois entêtantes ou encore plus sombres et lancinantes selon leur envie.
Une promenade dans la campagne, parfait pour se détendre quand l'ambiance devient électrique
L'une des forces du combo provient de sa frontwoman Laura Dolan, au timbre aigu et difficile d'appréhension au départ. Quelque part entre Siouxsie et Uncle Acid, sa voix s'accorde sans peine aux diverses atmosphères abordées par Electric Citizen. Et dès le titre d'ouverture, « Beggar's Need », la jeune femme s'impose naturellement, déposant ses lignes de chant soigneusement écrites sur une section rythmique simple mais envoûtante. Au fond, ce qui fait le charme de ce groupe par rapport à tant d'autres suiveurs, c'est sa constance. Les pièces se suivent, peuvent présenter des points commun ou nous emporter complètement ailleurs, mais chaque exercice est savamment maîtrisé. Les réussites sont nombreuses au sein de l'offrande, et il est judicieux de penser, en premier lieu, à « Magnetic Man » où chaque acteur est partie intégrante du succès de la piste. Là où Ross Dolan nous offre un solo plaisant, les autres membres du combo construisent une toile de fond hypnotique, sur laquelle Laura se fait un plaisir de chanter avec conviction, côtoyant les hautes sphères vocales sans heurts ni difficultés. Dans un registre différent, « Future Persuasion » fonctionne immédiatement, n'hésitant pas à incorporer les sonorités d'un clavier fort judicieux quant à la création d'une ambiance permettant au quatuor de maintenir intact l'intérêt de l'auditeur.
La petite déception de l'opus proviendra de « Hawk Nightingale », placée en milieu de course. Plus longue que les autres, cette piste ne manque pas de bonnes idées mais ces dernières ne sont pas exploitées correctement. Le chant de Laura y est aérien, sensible, mais le titre ne décolle jamais réellement et ce malgré toute la bonne volonté des américains qui tentent, en vain, de faire monter la mayonnaise de l'intensité. C'est dommage, car on aurait pu tenir une pièce maîtresse du disque si tout ne tombait pas ainsi à plat. Faux pas heureusement rattrapé par la suite, notamment grâce à « Shallow Water » et « Light Years Beyond », ne manquant ni d'accroche, ni de groove.
Nous sommes donc en présence d'une galette à l'interprétation agréable, et aux compositions variées et efficaces. Simplistes en apparences mais plus creusées qu'elles n'y paraissent, les pistes nous font vivre un très beau moment de rock / metal psychédélique, et si l'excellence d'un Blues Pills n'est pas encore atteinte, le potentiel présent sur ce Sateen donne de très bons espoirs pour Electric Citizen quant à la suite des événements. Ne soyez donc point pleutres, et faites l'acquisition de cette mouture. Fans du genre, vous ne le regretterez pas une seconde.