Tout au long de leur carrière, les Blonde Redhead n'ont eu de cesse d'évoluer dans leur musique, passant du statut d'ersatz de Sonic Youth à celui de groupe electro pop gentiment soporifique. Il faut bien avouer que depuis 2007, date de leur signature sur le label 4AD (label regroupant des groupes comme Bauhaus, Dead Can Dance ou Lydia Lunch, bref, que des trucs qui sentent bon la joie de vivre !) et de la sortie de leur album "23", les new yorkais ont largement calmé leurs ardeurs jusqu'à s'emmitoufler (s'étouffer diront certains) dans le son cotonneux de "Penny Sparkle".
Et comment nos trois lascars cosmopolites auraient-ils bien pu pousser le concept de leur dernier opus encore plus loin sans finir par signer un album 100% ambient à la Harold Budd ?
C'est précisément sur ce point que le groupe surprend. Au lieu de continuer cette trajectoire horizontalement logique (commencer avec du rock noisey bien underground, donner un coup de frein puis jouer de la pop rock goût électro) Blonde Redhead choisit de faire un pas de coté. Exit donc les sonorités vaporeuses de synthés que certains jugeaient trop envahissants, le maître mot de "Barragán" semblant être : minimalisme. C'est d'autant plus cohérent lorsque l'on sait que Barragán est en réalité le nom d'un architecte mexicain dont le style était réputé pour son dépouillement et sa simplicité. On ne pourra donc pas dire que la couleur n'est pas annoncée !
La piste d'intro est d'ailleurs on ne peut plus étonnante. Il s'agit d'un instrumental, duo entre flûte et guitare dans un pur style folk... Mon dieu, quelle idée de génie ! S'il y'a un terrain sur lequel on ne les attendait pas , c'est bien celui là ! Pourtant, dès le second titre (le très bon "Lady M"), on revient à de la pop rock, finalement assez proche de ce qu'à pu faire le groupe sur leur précédentes compositions, à ceci près que le son est en comparaison rachitique. Plus de fioritures, rien que l'essentiel, sans aucun débordements. Et c'est cette approche somme toute rafraichissante qui traverse tout l'album. Mais si le tour de force d'arriver à proposer quelque chose de différent après 20 ans de carrière est tout à fait admirable, n'en reste pas moins que Barragán garde quelques vilaines failles.
Malgré le faible nombres de pistes (10 au total), certaines auraient mieux fait de rester au placard (la paresseuse "Cat On Tin Roof") ou bien d'être repensées voire réécrites ("Defeatist Anthem (Harry & I)" et sa seconde partie pas franchement utile). Qu'à cela ne tienne, on pourra toujours voguer et divaguer sur la langoureuse "No More Honey" et se reposer sur le chant toujours plus maîtrisé de Kazu Makino. Ce ne sera en tout cas pas cette année que Blonde Redhead nous étalera avec un must, tout au plus ont-ils pris la peine de se rappeler à notre bon souvenir en attendant de les voir partir une fois encore vers de nouveaux horizons.