Rage sentimentale
Accept continue d’enchaîner les albums avec toujours autant de régularité et sort ainsi Blind Rage, troisième album depuis sa reformation. Les Allemands ont décidé de mettre plus en avant leur facette émotive sur ce disque et délivrent aussi un travail mélodique de taille, sans pour autant oublier de faire résonner la distorsion et de durcir le ton, restant ainsi dans le heavy metal pur jus et inspiré.
Coup de tonnerre dans la plaine heavy metal. Les leaders du heavy teuton remettent le couvert et font appel à l’imagerie bourrine pour montrer qu’ils ne sont pas d’humeur à rigoler et qu’ils vont tout dévaster sur leur passage avec Blind Rage. Du moins, c’est ce qu’on pourrait penser en regardant la promo mise en œuvre autour de l'album et en écoutant le premier single, "Stampede", peu inspiré, mais rentre-dedans.
Mais, sur l’ensemble, l’album prend une forme inattendue. Elle commence à se manifester dès "Dying Breed" et son refrain mélancolique, pour ensuite traverser tout le disque, que ce soit dans l’humeur générale de "Fall of the Empire", le thème de "Trail of Tears" ou tout le titre "Wanna Be Free". Sans crier gare, Accept joue la carte de la sensibilité et réussit son coup en mettant cet aspect plus en avant que jamais.
En effet, Accept ne tombe jamais dans l’écueil de la sensiblerie ou de l’étalage de tirés de cordes lacrymaux. Wolf Hoffmann, leader et soliste à l'identité sonore marquée, distille ses mélodies dans des interventions inspirées et soignées, notamment dans "Dying Breed", où le solo fait évoluer la mélodie principale vers le firmament. Ce genre ascension mélodique est reproduit sur "200 Years", mais le loup n’hésite pas à accélerer la cadence sur "Bloodbath Mastermind", par exemple. Son amour pour le classique n’est pas éteint, on le remarque à l’écoute du solo de "Final Journey", dont le thème est emprunté à Edvard Grieg et son standard "Peer Gynt suite".
Mais ce regain d’émotion ne profite pas qu’au guitariste. En effet, le chanteur Mark Tornillo qui avait montré un chant plus nuancé que le colérique Udo Dirkschneider, gagne en finesse d’interprétation. Sans jamais tomber dans le larmoyant, il éructe avec justesse le désarroi des Cherokee dans "Trail of Tears", gouaille comme il faut dans "Dark Side of my Heart" et laisse apparaître un rictus vicieux en déclamant une histoire post-apocalyptique dans "200 Years".
Mais attention, Accept reste avant tout un groupe de heavy viril et velu et le montre bien avec la rock n’roll "From the Ashes we Rise", l’épique "Wanna be Free" et la musclée "Final Journey". Si Wolf affine ses interventions, l’ensemble reste direct et les structures simples, portées une rythmique réglée au cordeau, avec un Stefan Schwarzmann qui frappe comme un sourd pendant que Peter Baltes fait raisonner sa basse profonde et puissante.
Avec Stalingrad, Accept s’était presque perdu avec une poignée de titres qui bourrinaient dans le vide. Avec Blind Rage, le groupe prend ce qu’il fait de mieux ces dernières années et met ses qualités mélodiques en avant. Il n’atteint malheureusement pas la perfection à cause de certaines facilités, que ce soit dans le molasson "Stampede" ou le refrain peu inspiré de "Bloodbath Mastermind". Mais cela n’est pas suffisant pour tirer vers le bas cet album soigné et jouissif.